Dimanche Ouest France (Vendee)

Jean, le centenaire, raconte et boit le champigny

Fondateur de lamaison des vins de Saumur, Jean Bellard, né en 1923, est le savoureux auteur d’un recueil à la gloire du saumur- champigny, pour passer le flambeau à la jeune génération de vignerons.

- Éric de GRANDMAISO­N.

Ce n’est pas à l’encre mais au jus de raisin du champigny que Jean Bellard a décidé d’écrire son recueil À la gloire demon vin, le champigny. C’est un message qu’il adresse à la jeune génération : ils sont aujourd’hui 83, recensés dans l’annuaire des vignerons du saumur- champigny, répartis dans neuf villages. Jean Bellard leur transmet ce qu’il a de plus cher, fort de son expérience de fondateur de lamaison des vins d’AnjouSaumu­r. Mais aussi de collaborat­eur au guide Hachette des vins.

« Je voulais que les vignerons sachent l’histoire de leur vin, explique l’auteur. Je crois aussi que la connaissan­ce du vin fait partie de la lutte antialcool­ique. Quand on connaît, on respecte. Et il vaut mieux éduquer qu’interdire. » Ce n’est pas un coup d’essai pour lui, qui a déjà signé, en 1998, Paroles de vignerons et de vigneronne­s de vins d’Anjou et de Saumur.

Vin des centenaire­s

Du haut de ses presque 100 ans, qu’il aura cette année, retraité dans la paisible rue du Clos- de- Bèze, à Montfort ( Maine- et- Loire), Jean Bellard impression­ne par sa vivacité, oeil vif et humour à fleur de lèvres. « Le vin conserve et fait des centenaire­s », lance- t- il en confessant « un verre de champigny le midi et le soir ». Faute pardonnée : Jean Bellard les déguste dans un moment quasi religieux. C’est toute sa vie.

Il cite à l’occasion Antoine Cristal, le vigneron du château de Parnay, au XIXe siècle, qui avait inscrit sur le fronton de sa demeure : « Honte à qui pourrait boire avec indifféren­ce les gouttes du vieux sang de la terre de France. » Et raconte que Rabelais n’était pas, en 1530, le dernier à vider des verres de champigny en composant des vers : « Je ne trouve en ma médecine / Simple, qui ne soit plus excellent / Que la noble plante de vigne / Dont ce bon vin claret provient. » On prête aussi au poète ces propos on ne peut plus clairs : « Beuvez toujours, vous ne mourrez jamais. »

À l’heure de passer le flambeau aux

génération­s suivantes, Jean Bellard souligne que « les jeunes vignerons aujourd’hui sont très doués. Ils ont de belles connaissan­ces techniques du vin, depuis qu’existent les lycées viticoles. Mais il existe aussi toute une culture autour du vin qu’ils ne connaissen­t pas forcément. » Alors il a plongé aux racines des vignes du campus ignis, la terre de feu, qui a donné ce nom de champigny. Une terre qui est ainsi nommée pour ses vins rouges flamboyant­s.

C’est là, entre les rangs de vignes du cabernet breton, que Jean Bellard a grandi, entre les céréales et le vin que produisait son père. « Jeme souviens, dans mon enfance, que les vignerons dansma commune ne faisaient que des vins hybrides. Et puis il y a eu le phylloxéra, un drame pour les vignerons. Un jour mon pèrem’a

dit : “Viens donc, j’ai fait du breton ! ” Ce vin, ça s’appelait le breton car on allait le chercher du côté de Nantes ou sur la presqu’île de Rhuys, à Saint- Gildas ( Morbihan), où les moines de Bourgueil possédaien­t une abbaye », raconte le vieux vigneron. Il faudra pourtant attendre le XXe siècle pour que le breton reçoive officielle­ment son nom de baptême de saumur- champigny.

Les trois frères

« Se passionner pour la terre qui est sous vos pieds, c’est d’une richesse inouïe, assure Jean Bellard. Dans ce terroir argilo- calcaire, le champigny est un vin très particulie­r, qui a beaucoup d’accointanc­es et de similitude­s avec le chinon et le bourgueil. Ces trois vins- là sont des frères et constituen­t les vins du val de Loire. »

Aujourd’hui, Jean Bellard est un homme heureux : il voit le champigny jouer dans la cour des grands, depuis son envol dans les années 1980. Le cépage a acquis toute sa place sur les meilleures tables avec une production de dix millions de bouteilles chaque année. Et son histoire est désormais gravée dans les mémoires par Jean Bellard.

À lagloirede­monvin, lechampign­y,

de Jean Bellard, éditions Les caves se rebiffent, 24 pages, gratuit, disponible auprès du Syndicat des producteur­s de saumur- champigny, 49, rue du Maréchal- Leclerc, à Saumur, tél 02 41 51 16 40.

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| PHOTO : SYNDICAT DES PRODUCTEUR­S DE SAUMUR-CHAMPIGNY Jean Bellard entouré de Philippe Vatan, vigneron à Dampierre-sur-Loire, et Amélie Neau, présidente du Syndicat des producteur­s.

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