Dimanche Ouest France (Morbihan)
Les derniers jours de Franz Kafka… Et après
Biographie. Le dramaturge Laurent Seksik raconte un écrivain malade, en proie à l’angoisse. Quelques proches admiratifs feront vivre son génie en le sortant de l’anonymat après sa mort.
« De tout ce que j’ai écrit, seuls ces livres sont valables. » Dans ce message à son exécuteur testamentaire, Max Brod, Franz Kafka cite La Métamorphose, Le Verdict et quelques autres. Le reste ? « Tout doit être totalement brûlé sans être lu », exige l’écrivain tchèque. Ce tout est considérable : des nouvelles, des romans inachevés, des tonnes de carnets…
Si cette volonté avait été respectée, le monde n’aurait jamais lu Le Procès, ni Le Château. Confronté à ce dilemme, Max Brod s’en émeut auprès de Robert Klopstock, l’étudiant en médecine qui a accompagné l’écrivain dans son agonie.
« Un génie, un poète »
Le jeune homme est l’un des personnages qu’a choisi Laurent Seksik pour raconter Franz Kafka, comme il l’a fait pour Stefan Zweig. Le futur chirurgien, qui dérochera un poste aux États-Unis, recommandé par Thomas Mann et Albert Einstein, a noué une relation aussi forte qu’éphémère avec l’écrivain.
Robert Klopstock rêve d’écriture quand il rencontre Kafka dans un sanatorium. Il découvre un grand homme, très humain mais torturé, qui lui confie « écrire la nuit pour échapper à la folie » quand l’angoisse l’empêche de dormir.
« La littérature me fait vivre, dit Franz Kafka. Mais une vie obscure au-dessus du néant. Trop occupé à écrire, il me semble ne pas encore avoir vécu. Et maintenant je vais peut-être mourir… »
Autre personnage du roman, Dora, qui fut sa dernière compagne, et avec laquelle Franz Kafka a vécu une relation courte et intense. Ils projetaient d’aller s’installer en Palestine. Anéantie, elle retient l’homme plus que l’écrivain. « J’offre tous tes écrits pour une seconde de ta présence. » Pour elle, Kafka n’était pas moins qu’« un génie, un poète, un demidieu et un prophète moderne ». L’absurdité décrite dans Le Procès, elle la vivra d’ailleurs elle-même à Moscou vingt ans plus tard.
On traverse ainsi le siècle, au côté de Kafka, ses peurs et sa Lettre au père, et auprès de ceux qui feront reconnaître son oeuvre. Ou comment La Métamorphose peut jaillir d’un cerveau humain ! Une biographie fascinante et fabuleusement mise en scène.
Franz Kafka ne veut pas mourir, Gallimard, 352 pages, 21,50 €, E-book 15,99 €.