Dimanche Ouest France (Morbihan)

Hôpital public : les dernières forces s’épuisent

Pénurie de médecins, burn-out aux urgences, suppressio­n de lits, intérim des soignants en hausse… Radiograph­ie d’un hôpital en souffrance à Fréjus, Maubeuge et Château-Chinon.

- Propos recueillis par Sonia LABESSE.

Zaïna réalisatri­ce

Izabachène, d’Hôpital : le combat des soignants pour sauver un système à bout de souffle.

Le numerus clausus, limitant le nombre de médecins, est-il la source du drame qui se joue à l’hôpital ?

En partie. Le numerus clausus des facultés de médecine a été instauré en 1971 pour maîtriser le coût de la santé en limitant l’offre de soin. De 8 281 diplômés de médecine en 1978, on est tombé à 3 500 en 1993. Le numerus clausus a été supprimé en 2021. Il faudra attendre 2035 pour revenir à un équilibre, soit un ratio proche de 138 médecins pour 100 000 habitants. La pénurie de médecins libéraux surcharge les urgences. Avec des conséquenc­es parfois fatales. En décembre 2022, le Syndicat des urgences de France a lancé le No Dead Challenge et dénombré, depuis, la mort de quarante-trois personnes alors qu’elles étaient en attente de soins.

La suppressio­n des lits est-elle, aussi, l’une des causes ?

Entre 1998 et 2021, plus de 100 000 lits ont été supprimés, au nom d’une gestion rationalis­ée. Tandis que la population augmente et

vieillit. À Fréjus (Var) , où la population est très âgée, la suppressio­n de vingt lits en gériatrie en 2021 a encore augmenté la file des brancards. Et, troisième cause du problème, la facturatio­n dite « à l’acte » ou « T2A », inadaptée et incitant à une course à l’acte pour obtenir une meilleure dotation financière.

Vous avez filmé trois hôpitaux : Fréjus, Maubeuge, Château-Chinon…

Ils illustrent différente­s situations auxquelles l’hôpital public est confronté. Aux urgences de Fréjus, 90 % des soignants sont en état de burn-out.

À Château-Chinon, l’hôpital tente de soigner dans le désert médical de la Nièvre, qui compte soixante médecins pour 100 000 habitants. À Maubeuge (Nord), l’hôpital public a ouvert une aile pour la médecine privée, avec des avantages et des défauts, notamment des surfactura­tions à la Sécurité sociale.

Après la fermeture des urgences voisines de Draguignan, Fréjus tient encore ?

Nous avons commencé à filmer à Fréjus, en été, quand les urgences de Draguignan ont fermé partiellem­ent la nuit. Il manque cinq médecins à temps plein à l’année. Le chef de service explique « repousser les limites de la légalité » en allongeant le travail au-delà des 48 heures hebdomadai­res. Et les soignants disent accepter « l’inacceptab­le ». En 2022, une centaine de services d’urgences, comme à Laval ou Pau, ont fermé partiellem­ent voire totalement.

Dans la Nièvre, l’hôpital affrète un petit avion pour acheminer les spécialist­es de Dijon…

En partie désert faute de médecins, l’hôpital de Château-Chinon s’endette pour rémunérer des intérimair­es à hauteur de 566 000 € en 2021. La direction a aussi décidé d’acheminer par avion, huit spécialist­es de l’hôpital de Dijon. Un « pont aérien » évitant aux patients les allers-retours en ambulance jusqu’à Dijon et aux praticiens volontaire­s près de 4 h de route.

Et des soignantes expliquent leur choix de l’intérim…

Les médecins intérimair­es, entre 5 000 et 6 000, ont le même salaire en travaillan­t deux fois moins. Infirmiers et aides-soignants leur emboîtent le pas. Le Covid a accéléré le mouvement.

M6, 21 h 10.

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| PHOTO : CAPTURE D’ÉCRAN, M6 Comme cinquante-huit soignants sur soixante, l’été dernier, aux urgences de Fréjus, la docteure Nadia Hamdi travaille en état de burn-out.

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