Dimanche Ouest France (Morbihan)
Que met en place l’Éducation nationale ?
En janvier, le petit Lucas, 13 ans seulement, s’est suicidé chez lui. Un acte que ses proches imputent au harcèlement incessant qu’il subissait dans son collège des Vosges, notamment en raison de son homosexualité.
Année après année, les drames se suivent et se ressemblent. La France peine à endiguer ce fléau qui gangrène les cours de récréation. Pourtant, le ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, martèle son envie d’y remédier : « On veut faire de la lutte contre le harcèlement une priorité car c’est insupportable, inadmissible. »
Un programme national
Alors, quelles sont les mesures concrètes mises en place ? Depuis la rentrée 2022, le gouvernement a déployé et rendu obligatoire un vaste programme de lutte contre le harcèlement, nommé « pHARe ». Destiné aux écoles élémentaires et aux collèges, il comprend la formation des personnels scolaires, la désignation d’élèves ambassadeurs (agissants comme des lanceurs d’alerte), la sensibilisation des familles ou encore la mise en place de protocoles adaptés.
« C’est positif, souligne Nora Tirane, fondatrice de l’association de lutte contre le harcèlement « Marion, la main tendue ». Après, on parle d’environ 60 000 établissements, le déploiement est forcément inégal… Le cahier des charges du programme pHARe comprenait une politique d’évaluation. Où en est-on ? Pour savoir si ça fonctionne, il faut évaluer. »
Interrogé, le ministère de l’Éducation nationale affirme qu’à ce jour, « le dispositif engage 29 583 personnels ressources, qui ont été formés pour traiter les situations de harcèlement. » Il ajoute : « Le programme pHARe fait l’objet d’une démarche d’amélioration continue en lien étroit avec les référents, qui rapportent des taux de résolution élevés lorsque la situation de harcèlement est connue. »
La loi, elle aussi, a évolué. Depuis le 2 mars 2022, le harcèlement scolaire est un délit spécifique, dont la peine peut aller jusqu’à dix ans de prison et 150 000 € d’amende en cas de suicide ou de tentative de suicide de la victime. Dans l’affaire de Lucas, quatre de ces camarades, âgés de 13 ans, seront jugés pour harcèlement scolaire au printemps.
Mais pour Nora Tirane : « Si on est obligé de rappeler qu’il existe un délit, c’est qu’on est passé à côté du sujet. C’est un aveu d’échec. » Elle demande plus de moyens pour faire de la prévention sur le terrain.
« Il faut accélérer et travailler de façon transversale, insiste-t-elle.
Réunir le comité d’experts, créer une délégation interministérielle dédiée au harcèlement, pour toucher à tous les domaines : famille, enfance, logement, santé… Car l’école n’est pas un lieu hermétique, les enfants y vont avec leur histoire personnelle, pas qu’avec leur cartable. »