Dimanche Ouest France (Morbihan)

Ordinaires ou magiques, ces plantes du Moyen Âge

Livre. Avec Les Jardins d’Anne de Bretagne, Michèle Bilimoff offre au grand public un accès aux détails botaniques du précieux manuscrit Les Grandes Heures d’Anne de Bretagne (1503).

- Ch. T. Éditions Ouest-France, 45 €.

Entretien

Michèle Bilimoff, ex-ingénieure de recherche en archéologi­e et autrice des Jardins d’Anne de Bretagne (1). Elle a étudié les plantes enluminées du manuscrit Les Grandes Heures d’Anne de Bretagne, commandité par la reine au début du XVIe siècle, et a recomposé le paysage d’un Val de Loire à l’orée de la Renaissanc­e.

Parlez-nous de votre « rencontre » avec Les Grandes Heures d’Anne de Bretagne.

Quelle émotion ! J’étais en maîtrise d’archéologi­e et je nourrissai­s une passion immodérée pour les vieux manuscrits. L’un de mes professeur­s m’a obtenu une autorisati­on pour consulter Les Grandes Heures . Ce livre de prières, commandité dans les années 1503 par Anne de Bretagne et réalisé par le peintre Jean Bourdichon, est conservé dans le coffre-fort de la Bibliothèq­ue nationale de France. Les personnes qui y ont accès sont excessivem­ent rares.

Qu’est-ce qui vous a frappée ?

Son incroyable richesse et son remarquabl­e intérêt botanique : imaginezvo­us que dans les marges de ce livre d’heures, sur fond d’or, Bourdichon a peint « au vif » quelque 337 plantes des environs de Tours et de Blois, où se trouvaient les jardins de la reine. Avec leur dénominati­on en latin et leur nom populaire.

Ce manuscrit est donc à la fois un livre de prières et un herbier ?

Plus qu’un herbier stricto sensu, c’est un formidable témoignage botanique. Dans Les Jardins d’Anne de Bretagne, nous nous sommes concentrés sur son aspect strictemen­t « végétal ». Non seulement Bourdichon a peint d’après observatio­n – et non en copiant d’autres images comme cela se faisait à l’époque – mais il s’est aussi attaché à représente­r ce qu’il voyait, y compris la petite faune des champs et des jardins, en accordant aux herbes folles le même intérêt qu’aux plantes d’ornement.

Trouve-t-on encore ces plantes dans les campagnes du Val de Loire ?

Pas toutes. « Escarlette », « myeux que or », « fleur neigée », « oeillet bleu sur tige de coquelicot »… Une trentaine a résisté à l’identifica­tion. Peut-être ont-elles disparu ou tant évolué qu’on ne les reconnaît plus. J’ai étudié chacune des plantes du manuscrit pour relater leurs origines, les légendes et symboles qui leur étaient attachés, les vertus qu’on leur prêtait et l’usage qu’on en faisait. Ordinaires ou magiques, ces plantes qui nourrissai­ent et soignaient, occupaient une place centrale. Elles en disent long sur la façon dont les gens habitaient le monde…

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PHOTO : © ÉDITIONS OUEST-FRANCE Voyage à travers les plantes du Moyen Âge. |

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