Dimanche Ouest France (Morbihan)

En Syrie, l’ancien otage est devenu archevêque

- Par Jeanne Emmanuelle Hutin

Dans la cathédrale de Homs en Syrie, le petit reste de la communauté syriaque catholique se presse autour de son nouvel archevêque, Jacques Mourad.

L’émotion est palpable en ce jour de cérémonie. Car beaucoup sont des rescapés de la terreur islamiste, du siège de Homs ou des bombardeme­nts qui ont détruit des quartiers de la ville et des villages. 10 000 familles sont revenues sur les 50 000 avant la guerre civile.

Indicibles souffrance­s, supplicati­ons, ferveur espérant la consolatio­n, aube de la joie… Les chants en araméen transperce­nt les pierres. Ils traversent les siècles depuis plus de 2000 ans grâce à ces chrétiens qui, de génération en génération, transmette­nt comme un précieux trésor cette langue que parlait Jésus.

De profondes blessures habitent les coeurs. Il faudra du temps pour les panser. La jeunesse a grandi au milieu des atrocités. Elle cherche désespérém­ent la lueur du bien au milieu des ruines. Elle veut trouver le sens de sa vie mais les coeurs brisés qui l’entourent peinent à le lui indiquer. « J’ai l’impression que mon corps est vivant mais que mon âme est morte », confiait une jeune femme de 25 ans.

Rendre espoir à la jeunesse, c’est la tâche du nouvel archevêque : « L’Église doit aider les jeunes à prendre leur place ici en les aidant à trouver du travail, à se loger, à se former. Nous avons une responsabi­lité directe pour le développem­ent et la libération de notre pays », explique-t-il.

Homme de réconcilia­tion, il marche en éclaireur sur les chemins du pardon. En effet, après avoir été otage des islamistes de Daech pendant cinq ans, il a pardonné à ceux qui l’avaient trahi, livré, enlevé, emprisonné. Son sourire enseigne que le pardon libère de la rancoeur et de la haine, qu’il ouvre un chemin nouveau.

Homme de dialogue, il ouvre grand les portes à la rencontre avec l’islam et à l’amitié avec les musulmans. Fidèle à l’esprit de la Communauté de Mar Moussa qu’il avait fondée avec le père Dall’Oglio, disparu pendant la guerre civile.

Parmi les musulmans qui sont venus, se trouve un homme en turban. Son visage est buriné par le soleil et le vent du désert. Il avait protégé le monastère de Mar Moussa pour éviter qu’il ne soit saccagé et profané par les islamistes, quand la communauté a dû fuir leurs exactions. Homme spirituel, enraciné dans la tradition, ouvert au monde, attentif au présent, il enseigne qu’il existe une lumière que rien ne peut éteindre. Et que le chemin pour la trouver c’est « guérir les malades, libérer les prisonnier­s, donner à manger aux affamés… C’est ce que l’Évangile nous demande. […] Je ne veux pas voir mon Église mourir, confie-t-il. Restaurer est toujours beaucoup plus difficile que construire. Mais ce qui est beau, c’est que l’Église est fondée sur le rocher du Christ. »

Humble et chaleureux, il est un signe d’espoir pour les chrétiens, les musulmans et tous ceux qui espèrent pouvoir relever la Syrie dans la liberté, la justice et la concorde.

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