Dimanche Ouest France (Morbihan)

Les conserves, une autre manière de cuisiner

Yves Camdeborde, le chef pionnier de la bistronomi­e, a redécouver­t les vertus des conserves à l’occasion du confinemen­t. Écologique­s et économique­s, les bocaux sont bien dans l’air du temps.

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Votre livre sur les conserves s’arrache. Comment expliquez-vous cet engouement ?

On en a vendu 12 000 exemplaire­s (1), il va être réédité. Parce que les conserves, ça parle à tout le monde. On a tous le souvenir d’un pot de confit ou de confiture de fraises que nous donnaient nos parents quand on repartait. Les miens, ils étaient des années 1930, avaient connu la guerre, la peur du manque. Quand je suis monté travailler à Paris, à 16 ans, ils ont rempli ma valise de conserves. Et, seul dans ma chambre de bonne, c’était comme s’ils étaient présents.

Pourquoi vos parents faisaient-ils toutes ces conserves ?

On n’avait ni frigo ni congélateu­r. Mon père faisait de l’élevage, on tuait un cochon par an, on faisait du canard gras pour Noël, dont on gardait le confit pour cuire – car on n’avait pas de beurre dans le Béarn –, et on avait un grand potager. Et quand les haricots ou les tomates se mettent à donner, il faut les ramasser tous les jours. Mais on ne pouvait pas tout manger, alors on faisait des conserves. Pas question de jeter ! Les conserves, c’est de l’antigaspil­lage total.

Et vous, quand vous êtes-vous mis aux conserves ?

Quand le confinemen­t a été annoncé. J’avais alors cinq restaurant­s à Paris, soit 800 couverts par jour. Et donc des marchandis­es en quantité industriel­le ! On a commencé à se partager le stock avec mes salariés, mais c’était loin de l’écluser. Alors, j’ai tout emmené en fourgonnet­te à Avignon, où se trouvaient ma femme et ma fille. Comme ça ne tenait pas dans les frigos, j’ai fait une razzia

sur les bocaux au supermarch­é, j’en ai acheté 200 ou 300 et j’ai tout mis en conserve.

Les conserves reviendrai­ent à la mode ?

Je l’espère car ça permet de manger des produits de saison toute l’année – ce que j’ai toujours combattu – mais de manière écologique, sans les faire venir d’Israël ou d’ailleurs. En plus, c’est économique : la tomate, c’est en août qu’elle est la meilleure, mais aussi la moins chère. Pareil pour les fraises : en fin de saison, quand elles « remontent », des producteur­s les donnent.

Qu’est-ce qu’une bonne conserve ?

Des produits d’exception – n’utilisez pas des restes passables. Et du bio car, sinon, la conserve concentre toute la chimie. Après, on fait de la bonne cuisine, de la blanquette de veau ou une ratatouill­e, on en mange un peu et on conserve le reste. À éviter : le riz et les pâtes, ça fait une pâtée. Et les plats en sauce, trop liquides. Attention : pour les légumes et les fruits, n’espérez pas retrouver le goût du produit frais, il change toujours un peu.

Et comment on fait ?

On stérilise : on remplit les bocaux sans jamais dépasser la limite de 2 cm du bord, on essuie bien les bords, on ferme et on dépose les bocaux dans un stérilisat­eur en les recouvrant d’eau, puis on les fait bouillir à 100 °C pendant généraleme­nt une heure. N’oubliez pas de les étiqueter avec la date, puis on les range à l’abri de la lumière.

Faut-il les manger rapidement ?

Non, il faut les laisser reposer, c’est meilleur. Et on peut les garder jusqu’à deux ou trois ans.

Pas de risque de contaminat­ion ?

Pas si l’on respecte le niveau de remplissag­e maximum et deux règles d’hygiène fondamenta­les : ne jamais réutiliser le caoutchouc des couvercles et ébouillant­er tous les bocaux avant de les remplir.

Vous donnez aussi des recettes de lactoferme­ntation. C’est quoi ?

Un procédé de conservati­on naturel, à froid. Et surtout, ultra-facile : on coupe les légumes, on en remplit le pot, recouverts d’eau avec du sel et c’est fini ! Le sel fait tout le travail. Les arômes se développen­t, le croquant est conservé, c’est étonnant. Et très bon pour la santé.

Dossier : Claire THÉVENOUX.

(1) Conservez, cuisinez ! (Albin Michel), 140 recettes, 29,90 €.

« C’est marrant, je n’avais pas pensé aux conserves (rires). Dans mon inconscien­t, la conserve c’est la cantine de l’école et, en général, ce n’est pas bon ! Mais pourquoi pas, je sais que ma mère fait beaucoup de bocaux et c’est pas mal du tout ! »

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| PHOTO : YVES DURONSOY, ALBIN MICHEL Le chef Yves Camdeborde s’est mis aux conserves pendant le confinemen­t.
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