Dimanche Ouest France (Morbihan)
Le cairn de Gavrinis, un joyau très surveillé
Histoire de mégalithes. Sur l’île de Gavrinis, à Larmor-Baden, le monument aux extraordinaires gravures, nécessite une veille sanitaire régulière par son propriétaire, le département du Morbihan.
Parfois qualifié de « chapelle sixtine du néolithique », le cairn de Gavrinis, situé en plein coeur du golfe du Morbihan, sur l’île du même nom, est en effet un des dolmens les plus spectaculaires de France. Il est intégralement recouvert par le cairn à la différence de la majorité des autres monuments. La longueur de 13 mètres du couloir d’accès à la chambre funéraire est exceptionnelle. Surtout, la densité et la richesse des gravures qui figurent sur la quasi-totalité des dalles (25 sur 29), juxtaposées sur le sol, le plafond et les parois latérales, est unique. Les signes gravés occupent une surface de 50 m2.
Des signes qui ont permis de montrer l’importance de l’eau et de la navigation pour cette société néolithique. Il a été découvert que la dalle de couverture de la chambre terminale était un fragment d’une stèle érigée auparavant à Locmariaquer au sein du site de la Table des Marchands.
Cette tombe, construite et utilisée entre 4100 et 3 500 av. J.-C., est un joyau qui condense des critères essentiels du dossier Unesco d’inscription au patrimoine mondial.
« Les sites de Gavrinis et du Petit Mont sont ouverts au public et gérés par la Compagnie des ports du Morbihan au titre d’une délégation de service public, précise Isabel Pugnière-Saavedra, directrice de l’action territoriale et de la culture au Département. En tant que propriétaire, le Département entretient ses sites, les restaure, en effectue une veille sanitaire. Nous avons la chance
d’avoir un service départemental d’archéologie avec à sa tête un conservateur du patrimoine qui suit ces sites très précisément. Les études, la restauration et les gros travaux, c’est de l’ordre du propriétaire. Pour nous, Gavrinis est un monument exceptionnel et sa dimension insulaire lui donne toute sa magie. »
Un joyau pour le patrimoine mondial
Gavrinis est fragile. Il y a cinq ans, des signes d’altérations et des coulures sont apparus sur les dalles. « Nous avons travaillé avec le laboratoire national de restauration des Monuments historiques, également en charge du chantier de restauration de Notre-Dame de Paris, indique la directrice départementale de la culture. Les études qui se sont déroulées sur deux ans, avec relevés météorologiques et hygrométriques, ont montré que ces coulures étaient dues au sable employé lors de la première restauration dans les années 1980. C’était les techniques de l’époque. Un sable marin mélangé à des produits chimiques utilisés alors, en plus de l’entrée d’air et
l’humidité, a créé une alchimie qui n’était pas bonne. Ce sable n’aurait peut-être pas posé de problème dans un autre chantier mais nous sommes là dans un milieu marin. Et c’est une tombe qui n’avait pas vocation à être ouverte et encore moins à être un lieu de visite. »
Le Département a justement revu les possibilités de visites du monument fragilisé. « À la suite de cette première étude, on a fermé, il y a quatre ans, pendant les mois les plus humides, de septembre à avril. Dans cette période, la problématique du phénomène du sable était renforcée. »
Le Département s’est surtout interrogé sur les solutions pour stopper ces coulures qui abîmeraient à très long terme les dalles gravées. «Ona parlé peut-être un peu trop vite de dérestauration, admet Isabel Pugnière-Saavedra. Fallait-il défaire pièce par pièce cette restauration, enlever ce sable et reconstruire ? Nous avons fait appel à un cabinet spécialisé avec un architecte du patrimoine. Après six mois d’études, il a remis des préconisations à l’État qui a fait quelques observations. On va désormais passer à la phase d’intervention : nous ne sommes plus sur
Un monument fragilisé
cette dynamique de « dérestauration » mais sur l’application de compresses chimiques. On va effectuer des expérimentations. Si ça fonctionne, on continue. On avance pas à pas. Il n’y a pas d’autres solutions avec un monument si complexe. »
Il faut aussi trouver le bon compromis pour pouvoir continuer à accueillir le public. « Depuis qu’on a rouvert à la visite, on a un numerus clausus : il n’y a que 10 personnes à l’intérieur du bâtiment en même temps. On amène 20 personnes sur l’île, 10 entrent dans le monument, 10 restent à l’extérieur auxquelles on montre l’île, les alentours ; on explique le golfe, l’évolution du bien… La visite commence dès qu’on monte sur le bateau. En été, il faut réserver trois jours à l’avance. C’est un flux constant. Il n’y a pas de visite libre possible même si l’on peut arriver sur l’île sur son propre bateau. Aujourd’hui, notre préoccupation, c’est la conservation du site et permettre des visites pérennes. On pourrait imaginer une réplique mais on perdrait la magie d’aller sur l’île et de découvrir ce lieu incroyable créé par la main de l’homme. »