Dimanche Ouest France (Morbihan)
Et si on vivait quarante ans de plus !
À l’heure des débats agités sur le recul de l’âge de la retraite ou sur la question délicate de la fin de vie en France, ce titre pourrait passer pour une provocation.
Alors que l’on évoque la pénibilité au travail, le droit de jouir d’une retraite, vivant et en bonne santé, de nombreuses publications scientifiques parlent d’un avenir bien différent.
Un monde où les maux de la vieillesse reculeraient, offrant une longévité sans maladie jusque-là inégalée. Un été indien sans arthrose où l’on marcherait sur les plages à 110 ans, en faisant des projets d’avenir tout en discutant de la scolarité des arrière-petitsenfants.
De la science-fiction ? Une nouvelle quête utopique de la Fontaine de jouvence ? Pas du tout. On parle ici d’expériences scientifiques très concrètes qui, dans moins de cinq ans, devraient déboucher sur les premières formes de thérapies. Explications.
2007 : le chercheur japonais Shinya Yamanaka réalise un exploit scientifique ouvrant la voie à de nombreuses possibilités et à tout autant de questions éthiques. Il parvient à transformer une brave cellule de peau prélevée sur un patient humain en lui redonnant son superpouvoir originel : celui de tout fabriquer. Exactement comme les cellules qui apparaissent à la phase embryonnaire et qui lancent la construction de l’être humain.
Une première qui a généré de nombreux travaux scientifiques, dont ceux de Jean-Marc Lemaitre, directeur de recherche à l’Inserm en France. Son credo : considérer le vieillissement comme une maladie dont on pourrait guérir. Non pour devenir immortel, mais pour vivre plus longtemps et en bonne santé.
Des expériences menées sur des souris se sont récemment montrées concluantes. Grâce à un traitement de reprogrammation cellulaire, leurs tissus sont en meilleur état, elles n’ont ni arthrose ni ostéoporose, leur masse musculaire se maintient et elles gagnent 15 % d’espérance de vie ! Prévisions à terme pour l’homme : 30 % de gain d’une vie en bonne santé !
Pour l’instant, le traitement n’est pas transposable en l’état mais des applications précises, notamment sur le vieillissement de la peau humaine, sont déjà en route. Elles pourraient être commercialisées dans trois ans.
Dans nos sociétés occidentales vieillissantes, le marché prend des allures d’eldorado. Pas étonnant que les géants mondiaux de la technologie travaillent à coups de milliards sur l’homme augmenté ou la thérapie cellulaire.
Voilà qui rendrait presque daté le débat actuel sur la retraite. À ce rythme-là, on pourrait travailler jusqu’à 80 ans ! Du grain à moudre pour les cabinets ministériels et les cellules syndicales.
Au-delà des postures, des fantasmes et des inquiétudes légitimes, sans doute faut-il voir plus loin et se questionner plus profondément.
Au fond, entre les colères actuelles et cet avenir proche qui nous parle d’un humain génétiquement transformé, se pose la question de notre rapport à la vie et au travail. Quels sont les fondements d’une belle existence sur cette terre ? La réponse n’est ni dans les amendements d’une loi ni dans les pipettes des scientifiques, elle demeure de tout temps dans le coeur de l’homme.