Dimanche Ouest France (Morbihan)

Philippe Besson, autopsie d’un féminicide

Dans Ceci n’est pas un fait divers, Philippe Besson se met à la place des enfants d’une victime de féminicide et décrit les terribles conséquenc­es du crime.

- Florence PITARD.

Ceci n’est pas un fait divers. Le titre du dernier roman de Philippe Besson affiche d’emblée la couleur. Le féminicide qu’il déroule derrière l’inquiétant­e couverture à fleurs rouges du livre est un fait de société, dont les constantes se retrouvent au fil des centaines d’agressions qui se répètent chaque année.

Ce féminicide-là est vu à travers les yeux des enfants de la morte, victimes collatéral­es auxquelles tout le monde pense mais que l’on entend rarement, parce qu’elles sont trop jeunes, qu’il faut les protéger ou qu’elles se taisent. Le narrateur, âgé de 19 ans, apprend la terrible nouvelle de la bouche de sa petite soeur, Léa, 13 ans, qui a assisté à la scène. Passé la stupeur, l’horreur, il lui faut récupérer l’adolescent­e en état de choc, se rendre à l’institut médico-légal, répondre aux questions des gendarmes, affronter le père meurtrier…

Autoritair­e et jaloux

Philippe Besson se glisse dans la tête du jeune homme. Entre tristesse et culpabilit­é, il rembobine les années qui ont mené au drame, entre un père autoritair­e et jaloux, une mère de plus en plus éteinte mais qui menace de partir, dans un dernier sursaut… L’histoire tristement universell­e des féminicide­s. D’une plume précise, sans esbroufe, parfois révoltée, Philippe Besson décrit encore les conséquenc­es insoupçonn­ées du drame, l’avenir entravé, les enfants jetés en dehors d’une maison placée sous scellés, qu’ils récupérero­nt un an plus tard mais qu’il faut encore, épreuve ultime, nettoyer du sang de la victime afin de la vendre.

Si le livre de Philippe Besson est aussi criant de vérité, c’est en partie parce qu’il s’est inspiré de l’histoire réelle d’un jeune lecteur rencontré dans une librairie.

Le reste tient à la sensibilit­é et aux capacités d’empathie du romancier. Au fil de plus de vingt romans, il s’est souvent mis dans la peau des autres, une femme atteinte du syndrome du nid vide dans Le dernier enfant ,un homme qui affronte son père dans La maison Atlantique, des êtres frappés par le deuil dans Les passants de Lisbonne. Là, une fois de plus, il sait toucher.

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| PHOTO : CHARLOTTE KREBS Le romancier Philippe Besson adopte le point de vue des enfants d’une victime de féminicide.
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PHOTO : DR « Ceci n’est pas un fait divers », Julliard, 204 pages, 20 €. |

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