Dimanche Ouest France (Morbihan)
Une étape XXL dans l’histoire de la course
The Ocean Race. 3e étape Le Cap – Itajai, départ aujourd’hui (13 h 15). C’est « LA » grosse étape de cette première édition disputée en Imoca. Avec des enjeux et des risques très importants.
La plus longue étape de l’histoire de la course
Pour éviter une escale en Océanie (Australie ou Nouvelle-Zélande), et donc un temps de course rallongé et des coûts supplémentaires, les organisateurs de The Ocean Race ont décidé d’imaginer une étape long format entre l’Afrique du Sud et le Brésil, via le cap Horn. Une étape de 12 750 milles de long (23 613 km) qui représente la moitié d’un Vendée Globe. C’est du jamais vu dans l’histoire de la course, depuis 1973.
Les premières estimations de temps d’arrivée tournent autour de 35 jours de course, en fonction de la météo. Au menu : la traversée du redouté Océan Indien et sa mer souvent difficile, et celle de l’Océan Pacifique, avec régimes de vent fort, et sa longue houle censée propulser les bateaux à haute vitesse vers le cap Horn. Les Vendéeglobistes connaissent, les autres vont découvrir…
Une zone des glaces comme une frontière
En cette fin d’été austral, les icebergs détachés sur le continent antarctique continuent de dériver vers des latitudes plus au nord. Pour éviter toute rencontre malencontreuse, les organisateurs ont imposé une zone d’exclusion à la navigation formée par une ligne de points. Cette zone, à peu de chose près équivalente à celle qui existait déjà sur le dernier Vendée Globe, empêche les skippers d’être tentés de descendre dans les latitudes très au sud, à l’exception du passage du cap Horn (56° sud) , pour raccourcir la route.
Une étape qui pourrait compter double
En fait, cette étape ne compte pas double. Il est plus juste de dire qu’elle distribue le double de points, ou qu’il s’agit de deux étapes en une. En effet, les points de la 3e étape seront attribués en deux moments. Cinq points pour le premier bateau qui passera la longitude de la Tasmanie, puis quatre, puis trois, etc. Puis le vainqueur à Itajai remporte à nouveau cinq points, puis le 2e quatre, le 3e trois, etc. De fait, celui qui passe en tête en Tasmanie et gagne l’étape à Itajai remporte bien 10 points. Mais s’il gagne au Brésil après être passé 5e en Tasmanie, il n’en totalise que six au final.
« Au final, elle compte le même coefficient que Newport – Aarhus, et que les deux petites étapes de la fin de parcours en Europe, relativise Paul Meilhat, skipper de Biotherm. Donc elle ne pèse pas très lourd au final. Même si elle fait la moitié de la course en longueur, elle ne compte que 20 % des points. Il y a donc beaucoup plus à perdre qu’à gagner. »
Plus facile à cinq qu’en solitaire ?
À l’origine, les Imoca ont été conçus pour être des monocoques menés en solitaire ou en double. Le rapprochement de la classe avec The Ocean Race, et l’adoption de la jauge pour le tour du monde en équipage avec escales, avait soulevé des doutes. Ces bateaux étaient-ils adaptés à la navigation en équipage ? Tant sur le plan de la vie à bord que sur la capacité à tenir des moyennes de vitesse forcément plus élevées qu’en solo…
Les premiers retours après deux étapes menées sur un rythme important montrent que les conditions de vie à bord sont rudes et que la promiscuité n’est pas toujours facile à vivre, à cinq dans un espace de quelques mètres carrés. « Au bout d’un moment, on se couche dans une bannette, où le gars d’avant a transpiré, et qui pue déjà, car cela fait six jours qu’on est en mer. C’est horrible… Quand il fait beau, tu vas faire tes besoins sur le pont… Ça va, je ne suis pas trop pudique. Mais quand les conditions se dégradent, qu’il fait froid, que le bateau fait des bonds, que tu n’arrives même pas à te déplacer… Là, il n’y a plus d’intimité, il n’y a plus rien. Ça devient n’importe quoi… Et c’est dur… » racontait Sébastien Simon, co-skipper de Guyot Environnement ,surla2e étape.
Quant à la résistance du bateau mené proche de son potentiel maximal en équipage, pour le moment les retours sont rassurants. Mais cette troisième étape sera probablement le véritable premier grand test. Surtout pour ceux des cinq bateaux qui n’ont pas été conçus dès le départ pour cette épreuve. C’est-à-dire tous sauf 11th Hour, le bateau américain skippé par Charlie Enright.
Les foils, ces talons d’Achille
Avant la première étape, Malizia ,de retour de convoyage de la route du Rhum vers Alicante, avait eu la désagréable surprise de découvrir que ses deux foils étaient cassés. Coup de chance inouï, une paire de foils quasiidentique était disponible à Lorient et avait permis à l’équipage de Boris Herrmann de prendre le départ.
En arrivant au Cap en Afrique du Sud, c’est 11th Hour qui s’est rendu compte que sa paire de foils était sur le point de rompre. Après une demande auprès du comité de course, les Américains ont été autorisés à changer leurs foils avant la 3e étape. Ils étaient les seuls à avoir une paire de rechange. La perte de ces appendices, facteurs principaux de la performance des Imoca de dernière génération, semble rédhibitoire pour ceux qui visent la victoire à Gênes, fin juin.