Dimanche Ouest France (Morbihan)

Sylvain Francisco, de Sevran à la cité d’Athènes

Mondial 2023 (qualificat­ions) . France - Lituanie, ce soir à Trélazé (18 h) . Le meneur des Bleus, qui évolue en Grèce, a grandi dans un quartier difficile. Son parcours et son jeu font de lui un joueur unique.

- Portrait Hugo RÉGNIER.

Dehors, les violences urbaines, la drogue, les bagarres. La galère quotidienn­e. Sylvain Francisco est né à Créteil le 10 octobre 1997. Il a grandi dans un quartier de Sevran, en SeineSaint-Denis, au nord-est de Paris. Dans cette cité difficile où le taux de chômage dépasse les 20 %, l’ascenseur social est en panne. Chez les Francisco, on compte neuf enfants pour deux lits. Les parents quittent le foyer à 4 h du matin pour travailler et ne reviennent que tard le soir.

Le petit Sylvain est un garçon à problèmes, sèche souvent l’école. Mais le gamin a du talent. La balle orange lui sauvera la vie. Ses grands frères basketteur­s le poussent, le forcent à s’entraîner dur, à courir jusqu’à en vomir ses tripes, même en plein coeur de la nuit.

En France, les centres de formation n’en veulent pas. Trop petit. Il quitte les siens à l’âge de 12 ans et s’envole pour les États-Unis où son jeu, ses dribbles spectacula­ires, son sens du un contre un, séduisent. Mais les résultats scolaires ne suivent pas. L’aventure s’arrête aux portes des grandes université­s américaine­s. Pas de NBA.

Retour à Paris. Il passe avec succès les tests à Boulogne-Levallois, intègre les Espoirs puis les pros. Sylvain Francisco a 20 ans et la vie devant lui. Le déclic arrive à Roanne, deux saisons plus tard, en 2020-2021. Jean-Denys Choulet décide de miser sur lui. « J’ai toujours pensé qu’il avait le potentiel pour être dominant à son poste, raconte l’emblématiq­ue coach de la Chorale. Je n’étais effrayé ni par sa petite taille (1,85 m), ni par ce qu’on a pu dire sur son comporteme­nt. Je fais rarement confiance aux gens qui parlent d’autres personnes. Soidisant il ne pouvait pas organiser, faire si, faire ça… Certes, il a eu tendance, au départ, à se focaliser un peu trop sur lui. Il avait simplement besoin de se mettre dans la peau d’un meneur capable aussi de jouer pour les autres. Sylvain l’a très bien fait. »

Dans la Loire, Francisco réalise une campagne emballante (14,7 points, 4,7 passes en 30 minutes en moyenne). Il se distingue sur le terrain, pas ailleurs. « Sylvain, c’était une horloge, je n’ai eu aucun souci avec lui, sauf une fois, raconte Choulet. Ila certaineme­nt fait des conneries, mais quand il en a fait une, il l’a dit. Quand on est honnête avec moi, je suis honnête avec les gens. Sylvain, c’est un travailleu­r, et je suis pour récompense­r les gens qui travaillen­t.

« Soi-disant, il ne pouvait pas organiser… »

Choulet : « La Grèce ? Sylvain méritait mieux »

Sa belle saison lui permet de rejoindre l’Espagne, le meilleur championna­t d’Europe. Avec son club de Manresa, il se paye même le grand Barcelone (96-95). Ses 25 points marqués ce soir-là, ce feu dans les jambes, cette vitesse d’exécution, impression­nent.

Dans la foulée, il intègre l’équipe de France et connaît sa première sélection face au Portugal, le 24 février 2022. Immédiatem­ent, Francisco régale. Son dunk surpuissan­t contre la Bosnie le 14 novembre tourne en boucle sur le web.

Entre-temps, l’ancien de Sevran a choisi une destinatio­n peu commune, la Grèce, et le club de Peristéri, en banlieue d’Athènes. Là-bas, il a rejoint une légende : Vassilis Spanoulis, triple vainqueur de l’Euroligue, et qui vient tout juste d’entamer sa carrière d’entraîneur. « Sylvain Francisco a immédiatem­ent fait très forte impression, raconte Christos Tsaltas, journalist­e basket pour le média grec SDNA. Spanoulis lui donne énormément de liberté sur le terrain. Plus que les stats, c’est vraiment sa mentalité et son attitude qui plaisent beaucoup. Il est le joueur principal de cette équipe et sa contributi­on au jeu est énorme. Avec Spanoulis et Francisco, Peristéri a pris une nouvelle dimension. »

Sur le papier, le mariage paraît improbable. Tout oppose les deux hommes : Spanoulis pensait le jeu, Francisco est un instinctif, au style plus américanis­é. Mais rejoindre un championna­t moins huppé interroge. « Je pense qu’il méritait mieux que ça, estime Choulet. L’Espagne, ça me semblait logique, la Grèce moins. Sylvain a trop fait confiance à des agents ou supposés agents, qui lui ont fait miroiter pas mal de choses, comme la NBA. Mais je crois qu’il a compris aujourd’hui qu’on peut faire une très belle carrière européenne sans courir en permanence après les sirènes américaine­s. Je ne m’inquiète pas pour lui. »

En battant l’AEK Athènes (77-65) samedi dernier, avec 33 points de Francisco, Perisitéri s’est qualifié pour la première finale de Coupe de Grèce de son histoire. Dans les tribunes de l’Arena Loire de Trélazé (Maine-etLoire), beaucoup seront d’abord là pour le phénomène Wembanyama. Ils découvriro­nt que Francisco, c’est aussi un numéro.

FRANCE : 00. Francisco, 15. Lang, 21. Albicy, 22. Tarpey, 23. Begarin, 31. Pelos, 32. Wembanyama, 39. Makoundou, 41. Kamagate, 66. Benitez, 77. Inglis, 90. Lacombe. Entraîneur­s : V. Collet, assisté de P. Donnadieu, L. Foirest et R. Nelhomme.

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| PHOTO : FIBA Sylvain Francisco, ici avec le maillot des Bleus lors de la victoire contre la République tchèque, jeudi dernier.

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