Dimanche Ouest France (Morbihan)

William Servat, partage et générosité emmêlés

France - Écosse, aujourd’hui (16 h). Il fut un redoutable talonneur. L’entraîneur des avants des Bleus place le partage au-dessous de tout. C’est pour ça qu’il aime tant la mêlée.

- Laurent FRÉTIGNÉ (avec Ewen RENOU).

Pendant le Tournoi des 6 Nations 2023, nous vous proposons une série sur les adjoints de Fabien Galthié, à chaque match des Bleus. Avant la réception de l’Écosse, c’est au tour de William Servat, entraîneur en charge de la mêlée et des rucks.

Ce sont ses larges épaules et son nez cassé que l’on aperçoit en bord de terrain lors des matches des Bleus. Impossible de manquer William Servat par cette ressemblan­ce avec M. Indestruct­ible, le superhéros de Pixar à la force aussi surhumaine que la sienne. L’ancien talonneur du Stade Toulousain ne perce plus les défenses mais les secrets de la mêlée au point de devenir un rouage essentiel du staff de Galthié, auprès de qui il va continuer l’aventure jusqu’en 2027.

Avant de devenir ce technicien reconnu, Servat a été un des meilleurs talonneurs du monde. « Quand tu avais William dans l’équipe, tu étais rassuré, tu avais une probabilit­é importante que les choses se passent bien en mêlée et en touche, se souvient Thierry Dusautoir, ancien capitaine du XV de France et de Toulouse. Ballon en main, il était quasiment inarrêtabl­e. »

Et pourtant, rien ne prédestina­it le natif de Saint-Gaudens au rugby, avec une famille dans le foot. Mais la présence des copains a été prépondéra­nte chez ce garçon « très sociable, chaleureux, qui aime le contact et partager les choses », indique Jean-Baptiste Poux, qui a poussé onze saisons à ses côtés en mêlée dans la Ville rose.

Sa carrière qui a démarré de façon fulgurante avec un titre de champion d’Europe en 2003, a aussi failli s’arrêter brutalemen­t après une grave blessure aux cervicales en 2006. Il prend alors conscience qu’il ne peut plus seulement se reposer sur ses qualités physiques naturelles. Il se lance dans un gros travail de musculatio­n. « Il a travaillé de manière à devenir le meilleur talonneur du monde. C’était une machine de guerre, se rappelle Guy Novès, alors entraîneur du grand Stade Toulousain. Il y avait très peu de talonneurs qui pouvaient rivaliser avec lui. »

« Proche de ses joueurs »

Servat profite aussi de cet éloignemen­t des terrains pour mieux comprendre la mêlée. Il se rapproche du Catalan Didier Sanchez, un des gourous de l’exercice. « Ça a été un déclic pour lui, pour mieux comprendre et ressentir ce jeu de force », reconnaît Dusautoir. Les liaisons, les appuis, les axes de poussée…

Servat veut tout savoir des mystères de cet exercice plus complexe qu’il n’y paraît. Cette poussée collective doit se faire à l’unisson, comme une symphonie, c’est ce qu’aime surtout Servat. Cela coïncide avec sa personnali­té. Car Servat aime les autres, plus que tout. « C’est quelqu’un de généreux, un bon vivant, il aime partager, ajoute « Titi » Dusautoir qui le connaît bien. Au-delà d’avoir été coéquipier­s, on est amis. Quand je suis arrivé à Toulouse, il a été un des premiers qui m’a ouvert les bras, qui a essayé de percer un peu ma nature taciturne en m’invitant à manger, en essayant de partager des moments avec moi. Notre lien va au-delà du rugby. »

Épicurien, Servat aime rassembler, partager des moments de vie, une bouteille de vin, une bonne table. « Il aime être entouré, il organisait des repas avec les joueurs », se souvient Poux. Ce qui fait de lui un leader de vie naturel, un moteur, un relais pour son capitaine aussi. Ensemble, ils ont gagné trois Brennus en cinq ans (2008, 2011, 2012), une Coupe d’Europe (2010) et un Grand Chelem avec les Bleus (2010).

Après son dernier titre de champion de France 2012, William Servat raccroche les crampons et remplace Yannick Bru au poste d’entraîneur des avants à Toulouse. « J’étais tellement admiratif du joueur que je savais qu’en l’accompagna­nt, avec du temps pour apprendre, ça allait le faire, se remémore Guy Novès. C’est son travail, sa persévéran­ce et sa volonté qui ont fait qu’il a appris. Et il continue à apprendre. »

Avant d’atteindre le sommet en rejoignant le staff des Bleus, William Servat a aussi connu des moments difficiles. Mais perfection­niste, travailleu­r, la « Bûche » est fait de ce bois auquel rien ne résiste. « Il est très proche de ses joueurs. Il adore former et transforme­r les jeunes, en joueurs de très haut niveau », ajoute Novès.

Aux côtés de Fabien Galthié, il espère mener les Bleus jusqu’au titre mondial. Mener « ses petits » de la première ligne, Cyril Baille et Julien Marchand sur le toit du monde. Des joueurs qu’il a pris sous son aile et fait progresser. « Ce ne sont pas ses enfants, mais ses petits frères. Il a vraiment un rapport affectif avec ces jeunes-là », sourit Dusautoir.

Nul doute que s’il décroche le Graal, William Servat rassembler­a ceux qu’il aime autour d’une bonne table. Pour partager, encore une fois.

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| PHOTO : AFP William Servat est l’entraîneur des avants du XV de France.

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