Dimanche Ouest France (Morbihan)
Jacques et Madeleine, la jeune fille de la rivière
Un château, une histoire d’amour. L’histoire d’amour entre Madeleine de France et Jacques Stuart est sans doute l’une des plus touchantes, des plus sincères et des plus surprenantes de l’Histoire.
À la mort de Jacques IV, en 1513, l’Écosse voit un nouveau Jacques Stuart monter sur le trône. Ses premières années de règne sont houleuses. Les troubles entre factions et les dissensions politiques entre nobles se multiplient. Archibald Douglas, second mari de la mère du monarque, a même kidnappé le jeune roi et l’a gardé en otage pendant trois ans. L’année de ses 16 ans, l’adolescent parvient enfin à s’enfuir.
Sa première action en tant que roi à part entière est d’exiler son beau-père et de confisquer les terres des Douglas. Puis il fait de son mieux pour pacifier les rébellions frontalières et les conflits dans les îles occidentales. Mais l’armée royale est faible devant la puissance des grands. Il est donc crucial pour le jeune souverain de trouver des alliés.
La France et l’Écosse sont, depuis la guerre de Cent Ans, de fidèles amis. Jacques se tourne donc naturellement vers François Ier. Ce dernier, d’enthousiasme, se range à ses côtés et propose même de sceller cette union par un mariage. La fiancée choisie est de très haute naissance. Elle se nomme Marie de Bourbon.
La nymphe du lac
C’est avec joie que le roi d’Écosse se rend en France pour y rencontrer sa future épouse et mettre au point les détails de leur union. Mais le dieu Cupidon est un enfant capricieux et rien ne va se passer comme prévu… Jacques va rencontrer Madeleine.
L’adolescente de 16 ans est la troisième des quatre filles de François Ier et de la reine Claude et, de loin, la plus jolie. Tous les seigneurs de la cour en sont plus ou moins amoureux et elle n’aurait aucun mal à trouver un mari si son père ne s’y opposait. Madeleine, de santé fragile, lui paraît peu apte à subir les épreuves de la maternité, épreuves qui tuent, souvent avant la trentaine, des femmes bien plus solides. Le souverain ne veut pas risquer la vie de son enfant préférée.
La jolie Madeleine, elle, ne l’entend pas de cette oreille. Elle refuse d’être ainsi continuellement surveillée. Pardessus tout, elle veut connaître les
joies de l’existence, l’amour et, pourquoi pas, le bonheur d’être reine auprès d’un époux qui l’adorerait. Aussi, pour s’octroyer en cachette quelques heures de liberté, s’est-elle constitué « une petite bande » d’amies avec lesquelles elle organise des escapades dans la campagne.
Un jour particulièrement chaud de l’été 1536, alors qu’elle se promène à cheval, la princesse a envie de se rafraîchir. Avisant une rivière proche, elle se tourne vers ses suivantes : « Baignons-nous », propose-t-elle. Sitôt dit, sitôt fait. Naturellement, l’époque n’en est pas encore au maillot de bain. Aussi est-ce dans le plus simple appareil que les cavalières entrent dans l’eau.
Soudain, l’une d’elles pousse un cri. Un groupe d’hommes, sur la berge, les contemple. Elles se rhabillent en hâte, remontent sur leurs chevaux et regagnent Lyon, où réside pour l’heure la cour. Les naïades ignorent que les inconnus qui les ont surprises sont le roi d’Écosse et ses gentilshommes,
tout juste arrivés sur le territoire français, et que les rires des jeunes filles ont attiré.
L’inconnue se révèle
Le soir même, Jacques est l’hôte du roi François Ier. Ce dernier se propose de donner une fête magnifique en l’honneur de son nouvel allié. Avant le bal, il tient à lui présenter ses fils et filles. À la vue du souverain écossais, la princesse Madeleine devient écarlate tandis que le jeune homme blêmit. Devant lui, dans une somptueuse robe, se tient la nymphe de la rivière, celle pour laquelle il a éprouvé un véritable coup de foudre et qu’il rêvait de retrouver.
Dès le lendemain, Jacques se précipite chez François Ier et le supplie de lui accorder la main de Madeleine. Le roi tergiverse. Madeleine, sa Madeleine qu’il veut tant préserver… Mais il ne peut guère refuser quoi que ce soit au monarque écossais, il a besoin de ses troupes dans son combat contre Charles Quint. Et puis, les deux amoureux sont si touchants, si épris l’un de l’autre… Il finit par céder.
Le 1er janvier 1537, Jacques et Madeleine convolent. La nouvelle mariée offre en dot à son époux le comté de Gien et le grandiose château qui en est le joyau. Les noces, célébrées à Notre-Dame de Paris, donnent lieu à de magnifiques réjouissances. La cérémonie est suivie de feux d’artifice, de joutes, de combats d’escrime, de courses de chevaux. Les cadeaux s’accumulent, somptueux : armures émaillées, draps d’or, de satin, parures, chevaux caparaçonnés, chiens…
La fin du bonheur
Madeleine, qui aime tant son nouvel époux, est aux anges. Les mois s’écoulent paisibles, la lune de miel se poursuit. Mais Jacques doit regagner son royaume où des troubles éclatent régulièrement. En mai, les deux jeunes gens, toujours aussi amoureux, prennent le bateau pour l’Écosse. Ils emmènent avec eux le petit page de la reine, un nommé Pierre de Ronsard, qui commence tout juste à versifier.
Deux mois plus tard, Madeleine meurt de tuberculose. Elle n’a pas 17 ans. Elle est enterrée dans l’abbaye d’Holyrood, à Édimbourg, la nécropole des rois écossais où Jacques, inconsolable, la rejoindra cinq ans plus tard. Il a été contraint pour raison d’État – un roi se doit d’avoir un héritier – de se remarier avec Marie de Guise, fille du duc de Lorraine, union dont est née une fille, une certaine Mary Stuart…