Dimanche Ouest France (Vendee)
L’infirmier urgentiste est devenu libraire
Que sont- ils devenus ? Lassé de ses conditions de travail en médecine d’urgence au Centre hospitalier départemental de la Vendée, Brice Bonneau a rejoint la librairie Agora, à La Roche- sur-Yon.
Il y a quatre ans, Brice Bonneau racontait à Ouest- France comment il participait à la gestion du compte Twitter du Samu 85. « Au quotidien, les services demédecine d’urgence fonctionnent vraiment très bien. Je trouve important de le faire savoir » , expliquait cet infirmier urgentiste du Centre hospitalier départemental de la Vendée.
Aujourd’hui âgé de 38 ans, il continue de saluer « le professionnalisme et l’investissement » de ses anciens collègues mais il a pour sa part rejoint l’équipe des vendeurs de la librairie Agora, à La Roche- sur-Yon. Rue Clemenceau, l’établissement dirigé par Xavier Taveneau emploie une quinzaine de personnes.
« C’est un changement de vie radical » , convient l’ancien infirmier. Installé en Vendée depuis une dizaine d’années, il raconte être tombé très jeune dans la littérature : « Quand j’avais 15 ans, j’ai fait un stage en médiathèque et un autre pour me former aux premiers secours. J’ai été attiré par l’action, et c’est ce qui m’a poussé à devenir infirmier. Mais j’avais déjà cette envie de travailler en lien avec les livres. »
« Je n’ai jamais lu les classiques »
Le déclic du départ de l’hôpital ? « Je sentais que je pouvais devenir un mauvais soignant, aigri de voir les conditions d’exercice se dégrader régulièrement. Des patients attendent des heures dans les couloirs engorgés par des problèmes qui ne relèvent pas d’une situation d’urgence vitale, mais de la médecine de ville. » Une situation régulièrement dénoncée par les soignants des Urgences, pénalisés comme les patients par la pénurie de médecins généralistes.
Devenir libraire n’était pourtant pas une solution de facilité. Il a d’abord fallu lutter contre ses propres a priori : « Je lisais au moins dix livres par mois, mais je n’ai jamais lu les classiques. Je ne me sentais donc pas légitime. »
Des discussions avec des libraires l’ont convaincu que le plus important est d’être capable de lire en pensant à ses clients : « Aujourd’hui, les discussions avec eux me confortent dans l’idée qu’ils viennent pour le plaisir de l’échange autour des livres actuels. » Brice Bonneau lit désormais « une vingtaine de livres chaque mois » .
Ancien twitto pour le Samu
Le changement de cap nécessitait aussi un important effort financier. Pour régler les frais de formation à l’École de la librairie à Maisons- Alfort en région parisienne mais, aussi, parce que le salaire de vendeur en librairie n’a rien à voir avec celui d’un infirmier urgentiste. « Je suis payé au Smic. C’est peu comparé à ce que je touchais avant, mais je découvre le plaisir de ne pas alterner les journées et les nuits. Et en plus, je suis en congés les jours fériés ! » , compare l’ancien infirmier.
Privé de l’adrénaline des Urgences, l’ancien twitto du Samu trouve son bonheur dans les romans, dans les échanges avec les représentants des maisons d’édition, avec les lecteurs, avec ses collègues : « Je suis dans une équipe géniale qui fait preuve d’une totale bienveillance à mon égard. » Il a pris la suite de Marie- Odile Perrocheau, autre libraire bien connue des Yonnais, qui a fait valoir ses droits à la retraite. Brice Bonneau sourit : « J’ai un peu la pression, car elle avait tissé un lien extraordinaire avec les clients. Je vois bien que je dois faire mes preuves ! »
Le jeune libraire entend bien sûr participer au jeu des « coups de coeur », ces livres accompagnés d’un petit commentaire personnel, écrit de la main du vendeur : « Notre rôle est bien sûr d’avoir les livres incontournables en rayons. Mais nos clients aiment aussi qu’on leur suggère des lectures dont ils n’ont pas entendu parler par ailleurs. »