Dimanche Ouest France (Morbihan)

« Transmettr­e son nom donne une visibilité à la mère »

- Propos recueillis par P. L. G.

Pourquoi avez-vous créé Porte mon nom en 2020 ?

Je ne portais pas le même nom que mes enfants, et je ne supportais plus d’avoir à justifier que j’étais leur mère, à l’hôpital, pour les inscrire à des activités, prendre l’avion… Je me suis rendu compte que beaucoup de mères séparées avaient le même problème et qu’énormément de gens voulaient changer de nom de famille.

Que dit la loi relative au choix du nom issu de la filiation ?

Elle stipule qu’une personne majeure peut changer de nom pour prendre celui de sa mère, de son père, ou les deux dans l’ordre souhaité. Elle permet au parent qui n’a pas transmis son nom à la naissance de son enfant, de le lui adjoindre en nom d’usage, sans avoir à demander l’autorisati­on de l’autre parent. Et quand il y a retrait total de l’autorité familiale, un changement de nom du mineur peut être demandé (pas juste en nom d’usage), ce qui était impossible avant. Par exemple, s’il y a eu inceste ou féminicide, quand le père a tué la mère.

Les changement­s de nom n’étaient pas autorisés avant cette loi ?

Seules quelques exceptions étaient autorisées pour « motifs légitimes », en cas de noms difficiles à porter ou pour les franciser. Tout ce qui relevait du « motif affectif », un terme détestable pour désigner des histoires de viol, d’inceste, d’abandon, n’était pas valable. C’était hallucinan­t.

Le nom est-il une forme d’héritage ?

Oui, et parfois l’héritage est très lourd.

Qui vous contacte ?

Nous recevons beaucoup de témoignage­s d’hommes, plus que de femmes, qui ne veulent plus être associés à celui qui a maltraité leur mère ou qui les a violentés. Parfois le problème est lié aux grands-parents, à un oncle, un cousin… La maltraitan­ce revient souvent mais il y a beaucoup d’autres motifs. J’ai reçu une femme qui porte le nom algérien de son père et veut prendre le nom de sa maman pour ne plus subir de racisme. La plupart des demandes visent à remplacer le nom de famille du père par celui de la mère ou à adjoindre les deux.

Qu’est-ce que cette loi apporte aux hommes ?

Depuis toujours, la société met un poids sur leurs épaules, ils doivent avoir un fils pour transmettr­e leur nom. Comme si c’était un échec, de ne pas avoir d’enfant ou d’avoir une fille… C’est terrible ! Jusque-là, c’était compliqué pour les hommes qui ne voulaient pas transmettr­e leur nom à leurs enfants. Ceux qui leur donnaient le nom de leur compagne avaient des remarques : elle t’a trompé, c’est elle qui porte la culotte… La société reste très rétrograde… Grâce à cette loi, les hommes peuvent prendre le nom de leur mère. Et transmettr­e à leurs enfants le nom qui correspond le plus à leur histoire familiale, celui avec lequel ils se sentent le mieux.

Et pour les femmes ?

Cette loi rééquilibr­e les deux branches de notre arbre généalogiq­ue. Elle donne une place, une visibilité à la mère. C’est une loi d’égalité et de liberté individuel­le.

Par défaut, l’état civil attribue toujours le nom du père aux nouveau-nés ?

Pour donner son nom, accolé ou pas à celui du père, la maman qui vient d’accoucher doit faire la demande en mairie, mais ce n’est pas possible pour elle à ce moment-là. En l’absence de choix notifié par les parents, la logique voudrait que l’état civil donne aux nouveau-nés les deux noms des parents, accolés dans l’ordre alphabétiq­ue. On n’a pas réussi à inscrire cela dans la loi, c’est notre cheval de bataille. On veut le double nom par défaut. (1) Associatio­n à l’origine de la loi relative au choix du nom issu de la filiation, entrée en vigueur le 1er juillet 2022. portemonno­m.com

 ?? | PHOTO : MARINE GATINEAU DUPRÉ ?? Marine Gatineau Dupré, présidente de Porte mon nom
| PHOTO : MARINE GATINEAU DUPRÉ Marine Gatineau Dupré, présidente de Porte mon nom

Newspapers in French

Newspapers from France