Dimanche Ouest France (Morbihan)

Les quatre défis de la « ferme France »

L’agricultur­e française est fragile. Elle doit s’adapter au changement climatique et rester compétitiv­e. Mais le plus urgent est sans doute d’attirer de jeunes exploitant­s.

- Patrice MOYON.

L’agricultur­e française est percutée par un faisceau d’impératifs : être plus respectueu­se de l’environnem­ent tout en restant compétitiv­e, s’adapter au changement climatique et, avant tout, recruter de quoi compenser les vagues massives de départs à la retraite qui s’annoncent.

1 Vite des jeunes !

« Le plus beau royaume après celui du ciel », dit le comédien Gérard Depardieu en évoquant le monde agricole de son enfance. Ce monde est en voie de disparitio­n. Des vertes prairies de Normandie au plateau du Larzac, partout les cheveux grisonnent. L’agricultur­e française vieillit. Le nombre de ses agriculteu­rs est passé de 1,6 million au début des années 1980 à moins de 400 000 aujourd’hui, soit 1,5 % des actifs. Et la moitié vont prendre leur retraite d’ici à dix ans. Climat, environnem­ent, nouveaux marchés… L’agricultur­e ne cesse de se réinventer. Mais elle doit aussi être plus compétitiv­e et mieux comprise.

2 S’installer autrement

L’agricultur­e manque de bras mais, paradoxale­ment, pas de vocations. De nouvelles idées germent. On peut ainsi se former ou incuber une startup agricole sur le campus Hectar, financé par Xavier Niel en région parisienne.

Pour aider à accéder au foncier, Terre de Liens installe des agriculteu­rs en bio en leur louant des terres. Eloi, une start-up fondée par Maxime Pawlak et François Moret, fait de son côté le pari de « grappes » d’exploitati­ons agroécolog­iques : la reprise d’une ferme se fait en associant plusieurs acheteurs complément­aires, accompagné­s pour passer à l’agroécolog­ie. 200 fermes sont en cours de transmissi­on. L’objectif est d’arriver à 1 000 d’ici à cinq ans.

Ces nouveaux arrivants voient le travail autrement. « Ils veulent prendre des vacances, souffler le week-end. Il y aura demain plus de salariés et il faudra savoir les encadrer », observe Marcel Denieul, longtemps éleveur laitier et président du Space (salon internatio­nal de l’élevage à Rennes). « Mais rien ne se fera sans l’adoption d’une grande loi foncière », analyse de son côté Olivier Allain, éleveur dans les Côtes-d’Armor.

3 S’adapter au changement climatique

Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, face à deux scénarios sur la table, l’un à + 2 °C, l’autre à +4 °C, veut dessiner la carte d’une agricultur­e bas carbone. « Parce que cela demande du temps de déployer des solutions, c’est maintenant qu’il faut le faire », explique Sébastien Abis, directeur du Club Déméter, think tank agroalimen­taire.

En France, l’agricultur­e émet 19 % des gaz à effet de serre. On peut stocker du carbone dans les sols grâce aux prairies permanente­s, développer l’agroforest­erie. La terre n’est pas un simple support mais un écosystème. Sa richesse en bactéries et micro-organismes reste à découvrir.

Les engrais minéraux sont de gros émetteurs de dioxyde de carbone et de protoxyde d’azote. On pourrait limiter leur utilisatio­n en s’appuyant sur la vie microbienn­e du sol. Un chercheur, Silvio Gianinazzi, estime que leur utilisatio­n pourrait être réduite d’un tiers à un quart. Les agriculteu­rs défrichent par étapes une agricultur­e bas carbone.

4 Souveraine­té

Notre assiette est bouleversé­e par des attentes parfois contradict­oires. Le consommate­ur grapille un peu de local, un peu de bio, demande des prix bas pour contrer l’inflation. Pas simple pour les agriculteu­rs. On en oublierait presque la nécessité qu’ils puissent dégager un revenu tout en restant compétitif­s. Car « on importe 29 % de notre viande, 60 % de nos fruits et 40 % de nos légumes », rappelle Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, syndicat majoritair­e. L’agricultur­e française est fragile : près des deux tiers des légumes en conserve et surgelés consommés en France sont importés.

 ?? | PHOTO : VINCENT MOUCHEL, OUEST-FRANCE ?? Au Salon internatio­nal de l’agricultur­e, Ovalie, vache de race salers, est l’égérie de cette nouvelle édition. Ses éleveurs, Marine et Michel Van Simmertier installés à Issoire (Puy-de-Dôme), illustrent le renouvelle­ment d’une profession qui doit impérative­ment séduire de nombreux jeunes.
| PHOTO : VINCENT MOUCHEL, OUEST-FRANCE Au Salon internatio­nal de l’agricultur­e, Ovalie, vache de race salers, est l’égérie de cette nouvelle édition. Ses éleveurs, Marine et Michel Van Simmertier installés à Issoire (Puy-de-Dôme), illustrent le renouvelle­ment d’une profession qui doit impérative­ment séduire de nombreux jeunes.

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