Dimanche Ouest France (Vendee)

À 43 ans, ce chef d’entreprise apprend à lire

Mario, à la tête d’une entreprise familiale d’élagage à Château- Gontier- sur- Mayenne, a décidé d’apprendre à lire, à 43 ans. Pour cela, il est aidé par un bénévole, qui vient le voir chaque semaine.

- Mathieu BLARD.

Il en faut du courage, pour apprendre à lire à 43 ans. Mario, qui a une entreprise d’élagage à Château- Gontiersur- Mayenne ( Mayenne), le dit franchemen­t : « J’ai eu une enfance un peu difficile. »

Élevé par sa mère et son beau- père, l’homme devait s’occuper de ses demi- frères et soeurs. « Ce n’était pas mon rôle. J’allais à l’école une fois de temps en temps. » Ce qui ne l’a pas empêché de monter son entreprise, en 2004. « Je n’ai jamais travaillé de ma vie pour un patron. À l’usine, on me disait non, car je ne savais pas lire. »

« Des fois, je dis que j’ai oublié mes lunettes »

Au début, il se faisait aider par des proches, pour les papiers administra­tifs. Mais au quotidien, il reconnaît que c’est un handicap notable. Aujourd’hui, son fils, également prénommé Mario, travaille avec lui chez MD Elagage. C’est lui qui contrôle les factures et s’occupe de tout ce qui nécessite lecture et écriture. Pour la communicat­ion, il a installé une applicatio­n sur téléphone qui lit lesmessage­s et il peut en dicter.

Mais Mario en a assez de « tout faire relire par mon gars », comme il dit. Car il n’a pas voulu reproduire le schéma familial, lui qui a cinq enfants.

« J’ai toujours été strict avec eux pour qu’ils travaillen­t à l’école. »

Et puis, il assure avoir déjà « été arnaqué » dans sa vie, à cause de cela. Avec les clients, ça peut être compliqué. Heureuseme­nt, souvent, la confiance est installée, mais il faut toujours remplir des formulaire­s. « J’en rigole, mais des fois, c’est dur de le dire. Alors, je dis que j’ai oublié mes lunettes. » Un pieu mensonge, quand il n’ose pas expliquer qu’il ne sait pas lire, même si la plupart du temps, il n’a « pas honte ».

Alors, il a décidé de prendre le taureau par les cornes. Depuis septembre, chaque semaine, Mario suit des cours avec un bénévole, le soir, après le travail. Ce bénévole, c’est Stéphane Vrignon, qui enseigne le marketing à des étudiants du CAP au master. Ils se sont rencontrés au salon Vis l’âge bleu, à Château- Gontier. Stéphane Vrignon l’organisait, Mario exposait. « Une amitié s’est nouée, assure le bénévole. J’ai été touché quand j’ai appris qu’il ne savait pas lire. Si je peux aider, je le fais. »

Et c’était parti. « Si jemonte là- haut et que je ne sais pas lire, comment je trouverais mon chemin entre le paradis et l’enfer ? » demande Mario, qui reconnaît : « C’est difficile, j’ai beaucoup de maux de tête. Mais quand je m’engage dans quelque chose, je vais au bout. C’est pareil avecmes clients, je ne pars pas tant qu’ils ne sont pas contents ! »

« C’est courageux d’apprendre à lire à 43 ans »

Il aimerait même trouver une seconde personne, pour prendre plus de cours. Stéphane Vrignon lance un appel : « Je me demande si des gens, peut- être des professeur­s à la retraite, ne pourraient pas venir m’aider ? » Il imagine même « que des entreprise­s du territoire pourraient faire un geste pour une rémunérati­on » des bénévoles potentiels.

En France, 2,5 millions de personnes souffrent d’illettrism­e. En tout cas, Mario fils est fier de son père : « C’est courageux d’apprendre à lire à 43 ans. » Il évoque ses progrès : « Les lettres, c’est rentré, mais là, c’est les syllabes. Il faut trouver du temps pour s’améliorer. »

À terme, l’homme désire pouvoir goûter aux délices de la lecture : « Je voudrais pouvoir me poser dans un coin avec un livre. »

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PHOTO : OUEST-FRANCE Mario, 43 ans, a décidé d’apprendre à lire et suit des cours du soir.|

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