Dimanche Ouest France (Vendee)

« Mon pèrem’a filé le virus de la vitesse »

Simon Billy a conservé son titre de champion du monde de ski de vitesse, mercredi dernier, en devenant le skieur le plus rapide du monde (255,5 km/h). Un rêve de gosse enfin réalisé.

- Morgane HUGUEN.

« Depuis que je suis tout petit, je disais quasiment tous les jours à mon père que je battrai, moi aussi, le record du monde de ski de vitesse. Il fallait le faire sinon je serais passé pour un con ( rires) » , lance, soulagé, Simon Billy.

Depuis mercredi 22 mars, et sa pointe à 255,5 km/h sur la piste de Vars ( Hautes- Alpes), le Français est l’homme le plus rapide du monde sur des skis. « En arrivant dans l’aire d’arrivée, je suis tombé dans les filets car j’allais trop vite, je n’avais plus les jambes pourm’arrêter. Et là, j’ai vu tous mes potes qui passaient par- dessus les filets pour venir me sauter dessus. Je n’ai pas eu le temps de voir ma vitesse sur le panneau d’affichage, mais vu leur comporteme­nt j’ai compris que j’avais fait le record. Que j’avais réalisé mon rêve » , livre- t- il.

« J’entretiens une relation spirituell­e

avec cette piste »

Dès six ans, il est tombé amoureux de la vitesse, lorsqu’en 1997 il assistait sur le bord de la piste de Chabrières au record du monde de son paternel, Philippe Billy (243,902 km/h). « Mon pèrem’a filé le virus, j’ai toute de suite voulu faire comme lui. » Avec les années, il a eu le temps d’apprendre les moindres recoins de cette descente si singulière à Vars.

La plus rapide du monde. La seule qui permet au skieur de passer de 0 à 200 km/h en six secondes seulement, grâce à sa pente à 98%. « Vars, c’est un don de la nature. Je la connais par coeur car j’y suis toute l’année. Jem’imprègne de l’environnem­ent l’été, je vais courir, faire du vélo. L’hiver, je skie dessus tous les jours, détaille le Montpellié­rain de naissance, arrivé dans la commune des Hautes-Alpes bambin. C’est mon jardin. J’entretiens une relation spirituell­e avec cette piste. »

Un jardin qu’il cultive en famille, avec son père et son petit frère, Louis, âgé de 30 ans et ancien skieur de vitesse également ( « avec un record personnel à 241 km/h » ). « Avecmon frère Louis, on est tout le temps fourré ensemble. On fait beaucoup de sport : du trail, du vélo, du wakesurf, du tennis… »

Très soudée, la tribu Billy travaille ensemble dans l’immobilier à Vars et se consacre à la carrière sportive du trentenair­e chaque hiver. Si Simon Billy prépare lui- même ses skis, tout ce qui concerne les ailerons, le casque ou encore les chaussures, ce sont ses acolytes qui s’en occupent. « Ils me coachent au quotidien. Ce record, c’est un grand moment de partage. Je pensemême que le plus heureux de tous, c’est mon père ! »

Le matin même, Philippe Billy avait envoyé un texto à son fils pour lui dire que les conditions étaient parfaites pour entrer dans l’histoire. La neige avait assez vieilli, elle avait assez chauffé contrairem­ent à une neige de janvier, plus froide, qui peut aller 15 km/h moins vite. « C’est super rare dans une vie de skieur de vitesse d’avoir toutes ces conditions réunies : une neige parfaite, un ciel bleu, zéro vent. Cela arrive trois, quatre fois. Je sentais que c’était mon jour. »

« Avec l’âge, la peur

vient s’immiscer »

Un jour de gloire qui récompense l’abnégation. Puisqu’au- delà du défi immense qu’est d’établir un record du monde, le skieur a surtout failli tout arrêter en 2017, après une grosse frayeur. « Lorsqu’on est petit, on est insouciant face à la piste. Je le vois avec mes petits frères de 8 et 9 ans qui ont déjà des records à 125 km/h et ils ont zéro peur. Avec l’âge, la peur vient s’immiscer. Moi, elle est surtout apparue en 2017, lorsque j’ai chuté à 230 km/h » , raconte Simon Billy. Une lourde chute survenue sur une tentative de record du monde, sur cette piste de Vars qu’il affectionn­e tant.

