Dimanche Ouest France (Morbihan)

L’Amour vache, une famille et son troupeau

Documentai­re. Édouard Bergeon a suivi, pendant trois ans, Bernard et Sylvie Dahetze, dont le troupeau, touché par la tuberculos­e bovine, a été abattu en juin 2020.

- Édouard Bergeon, réalisateu­r de Propos recueillis par Sonia LABESSE.

L’Amour vache.

Un an après votre film Au nom la femme d’un éleveur vous a contacté…

de la terre,

Au nom de la terre a été beaucoup vu, notamment à la campagne. Depuis, je reçois de nombreux messages d’agriculteu­rs. J’ai répondu à quelques-uns, dont celui de Sylvie Dahetze en juin 2020 sur Facebook. Elle s’inquiétait pour son mari Bernard, éleveur à Ozenx-Montestruc­q, dans le Béarn, dont les soixante-neuf vaches allaient être abattues. L’une d’elles était atteinte de la tuberculos­e bovine, peu répandue mais très contagieus­e. Au départ, nous avons filmé le troupeau, soigné et transmis par trois génération­s, car ils souhaitaie­nt en garder un souvenir. Finalement, nous sommes revenus pendant trois ans.

Vous montrez le lien profond de l’éleveur avec ses bêtes.

C’est un lien affectif très fort, que les gens ne comprennen­t pas toujours. Les vaches passent leur vie, jusqu’à quinze ans pour les mères, avec l’éleveur, qui ne compte pas ses heures. Chacune a un lien particulie­r avec lui. Elles pâturent l’été, rentrent à l’étable le soir et l’hiver. L’élevage de la famille Dahetze est clas

sique en France, de taille moyenne, extensif. Mais les éleveurs vivent avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Chaque année, le troupeau doit être dépisté et ils ne dorment plus en attendant le résultat.

La Direction départemen­tale de la protection des population­s (DDPP) a fait pression pour vous empêcher de filmer ?

Les services vétérinair­es de la DDPP ont fait pression sur Bernard Dahetze pour qu’il renonce à filmer le départ de ses bêtes. Mais il n’a pas cédé. Et ces images sont évidemment bouleversa­ntes. À la douloureus­e séparation, s’ajoutent immédiatem­ent les problèmes financiers. La DDPP avait trouvé un négociant pour acheter le troupeau à moitié prix, même si la viande est parfaiteme­nt saine. L’État compense plus ou moins la différence de prix, près d’un an après. Mais Bernard Dahetze a dû aller au tribunal pour forcer le négociant à payer ce qu’il devait.

Face à ce drame, la famille de l’éleveur est très seule ?

À part les voisins qui viennent aider, et moi, ils étaient seuls, avec cette question : « Pourquoi abattre le troupeau pour un cas détecté ? » Bernard avait fait une tentative de suicide cinq ans auparavant. Le drame atteint la famille entière. Sa mère, Gisèle a eu un accident vasculaire cérébral juste après le départ du troupeau. Et pour faire face à la baisse brutale de leurs revenus, Sylvie, qui travaille aussi hors de l’exploitati­on, a changé d’emploi pour gagner un peu plus.

Le Crédit Agricole leur a refusé un prêt… Jusqu’à l’interventi­on d’un député ?

Il a fallu l’interventi­on du député Olivier Damaisin, en charge d’un rapport sur le mal-être et le suicide des agriculteu­rs (remis au gouverneme­nt en décembre 2020), et la présence d’une caméra, pour que la banque accorde un prêt de trésorerie. Comme le dit le ministre de l’Agricultur­e d’alors, Julien Denormandi­e, « il faut remettre de l’humain partout ». Il faut aussi que le consommate­ur qui le peut privilégie ces élevages de qualité en y consacrant un peu plus de son budget.

France 5 ,20h55.

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| PHOTO : BIEN MEDIA Bernard et Sylvie Dahetze témoignent dans l’espoir d’améliorer la condition des éleveurs.

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