Dimanche Ouest France (Morbihan)

De l’or de Carhaix à la mairie de Marseille

Le dimanche 5 mars 2000, Rakiya Maraoui et Abdellah Behar étaient sacrés. Vingt-trois ans plus tard, les éducateurs sportifs se souviennen­t de l’ambiance.

- Pierre LÉZIART.

L’élite nationale est de retour dans le Finistère, 23 ans après les derniers championna­ts de France à Carhaix. En 2000, Rakiya Maraoui avait décroché le titre sur le cross long. À 55 ans, la championne d’Europe de cross court par équipes en 1999 s’en souvient : « J’étais portée par ce public formidable. Les spectateur­s (plus de 30 000 !) étaient au bord du parcours, pratiqueme­nt à nous toucher la main ! »

Elle avait entendu parler de cette ambiance si spéciale avec la Morbihanna­ise Maryse Le Gallo, ancienne athlète de haut niveau. « Elle me disait que les Bretons étaient des amoureux du sport, du cross. Quand on le vit, ça ne s’oublie pas ! Le public, l’accueil, l’organisati­on, c’était magnifique. »

« Je ne savais plus combien de boucles il restait »

Sur le plan sportif, la native de BeniBatao (Maroc) était opposée sur le cross long à Fatima Yvelain, finalement 2e à deux secondes. « Le départ n’était pas évident pour moi car je ne courrais pas pour un club, donc je partais sur le côté. Je me suis retrouvée vite devant. Je savais que Fatima était très forte au sprint. J’ai réussi à faire la différence avant, même si j’ai eu un doute à la fin, je ne savais plus combien de boucles il restait. On m’a informée qu’il restait encore un tour. »

Après cette médaille d’or, celle qui a grandi à Bejaâd - et essuyé les critiques, « car une fille qui court, ça ne se faisait pas ! », avant de faire taire tout le monde en 1986 en gagnant le

championna­t du Maroc de cross alors qu’elle n’est que junior - enchaîne sur les Mondiaux, au Portugal. Sur le court, cette fois. Les Françaises terminent en bronze par équipes. Comme en 2002 aux Mondiaux d’Ostende. Entre-temps, Rakiya Maraoui avait conservé son titre de championne de France de cross à Grande-Synthe en 2001.

« J’étais à l’aéroport pour aller Sydney, mais… »

Si l’ancienne protégée de Gianni Demadonna - son manager pendant 14 ans - a opté pour le maillot bleu, c’est en raison de soucis avec la

Fédération marocaine, qui lui reprochait, entre autres, de ne pas vivre sur le territoire. Maraoui aurait pu choisir l’Italie, où elle s’est installée après son départ de son pays d’origine en 1986. « Mais je ne me sentais pas Italienne. Et en 1994, j’ai rencontré mon mari, un Français. Je suis partie vivre chez lui, à Paris, fin 1994. »

Il travaille à la SNCF et est muté en 1997. À Tours. « Dans cette ville, ça se passait mal, je ne pouvais pas entrer dans les stades… Des personnes m’ont mis des bâtons dans les roues... »

Avant cela, elle a aussi connu des podiums sur le marathon. En 1995, elle en court deux : Paris en 2 h 33’39’’ (2e) puis Berlin en 2 h 28’17’’ (3e). « Je n’avais pas de retour de la Fédération marocaine, alors quand la propositio­n de devenir Française est arrivée, j’ai dit oui. J’ai fait les Mondiaux de semi-marathon en 1998 avec le maillot bleu (1 h 11’44’’, 17e) . J’aurais dû aller aux JO de Sydney en 2000, mais des personnes de la Fédération marocaine m’ont bloqué la route. Ça ne faisait que deux ans et huit mois que j’avais le passeport français, au lieu de trois ans… J’étais à l’aéroport à Paris, et j’ai dû rentrer chez moi… »

Une année compliquée pour elle, qui venait de perdre son père. Elle traîne une mononucléo­se l’année suivante, et s’arrête en 2002 pour donner naissance à son fils.

À sa reprise, elle reçoit un appel de la Sco Saint-Marguerite et se relance. Elle se classe 21e des Mondiaux de marathon à Paris en 2003. Sélectionn­ée pour les JO d’Athènes en 2004, elle abandonne sur le marathon.

Et se retire progressiv­ement des courses, assurant sa reconversi­on, du côté de Marseille. Rattachée à la mairie des 6e et 8e arrondisse­ments de la cité phocéenne, et installée près du parc Borély avec son mari et son fils de 20 ans, elle dispense des cours. « De septembre à juin, trois fois par semaine, j’anime des sessions de marche nordique, gym… Je forme aussi des animateurs sportifs. Mon travail est axé sur le sport santé bien-être. » Aujourd’hui, elle a coupé avec un milieu qui lui a apporté tant de podiums.

 ?? | PHOTO : ARCHIVES OUEST-FRANCE, PHILIPPE CHÉREL / DR ?? En 2000, Rakiya Maraoui était sacrée championne de France à Carhaix. Aujourd’hui, elle travaille à la mairie 6-8 de Marseille.
| PHOTO : ARCHIVES OUEST-FRANCE, PHILIPPE CHÉREL / DR En 2000, Rakiya Maraoui était sacrée championne de France à Carhaix. Aujourd’hui, elle travaille à la mairie 6-8 de Marseille.
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France