Dimanche Ouest France (Morbihan)
Des tout-petits aux musées ? Quelle belle idée !
Des parcours adaptés aux moins de 3 ans se multiplient dans les musées. Ces expériences culturelles partagées avec des adultes favorisent la curiosité des tout-petits et ouvrent les regards.
« Le premier week-end, vingt enfants et vingt-six adultes sont venus le samedi, trentecinq enfants et quarante parents le dimanche, comptabilise Stéphanie Bardel, responsable du pôle visiteurs au musée des Beaux-Arts de Rennes. Heureusement, la deuxième fois, il y a eu moins de monde ! »
« Formes et matières », « Émotions en couleurs », « L’odyssée des animaux »… Depuis le début de l’année, un week-end toutes les trois semaines, le musée propose des visites thématiques gratuites aux enfants de 2 à 4 ans accompagnés d’un adulte.
« Ça commence à bouger »
Pourtant, faire rimer enfant avec musée ne va pas de soi. « Quand j’ai pris mon poste en 2020, les poussettes n’avaient pas le droit d’entrer », illustre Stéphanie Bardel. Le lieu est également associé à de nombreux interdits : ne pas courir, ne pas parler fort, ne pas toucher… Pas très compatible avec des moins de 3 ans dont la perception du monde est sous le primat de la sensorialité, des émotions et de la motricité.
Encore aujourd’hui, tous les musées des Beaux-Arts ne proposent pas un accueil adapté aux toutpetits. « Mais ça commence à bouger, assure Sylvie Rayna, psychologue de l’éducation de la petite enfance et autrice de Bébés au musée, Pourquoi ? Comment ? (Erès). De plus en plus d’expériences inédites s’inventent pour les bébés accompagnés de professionnels de la petite enfance ou de leur famille. »
Ce mouvement s’inscrit dans un long processus commencé en 1989 avec la signature d’un protocole d’accord, en faveur de l’éveil artistique et culturel avant l’école, entre le monde de la Culture et celui de la petite enfance. Sa réactualisation en 2017 engage explicitement les équipements culturels dont les musées.
Découvertes sensorielles
À Montpellier, Isabelle Facoltoso, éducatrice de jeunes enfants, n’a pas attendu les textes officiels pour aller frapper à la porte du musée Fabre en 2007. « Pour moi, c’est un imagier à ciel ouvert, explique-t-elle. Mais le musée ne connaissait pas ce très jeune public. Il a fallu tout inventer ensemble et nous former mutuellement. » L’expérimentation commence par des balades artistiques.
« Quand nous allions vers des tableaux abstraits, nous étions surpris par ce que les enfants voyaient », relate Marion Boutellier, responsable du service des publics du musée Fabre.
Au bout d’un an, plusieurs parcours thématiques ont été élaborés, « toujours en tenant compte de ce qui interpellait les enfants », précise Marion Boutellier. Aujourd’hui, chaque parcours dispose d’une mallette.
« Chacune contient des objets sensoriels en lien avec la thématique. La visite dure de 30 à 45 minutes », détaille Angéline Petit, chargée de projet petite enfance.
D’autres expériences, impliquant parfois différentes formes artistiques (danseurs, comédiens, musiciens), existent. « À chaque fois, les adultes sont disponibles et lâchent prise. Les ambiances sont paisibles et les bébés sont heureux, constate Sylvie Rayna. Ces parcours artistiques permettent de les familiariser avec les musées et d’assouvir leur insatiable curiosité. » Depuis peu, des centres d’art dédiés à la petite enfance voient le jour comme à Clermont-Ferrand (mille formes), à Paris (lire ci-dessous) et, d’ici à 2025, à Montpellier. Reste à les généraliser.