Dimanche Ouest France (Morbihan)
De « drôles de dames » colocataires à plus de 80 ans
Au centre de la table, un gâteau à l’ananas caramélisé. Les colocataires des Jardins d’Élise, cette maison partagée et sécurisée ouverte au printemps 2022 à Ploufragan, à côté de Saint-Brieuc, l’ont préparé ensemble.
Il s’agit d’Édith, 83 ans ; Anne, 86 ans ; Josette, 81 ans ; Gabrielle et Louise, 82 ans. Les quatre premières retraitées habitent dans la maison de plain-pied, composée de quatre studios avec kitchenettes et salles de bains, ainsi que d’une salle de vie commune. La dernière, Louise, occupe la petite maison, dédiée à l’accueil temporaire, à l’entrée de la propriété.
« C’est devenu notre maison » Dans ce doux cocon, une nouvelle « famille » s’est créée pour ces femmes, toutes veuves, qui ne se connaissaient pas il y a encore quelques mois.
Ces « drôles de dames », comme les appelle affectueusement Aude Boyenval, l’auxiliaire de vie expérimentée qui a ouvert cette structure à taille humaine, incarnent un modèle de vie alternatif à la maison de retraite. « C’est devenu notre maison », assurent unanimement les cinq octogénaires.
Tandis qu’Aude Boyenval leur sert une part de gâteau, les résidentes racontent, à tour de rôle, pourquoi elles ont choisi ce mode de vie. La maison, le jardin… Tout était devenu trop grand pour Édith, qui résidait alors sur la côte de la Bretagne sud. « J’ai voulu faire un essai de colocation et le lit est arrivé avant moi », rigole l’ancienne psychologue. Anne, la doyenne, a voulu se rapprocher de son fils. Pour Josette, la Trégueusienne, ce sont des soucis de
santé qui ont pesé dans la balance.
L’entrée de la coquette Gabrielle à la colocation a été réglée « en quatre jours » après un pépin de santé. « Mes enfants sont rassurés », glisse l’ancienne aide-soignante. La cinquième actrice de l’aventure, Louise, a débarqué du Penthièvre en novembre dernier. Elle est partie mi-février pour subir une opération.
Ici, chaque habitante avance à son rythme. Si les petits-déjeuners et dîners sont pris dans les studios, le déjeuner est collectif. Il y a également des ateliers cuisine, des jeux, des sorties au cinéma ou à la mer, des activités de loisirs… « On n’impose rien », ponctue
Aude Boyenval.
Ce nouveau nid a convaincu « les drôles de dames » sur plusieurs points : « L’accueil, l’ambiance, la sécurité. » « Aude est notre cheffe d’orchestre », illustre Édith. « Je suis là pour leur simplifier la vie, les courses, les rendez-vous médicaux, l’aide à la douche, les lessives… », détaille Aude Boyenval. Un projet qu’elle aimerait voir essaimer ailleurs. « C’est une solution d’avenir. On peut vieillir dans de petites unités, qui favorisent l’autonomie. »
Plusieurs porteurs de projets individuels la sollicitent régulièrement. D’ici à un ou deux ans, deux autres maisons pourraient être construites. « J’ai eu l’envie, un moment, de faire un documentaire pour montrer cette « France si généreuse ». On ne se rend pas compte du nombre d’associations et de l’inventivité qu’il y a, c’est dingue ! On voit toujours le mauvais côté de l’être humain, mais on a aussi cette force incroyable de solidarité. »