Dimanche Ouest France (Morbihan)
Fanny sensibilise à l’autopalpation sur Instagram
Influenceurs du Morbihan. Fanny Thauvin est artiste-graphiste indépendante. La maladie percutant son existence est venue nourrir son compte Instagram, Vague graphique. Il abrite aussi Fannychon.
« Je ne suis pas une influenceuse, prévient Fanny Thauvin. Je suis graphiste avant tout. Le nombre de mes abonnés a bondi lorsque j’ai commencé à parler de mon cancer du sein, à la fois pour sensibiliser à l’autopalpation, et puis pour en parler en faisant marrer. » Sa manière à elle de remonter la pente. « J’ai eu du plomb dans l’aile. »
Pieds nus, un large sourire aux lèvres, Fanny Thauvin nous a reçus chez elle, à Lorient. « Venez, c’est là-haut, j’ai de la chance, j’occupe la plus belle pièce de la maison. » Dans l’atelier de Vague graphique, deux canapés, un fauteuil canné, tournent le dos aux tables de dessin.
La vaste pièce est inondée d’une lumière douce naturelle. « J’ai toujours dessiné, toute petite à l’école, cela a pris une part importante. » Au point qu’à sa rentrée en cours préparatoire, l’instituteur comprend que Fanny va être frustrée. « Il a conseillé à mes parents de trouver un cours, ce qu’ils ont fait. Plus tard, dans les marges de mes copies, j’ai toujours dessiné. »
De quoi donner quelques indices pour la suite. Fanny intègre la prestigieuse école Olivier de Serres, École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’arts, après un bac spécifique en arts appliqués.
Elle forge ensuite son style en Allemagne, d’abord dans le cadre de stage. Munich, Düsseldorf, mais surtout Berlin la nourrissent. « C’est une ville incroyable, cosmopolite où tout est possible. Elle m’a ouvert l’esprit dans ma manière d’aborder mes projets artistiques. » Fanny s’installe en free-lance et travaille comme web designer pour une entreprise allemande jusqu’en 2011.
Autre chose va nourrir le travail de Fanny. « Ma soeur s’est installée au Cameroun en 2005 pour travailler dans un hôpital de brousse. J’y suis allée une quinzaine de fois et j’ai dessiné des carnets de voyage. C’était tellement différent, j’étais obligée de tout noter. » Collage, dessins à l’aquarelle noircissent les carnets.
Retour en France en 2011, où Fanny va enchaîner des expériences dans des groupes prestigieux : Lacoste, Hermès, Guerlain… Des marques qui vont la faire voyager, jusqu’en Chine et aux États-Unis.
Installée à Paris, Fanny ne rêve que de Bretagne depuis qu’elle a découvert la pratique du surf en 2016, elle finit par s’installer à Saint-Pierre-Quiberon. « Je travaillais à distance, en free-lance l’après-midi et je surfais tous les matins. Ça m’a redonné envie de dessiner. »
2018, tout bascule
C’est aussi sur une plage du Pays basque pour une session de surf que la vie de Fanny chavire. « En me passant de la crème solaire avant de partir dans l’eau, au Pays basque, j’ai senti quelque chose de très dur dans le haut de ma poitrine, comme une petite pierre qui ne bougeait pas. »
En rentrant, sa gynécologue lui conseille de ne pas s’inquiéter, Fanny met deux mois à pouvoir obtenir un rendez-vous pour une échographie. «Et là, la machine se met en branle. Je suis en état de choc. La biopsie confirme. Tout part en cacahuète. J’écoutais du Christophe André toute la journée, j’allais surfer… »
Le deuil de mon père, de mes seins
L’opération s’est déroulée en juin 2018, suivie d’une radiothérapie, puis hormonothérapie. « Les analyses ont révélé que j’étais porteuse d’une maladie génétique, la même qu’Angelina Jolie. Je savais que j’allais devoir faire une mastectomie (ablation des seins) .» Ce qu’elle a subi en 2020, trois mois après le décès de son père atteint d’un cancer du pancréas. « Mon père était aussi porteur de cette maladie génétique, heureusement ma soeur ne l’est pas. J’ai dû faire deux deuils, celui de mon père et celui de mes seins. Fannychon, je l’ai voulu pour alerter les femmes. L’outil de palpation, c’est puissant et c’est gratuit. Ma boule, elle ne faisait peur à personne. Il faut être active sur ce sujet. »
Aujourd’hui, la jeune femme passe dans les lycées, publie des stories pour en parler. « J’ai même posté les empreintes de mes seins avant de les faire enlever. Je suis ambassadrice pour l’atelier Pouet-Pouet qui fait de la sensibilisation à l’aide d’un buste. On devrait nous apprendre à nous palper comme on apprend à se laver les dents. »
La maladie a aussi fait évoluer Fanny dans son cheminement artistique. « Je me suis beaucoup investie dans les fresques. J’avais beaucoup de demandes pour des grands formats, mais pas encore trouvé la solution d’impression. Un copain m’a aidée. » Les stickers et papiers peints rencontrent un bel engouement.
Fanny travaille pour l’association des ports de Bretagne, la Sellor, la maison Verlinde à Vannes. La graphiste donne aussi des cours.
Le projet dans les deux ans ? Adopter un enfant, « parce que je veux briser la chaîne de la maladie génétique », et ouvrir un atelier avec un show-room. « C’est en cours, du côté de Lanveur, à Lorient. »