Dimanche Ouest France (Vendee)
Elle a épluché les lettres d’un révolutionnaire vendéen
Montaigu-Vendée– Martine Ehlermann- Gandrillon lève le voile sur la complexité des mécanismes de la Révolution. Son livre L’Aveuglement révèle la correspondance de Jean-Victor Goupilleau à son frère.
L’histoire des Goupilleau est avant tout celle d’une famille à l’aube des bouleversements politiques les plus importants. À Montaigu, deux frères se distinguent : Philippe- Charles Aimé, député à propos de qui Mireille et Philippe Bossis ont publié des travaux fondateurs en 2006, et Jean-Victor. C’est la correspondance de ce dernier que publie Martine Ehlermann- Gandrillon aux éditions du Centre vendéen de recherches historiques. « Il s’agit d’un corpus d’environ 300 lettres écrites par Jean-Victor à son frère qui part à Paris en 1791 parce qu’il est élu à l’Assemblée nationale », indique l’autrice.
Un témoignage rare
Le quotidien de la Révolution à Montaigu et Nantes, un exil contraint ou encore différents sujets parisiens composent l’imposant ensemble épistolaire qu’il a été nécessaire de déchiffrer : « Il ne donne pas d’éléments affectifs, mais on peut voir son état selon son écriture, presque illisible quand il est sur le coup de l’émotion. »
Épris de justice et aussi frappé par une certaine désillusion, Jean-Victor Goupilleau observe et témoigne de l’état du territoire, de l’importante adhésion à un changement politique, jusqu’au rejet des mesures décidées par l’Assemblée. Fidèle à ses idées il n’en est pas moins un témoin lucide des événements. Son parcours d’administrateur qui le mène jusque dans l’Yonne, où il est nommé receveur général après les troubles, en fait une personnalité vendéenne singulière.
Des questions en suspens
Pour l’historien Alain Gérard, qui introduit le livre avec son point de vue, « ces lettres permettent de visiter les arrière- cuisines des révolutionnaires vendéens et de comprendre les causes de la guerre de Vendée » . Titré « L’Aveuglement » , le volume illustre pour Alain Gérard un excès d’obstination de la part des Goupilleau. En l’absence de réponses connues aux lettres et dans un contexte où la suspicion agit même sur le courrier, Martine Ehlermann- Gandrillon se montre plus mesurée. « C’est la complémentarité qui fait la richesse de ce livre », affirment la chercheuse et l’historien. Aveuglement des révolutionnaires ou des insurgés ? L’ouvrage laisse la question ouverte et met en exergue une longue série d’incompréhensions de tous côtés. Inédit, méthodique et documenté, le travail de Martine Ehlermann- Gandrillon est appelé à devenir une nouvelle référence pour comprendre la période révolutionnaire en Vendée et au- delà.