Cette « grosse gamelle » , comme il dit, lui a valu un genou en vrac, une cheville, les adducteurs et une luxation du coude. Après huit mois de rééducatio­n, et de nombreux allers

retours à Capbreton, le skieur a hésité un moment avant de rechausser les skis. « Finalement, physiqueme­nt on se remet vite. Alors que mentalemen­t, c’était très difficile de chasser ma peur. Ça a été un vrai traumatism­e. Mais j’étais trop passionné, trop accro à la vitesse et le temps a fait son travail. Aujourd’hui, je suis persuadé que cette chute m’a rendu plus fort. » L’histoire le prouve.

Depuis, le Français a décroché lors de la saison 2020-2021 un globe de cristal récompensa­nt le premier sur la Coupe du monde, des titres de champion du monde en 2022 et 2023, et surtout un record du monde de sa discipline. « J’ai tout gagné, mais je ne veux pas m’arrêter là » , sourit l’homme qui rêve désormais d’être le premier à passer la barre des 260 km/h. Comme, à l’époque, son père qui fut le premier à passer la barre des 230 km/h en kilomètre lancé.

Un défi de taille qu’il estime réalisable dans les cinq à six prochaines années. « On peut progresser sur l’aspect aérodynami­que, assure- t- il. Lorsque j’étais à 255 km/h, j’ai senti qu’il y avait encore de la marge. J’ai vraiment le feeling qu’on peut faire mieux. Après, pour réaliser un tel record, ça dépendra de la piste, de la nature. »

Loin d’être rassasié, Simon Billy se met même à rêver, timidement,

d’interdit. « Je me suis toujours empêché de penser aux Jeux olympiques, car je n’y ai jamais cru. Mais depuis deux ans, le dossier avance, on nous parle même de Milan Cortina, en2026… » En 1992, à Albertvill­e, Simon Billy avait à peine plus de deux mois. Il n’a donc pas de réel souvenir de son père, ouvreur de la descente de ski vitesse – « c’est- à- dire que son run ne comptait pas » -, lorsque la discipline était au programme des Jeux olympiques en tant que sport de démonstrat­ion.

Si le kilomètre lancé venait cette fois à être homologué commesport olympique, Simon Billy pourrait alors s’inscrire encore une fois dans les pas de son père. Enfin, avec une pointe de vitesse qui, pour lui, comptera bien au tableau d’affichage. « Je ne sais pas si ça arrivera aussi tôt, mais si j’ai la chance de faire des JOun jour, je serai super heureux. »

Quoi qu’il en soit, les prochaines années seront encore remplies de belles échéances pour le skieur le plus rapide du monde.

« Je me suis toujours empêché de penser aux Jeux olympiques »

SimonBilly enbref

Né le 5 décembre 1991.

2019 : première victoire à Vars. 2020-2021 : vainqueur du globe de cristal de ski de vitesse.

2022 : champion du monde de ski de vitesse.

2023 : champion du monde de ski de vitesse et recordman (255,5 km/h).

 ?? | PHOTO : LOUIS BILLY ?? Simon Billy détient le record du monde du ski de vitesse, depuis mercredi 22 mars et ses 255,5 km/h de pointe sur la piste de Vars (Hautes-Alpes).
| PHOTO : LOUIS BILLY Simon Billy détient le record du monde du ski de vitesse, depuis mercredi 22 mars et ses 255,5 km/h de pointe sur la piste de Vars (Hautes-Alpes).
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