Dimanche Ouest France (Morbihan)
Les trop méconnus mégalithes d’Erdeven
Histoire de mégalithes. Contrairement à ceux de Carnac, les alignements d’Erdeven ne sont pas connus à leur juste valeur, comme de nombreux autres sites du territoire proposé à l’Unesco.
« C’est mon site préféré, c’est celui de Carnac à l’état sauvage ! » Si Isabel Pugnière-Saavedra, directrice de l’action territoriale et de la culture au sein du Département du Morbihan, qui connaît bien les sites concernés par l’inscription à l’Unesco, s’enthousiasme pour les mégalithes d’Erdeven, c’est qu’ils méritent en effet d’être redécouverts et mis en valeur.
Le Département est propriétaire d’une centaine d’hectares à Erdeven. « On travaille main dans la main avec les autres propriétaires, dont l’État et la commune, pour la valorisation et la préservation de ce site, qui est aussi grand que Carnac. On y a répertorié 5 000 pierres à la fin du XIXe siècle, mais je pense qu’on en découvrira d’autres avec les techniques modernes. Ce sont des alignements qui courent, mais on ne voit que les petites têtes des pierres qui dépassent. »
Bientôt dévoilés sous leur meilleur jour comme, on l’espère, tous les sites du territoire Unesco, les mégalithes d’Erdeven, moins fréquentés que ceux de Carnac, offrent déjà une diversité exceptionnelle qu’on découvre librement au fil d’une longue et belle promenade d’une dizaine de kilomètres, en suivant le bien nommé « Sentier des mégalithes ». Espace naturel sensible (ENS), l’ensemble mégalithique d’Erdeven est un site naturel fragile à forts enjeux environnementaux. On comprend qu’une vigilance, quant à sa protection, est indispensable, d’autant plus qu’il se visite actuellement en toute liberté.
Les alignements de Kerzerho, les plus connus de l’ensemble erdevennois, sont aussi les plus accessibles. Comme d’autres sites, ils ont subi, à une autre époque, le rouleau compresseur de la modernité. La route Erdeven-Plouharnel passe à travers le site… La société polymathique du Morbihan rappelait, dans son bulletin de janvier 1941, que, dès 1852, Prosper Mérimée, alors inspecteur général des monuments historiques, se plaignait « des agissements de l’administration départementale de nos chemins
vicinaux qui, par amour de la ligne droite, venait de culbuter la tête des magnifiques alignements de Kerzerho en faisant passer la rou- te au travers ».
Ces ouvrages de stèles sont en effet exceptionnels, comptant actuellement deux ensembles : le premier est riche de 220 menhirs, dont une soixantaine couchés, agencés en dix files orientées est-ouest. À 80 mètres au nord de cet ensemble, une autre file de stèles se termine par les « géants de Kerzerho », menhirs de quelque 6 mètres de haut, pour un poids de 40 tonnes environ, dressés et couchés. Parmi ces derniers, une stèle a pris le nom de Table des sacrifices sans que l’on ait la moindre preuve quant à son utilisation. Ces alignements de Kerzerho se prolongent sur 4 kilomètres à l’est, vers la forêt du Varquès.
Sur le trajet, on peut admirer plusieurs autres mégalithes, comme les menhirs de Kerjean, dont le probable ancien alignement est désormais incomplet, de nombreuses pierres manquant à l’ensemble. Certaines d’entre elles font partie du muret délimitant un champ voisin. On passe par l’alignement de Kerbernès, puis, en pleine forêt, par les dolmens de ManéBraz. Les quatre mégalithes, dans différents états de conservation, squelettes d’un monument funéraire, sont situés sur un point haut de la commune
et sont les vestiges d’un tumulus, qui mesurait 24 mètres sur 54. Le plus grand des quatre monuments est un dolmen à galerie, encore couvert, composé d’un couloir central de sept mètres de long et de quatre chambres latérales. Ces dolmens ont été fouillés au début du XXe siècle par l’archéologue local, figure de la recherche mégalithique sur ce territoire, Zacharie Le Rouzic, qui y a notamment trouvé une hache en diorite et des poteries.
Une diversité exceptionnelle
La « Chaise de César »
Au sud de ces dolmens, on trouve les alignements de Mané-Braz. Suite des alignements précédents depuis ceux de Kerzerho, au coeur des bois du Varquès, les alignements de Coët er Blei (bois du loup) comptent plusieurs dizaines de stèles, dont une trentaine dressées. Parmi elles, un étonnant menhir en forme de trône a pris le nom de « Chaise de César », probablement en référence à l’occupation romaine au premier siècle de notre ère.
Au sud de cet ensemble, à proximité de l’étang du Varquès, le dolmen de Mané-Groh (appelé également ManéCroc’h ou Mané Grah) compte un couloir de dix mètres de long, qui débouche sur une chambre funéraire de 4,70 mètres sur 3.
Enfin, Crucuno, situé dans la commune de Plouharnel, offre un mégalithe d’importance : au coeur du village, semblant adossé au pignon d’une maison, le dolmen de Crucuno est une chambre funéraire, seul impressionnant vestige d’une tombe à couloir qui était longue de plus de vingt mètres. Elle a été partiellement démolie à la fin du XIXe siècle pour construire les maisons environnantes. La chambre du dolmen, vaste de 3,40 mètres sur 3,55 et haute de 1,80 mètre est constituée de deux dalles, dont une longue reposant sur neuf piliers. À proximité du village, on trouve un « quadrilatère mégalithique » : vingtdeux menhirs qui composent une enceinte mégalithique longue de 34 mètres et large de 26.
Comme l’indiquent très clairement Serge Cassen et son équipe dans Carnac. Récit pour un imagier, le site a été plusieurs fois altéré au cours du XIXe siècle, puis « injustement restauré» : « Crucuno est l’extrémité nordouest d’une barre multiple de stèles et non une enceinte quadrangulaire orientée sur les solstices d’hiver et d’été, unicum archéologique en France. »
À l’issue d’une telle promenade, on comprend aisément l’importance des sites mégalithiques du Varquès, à Erdeven, ainsi que celle de leur mise en valeur et de leur préservation.