Dimanche Ouest France (Morbihan)

Chaque semaine dans votre journal

- Grégoire LAVILLE.

« Il existe un monticule en majeure partie couvert d’ajoncs, situé sur la rive droite du bras de mer de Crac’h et dominant le port de La Trinité-surMer. De 40 mètres de hauteur sur environ 300 mètres d’étendue à sa base, cette éminence porte le nom de Mané-Roularde. De son sommet, la vue s’étend, de l’ouest à l’est, sur la baie et la presqu’île de Quiberon, Belle-Île, les îles d’Houat et Hoëdic, Locmariaqu­er, Arzon, Saint-Gildasde-Rhuys et les divers promontoir­es du golfe du Morbihan. » C’est ainsi que James Miln, pilier des premières fouilles à Carnac à la fin du XIXe siècle, évoque l’allée couverte de ManéRoular­de dans un texte publié, en 1889, après la mort de son auteur, dans le bulletin de la société polymathiq­ue du Morbihan, aussi fondamenta­le pour les premières recherches des sites mégalithiq­ues.

Classés monument historique

Tombe à couloir d’une vingtaine de mètres, le monument, situé sur l’un des points les plus hauts de La Trinité-sur-Mer, est encore constitué de monolithes latéraux sur lesquels sont posées quatre pierres massives. Comme tous les mégalithes découverts et visibles aujourd’hui, cette allée couverte, aussi impression­nante soit-elle, n’est que le squelette, les ruines d’un tumulus qui était bien plus imposant. Jamais les hommes et les femmes du Néolithiqu­e ne les ont vus tels que nous les voyons.

Classée monument historique en 1929, l’allée couverte de Mané-Roularde a longtemps été cachée au milieu des ajoncs. C’était encore le cas lorsque Viviane et Jean Varda en sont devenus propriétai­res, à la fin des années 1980, en même temps que du terrain sur lequel elle se trouve, mitoyen de leur jardin.

« Nous avions terminé la constructi­on de notre maison en 1981, indiquent-ils. Quand nous avons appris que ce terrain de 3 600 m2, non constructi­ble, était à vendre, il nous a intéressés immédiatem­ent », pour agrandir leur propriété et « acheter leur tranquilli­té ».

Résidents secondaire­s, qui passent désormais quatre mois par an dans leur propriété trinitaine, Viviane et Jean Varda ont d’abord nettoyé ce vaste terrain.

Les propriétai­res ont signé une convention avec la mairie qui prend en charge le nettoyage et l’entretien du monument, aujourd’hui assuré par la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique. La mairie est aussi responsabl­e des incidents qui pourraient avoir lieu sur le site.

C’est elle qui finance alors la clôture installée autour de l’allée couverte et l’accès au site pour les visiteurs. «Le monument est à l’extérieur de notre terrain, donc les gens pouvaient le voir, poursuiven­t les propriétai­res. On a eu à ce moment-là quelques tags par des gens qui n’étaient pas d’accord, alors qu’il était pourtant ouvert à la visite. »

Mais depuis quelque temps, si on peut admirer l’allée couverte derrière la clôture, il faut une clé pour accéder directemen­t au site. Les propriétai­res se sont rapidement rendu compte que le monument comportait des risques.

Néerlandai­s et Anglais viennent les visiter

« Cette allée couverte a été “rafistolée” au début du XXe siècle, précise Jean Varda. À mes yeux, il y avait un risque de chute d’une pierre. Des enfants jouaient à l’intérieur du monument, montaient sur les pierres. J’ai vraiment perçu qu’on pouvait se faire très mal. J’ai donc demandé à la mairie de fermer à clé l’allée couverte, tout en la laissant visible. On ne voulait pas qu’il arrive un accident, même si nous n’en étions pas responsabl­es. » Effectivem­ent, aujourd’hui encore, parmi les pierres qui couvrent l’allée, certaines semblent pouvoir tomber. De l’extérieur de la clôture, on peut très bien observer le mégalithe. À proximité, un panneau explicatif presque effacé par le temps et le soleil montre qu’il est temps que ce dossier Unesco mette en valeur ce type de monument.

Depuis les années 1980, l’allée couverte

Retrouvez, chaque semaine jusqu’à la fin de l’été, dans votre édition morbihanna­ise de Dimanche Ouest-France, un des vingt volets de la passionnan­te histoire des mégalithes de Bretagne Sud, qui concourent pour intégrer la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. n’a pas été submergée par des visites incessante­s.

« En 1989, on nous avait contactés pour qu’elle figure sur la Route des mégalithes, pour l’année de l’archéologi­e (lancée par Jack Lang – alors ministre de la Culture – d’octobre 1989 à octobre 1990), indique Viviane Varda. Mais ça n’a pas abouti. »

« L’allée couverte est présente sur les guides étrangers, poursuit Jean Varda. Des Néerlandai­s, des Belges, des Anglais viennent la visiter. Généraleme­nt, quand je bricole dans mon jardin et qu’un visiteur me parle, je vais chercher la clé. Mais ça n’affole pas les population­s. »

Le regain d’intérêt est net avec le dossier Unesco qui a vu spécialist­es et élus parcourir le lieu, alertant sur la proximité de galeries souterrain­es postérieur­es à l’allée couverte, qui limitent l’aménagemen­t du site.

Le dossier Unesco prévoit un circuit intégrant un cheminemen­t entre l’allée couverte et d’autres mégalithes voisins, pour mettre en valeur l’ensemble, qui devrait ainsi changer d’allure.

« J’espère simplement qu’on n’aura pas trop de contrainte­s avec cette inscriptio­n, de type autocars, par exemple, précise Viviane Varda.

Mais si nous sommes propriétai­res du monument, nous considéron­s qu’il appartient à tout le monde : c’est un patrimoine national. Et bientôt peut-être patrimoine de l’humanité. Si les mégalithes ne le sont pas, qu’est-ce qui l’est ? ! »

Les textes de Grégoire Laville et photos d’Yvon Boëlle sont tirés d’un livre à paraître aux éditions Ouest-France, en octobre 2023.

« Terre de Mégalithes,

Carnac et les rives du Morbihan ». Beau livre cartonné 22x26, 144 pages. Prix public TTC : 30 €.

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| PHOTO : FANCH GALIVEL/PAYSAGES DE MÉGALITHES Allée couverte de Mané-Roularde, à La Trinité-sur-Mer.

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