Dimanche Ouest France (Morbihan)
Trois tombeaux géants néolithiques mis en valeur
Histoire de mégalithes. Parmi les éléments centraux du dossier de candidature à l’inscription au patrimoine de l’Unesco que sont les trois tumulus géants, celui de Locmariaquer va retrouver sa grandeur.
« Le phénomène carnacéen, c’est simple : c’est la plus grande concentration d’ouvrages de stèles au monde, la plus grande concentration de gravures connues sur ces monuments, la plus grande concentration d’objets extraordinaires et les plus grandes anciennes tombes géantes connues à l’échelle de la planète, datant de la première moitié du Ve millénaire (av. J.-C.). » Cyrille Chaigneau, médiateur scientifique au musée de la Préhistoire de Carnac, résume parfaitement le caractère exceptionnel des sites mégalithiques de Carnac et des rives du Morbihan. Parmi eux, trois tumulus géants sont centraux dans le patrimoine mégalithique, pour comprendre la société néolithique de l’époque.
« Son niveau de complexité est important, poursuit le médiateur scientifique. Si on regarde le tumulus Saint-Michel, à Carnac, c’est un personnage inhumé seul dans une masse tubulaire de 125 m de long, 65 m de large, 12 m de haut, une tombe qui précède les premières pyramides égyptiennes de 1700 ans. Dans le tableau civilisationnel que propose le tumulus Saint-Michel, ce personnage a probablement un statut de roi, d’hommedieu, qui porte sur ses épaules, à l’instar des pharaons, à la fois la charge du politique et celle du religieux. »
« Lui redonner sa majesté »
C’est en 1862 que le tumulus est fouillé pour la première fois par la Société polymathique du Morbihan, qui y trouve un caveau de près de 5 m2 et un trésor composé de dizaines de haches polies, en jadéite et fibrolite, et de pendeloques en variscite. Zacharie Le Rouzic poursuivra la fouille quarante ans plus tard et y découvrira des caveaux annexes et d’autres objets prestigieux.
Ce tumulus de près de 35 000 m3 est le plus grand et le plus haut des trois tombeaux géants morbihannais.
Le tumulus de Tumiac, à Arzon, est massif avec un volume de près de 16 000 m3, et celui de Mané er Hroëck, à Locmariaquer, de 14 600 m3.
Les tombes des trois « géants », appelés carnacéens « focalisent tant d’exceptions en termes de volumes et qualités des matériaux de construction, et donc d’efforts, mais également en nombre d’objets précieux accompagnant le défunt – accumulation unique en Europe – que leur singularité dans le paysage devait être reconnue et prise comme référence spatio-temporelle », explique l’archéologue Serge Cassen, dans Carnac. Récit pour un imagier, montrant, à l’aide de cartes, la covisibilité qui existait entre les trois monuments.
C’est pourtant au bout de la presqu’île de Rhuys, dans la commune d’Arzon, que se trouve le tumulus de Tumiac, fouillé au milieu de XIXe siècle. Il a révélé une chambre funéraire de 9 m2 qui renfermait également haches polies et perles.
Ce sont également les objets extraordinaires retrouvés dans la chambre du troisième tumulus géant, Mané er Hroëck, à Locmariaquer, dans ce qui est la plus grande chambre funéraire des trois monuments, vaste de 12 m2.
Si l’on connaît les sites majeurs de Locmariaquer, comme la Table des Marchand, le Grand Menhir brisé et le tumulus Er Grah, de trois époques différentes, gérés par le Centre des monuments nationaux, on connaît moins son exceptionnel tombeau géant encore caché au coeur de la petite ville. Ce dossier Unesco est ainsi l’occasion pour la commune de repenser sa mise en valeur.
« D’après les dernières études de Serge Cassen, notamment sur un bracelet en jadéite, qui est une pièce unique retrouvée dans ce tumulus, il serait peut-être le plus ancien des trois tombeaux géants, précise Jacques Madec, adjoint au maire de Locmariaquer et vice-président de l’association Paysages de mégalithes.
On est en train de le remettre en valeur, de le refaire respirer. Parce que, malheureusement, l’urbanisme de la fin du XIXe et début du XXe siècle l’a un peu enserré. Notre projet est d’acheter une partie d’une propriété où, d’ailleurs, des stèles se trouvent dans le mur de clôture. Cela nous permettrait d’ouvrir l’espace sur le monument. On a également acquis un jardin, à l’arrière du tumulus, qui servira d’accès doux, avec une autre vision sur le monument. On veut lui redonner sa grandeur, sa majesté. Des gens de Locmariaquer ne connaissent pas son importance. On ne comprend pas le monument à cause de la végétation, des maisons autour. Alors qu’il s’agit quand même d’une butte de 100 m sur 60 et 10 m de haut… Ce n’est pas rien ! »
Un circuit des mégalithes
Dans le cadre du dossier Unesco, la ville de Locmariaquer compte bien organiser un circuit mégalithique dans son territoire. « Nous allons d’ailleurs sortir un livret sur un circuit des mégalithes en circulation douce (au printemps 2023), avec un itinéraire piéton et un autre vélo, indique l’élu. On peut imaginer un parking central où les touristes arriveront, pourront de là aller voir un site sur le Centre des monuments nationaux et ensuite faire ce circuit qui comprendra huit autres monuments extrêmement importants dans le cadre de l’inscription. On espère, à terme, avoir des guides pour les visites de ces monuments. »
« Notre idée est aussi de montrer que Locmariaquer n’est pas un culde-sac : on peut avoir accès à Arzon par la mer, et inversement. Un bus pourrait déposer sa clientèle à Locmariaquer, puis l’attendre à Arzon, par exemple. Si les visiteurs ont des voitures individuelles, ils peuvent faire l’aller-retour en bateau ou dormir sur place, à Arzon ou Locmariaquer. C’est aussi l’impact économique possible. C’est dans cet esprit qu’on voit le tourisme de demain, avec peut-être plus de tourisme culturel, au-delà de la période estivale, avec un tourisme balnéaire qui évolue. Il faut absolument que les vingtsept communes du territoire qui ont la possibilité de montrer leurs monuments les mettent en valeur et organisent les choses autour. »