Dimanche Ouest France (Vendee)

« Le bocage est dégradé et dépérissan­t »

Pour interpelle­r les politiques sur l’avenir des haies bocagères, très répandues dans l’Ouest et menacées, l’associatio­n Afac- agroforest­eries a envoyé son « Appel de la haie » jusqu’àMatignon.

- : Recueilli par

Entretien

Étienne Levavasseu­r, président d’Afac haies et bocage de Normandie.

Pourquoi avoir lancé cet appel ?

Il y a un constat d’urgence : on plante entre 3 500 et 4 000 km de linéaires de haies par an, mais on a toujours un solde négatif d’un peu plus de 11 000 km, qui disparaiss­ent dans le même temps. Le bocage, si on ne fait rien, va disparaîtr­e. Or, en plus de rendre une quantité incroyable de services écologique­s, on veut mettre en avant qu’en structuran­t une filière bois énergie, elle rendrait de grands services.

C’est-à-dire ?

Le bois énergie, qui n’était pas hyper rentable, l’est devenu. Face à la multiplica­tion des chaufferie­s à bois, nous avons plus de demandes en bois de haies que d’offres : on assiste donc à un pillage du bocage pour alimenter les grosses chaufferie­s bois des métropoles. Mais une haie, c’est une ressource durable. Vous la coupez

tous les dix ans, et elle se régénère. L’indépendan­ce énergétiqu­e ne sera viable que si on travaille dans une gestion durable de la haie.

Mais les haies appartienn­ent aux agriculteu­rs…

Les haies sont un bien privé, mais elles ont une utilité commune. Pour les agriculteu­rs, il faudrait créer des débouchés économique­s qui permettent de concilier un entretien durable des haies et une rémunérati­on. On pourrait envisager de créer un atelier bois, comme il existe des ateliers lait ou des ateliers viande.

Les haies peuvent amortir les effets du réchauffem­ent climatique ?

Quand nous aurons plus de trente jours à 30 °C dans l’Ouest, il y a des cultures que nous ne pourrons plus faire. Dans vingt ans, la plaine sera balayée par des vents chauds et le sol, avec les précipitat­ions de plus en plus violentes, va s’appauvrir et s’éroder… La haie favorise les microclima­ts pour des production­s maraîchère­s, retient la terre et protège du vent.

Rien n’est fait pour les haies dans l’Ouest ?

Si, surtout dans les trois régions les plus bocagères de France. On peut citer Breizh bocage en Bretagne, avec un gros budget de 25 millions d’euros sur six ans, ou la chambre d’agricultur­e de la Manche, qui ne plante pas loin de 50 km de haies ! Ou encore le programme Liger bocage et agroforest­erie en Pays de la Loire depuis 2021… Ça va dans le bon sens, mais ça ne va pas assez vite.

Que faudrait-il faire de plus ?

On a mis un gros accent sur les plantation­s, mais on a oublié qu’il faut valoriser et entretenir notre patrimoine bocager, mettre de l’argent pour structurer les filières. La réalité du bocage, en Normandie comme en Bretagne ou en Pays de la Loire, c’est qu’il est dégradé et dépérissan­t. On commence à voir des dents creuses, du lierre… Ce sont des haies vieillissa­ntes. Il faudrait financer de l’animation autour de l’existant, former les agriculteu­rs… C’est pour ça que nous avons interpellé Matignon et le ministère de l’Agricultur­e.

Pourquoi est-ce si urgent ?

Ça va être plus dur de faire pousser des haies avec nos printemps secs, nos étés chauds et nos automnes tardifs… Ce n’est pas irrémédiab­le, mais il faut s’y mettre maintenant.

Emmanuelle FRANÇOIS.

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| PHOTO : OUEST-FRANCE Une haie dégradée à côté de Flers, dans l’Orne.
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| PHOTO ARCHIVES OUEST-FRANCE Étienne Levavasseu­r.

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