Dimanche Ouest France (Vendee)

ÀNiort, desChamois en voie d’extinction

Plongés dans une crise sportive et extra- sportive, les Chamois Niortais doivent composer avec une direction dont le comporteme­nt et le management suscitent de nombreuses crispation­s.

- Textes : Mathéo GIRARD.

Niort file tout droit vers le National. Des résultats qui n’ont rien d’étonnant au regard du contexte tragicomiq­ue du club des Deux- Sèvres. Les Chamois attendent avec impatience la subvention annuelle de la municipali­té, qui s’élève à 200 000 €. Si certains se questionne­nt sur la capacité du club à présenter un budget décent en National pour la saison prochaine, Mikaël Hanouna, le directeur général, lui, n’est pas inquiet et rappelle que les comptes étaient positifs « en 2020-2021 et 2021-2022 ».

« Force est de constater qu’on essaie de gagner un Grand Prix de Formule 1 avec une Twingo », image Quentin Bernard, à propos de la lutte pour le maintien. Le joueur historique des Chamois (2008-2015), revenu cet hiver en provenance d’Auxerre pour filer un coup de main, poursuit : « C’est multifacto­riel. Sportiveme­nt, les bons choix n’ont pas été faits. En tant que salarié et amoureux du club, j’espère que si on redescend on se réunira tous pour parler, échanger sur le management, la façon de travailler au quotidien, le rapport avec les partenaire­s. »

« De base, il vendait des voitures

à Montpellie­r »

Intronisé au club comme directeur sportif avant d’en devenir propriétai­re en 2020, Mikaël Hanouna est particuliè­rement pointé du doigt. « De base, il vendait des voitures à Montpellie­r, c’était ça son travail, glisse un ancien collaborat­eur du club, sous couvert d’anonymat. Ce n’est absolument pas un chef d’entreprise. Ce n’est pas dans ses compétence­s. » À son arrivée, le propriétai­re de l’époque, Karim Fradin, justifie son arrivée comme le besoin urgent d’un « gars qui fait le sale boulot, quelqu’un capable de taper sur la mairie quand il le faut » , poursuit cette même source.

Le frère d’Eytan – un président dont la présence dans les Deux- Sèvres n’est qu’épisodique – est en conflit ouvert avec le maire Jérôme Baloge qui, sollicité, n’a pas souhaité nous répondre. Les causes sont multiples, mais le versement de la fameuse subvention est la plus importante en ce moment. Dans le budget du club, la somme de 200 000 € est très importante.

Le comporteme­nt du directeur général, de manière plus globale, interroge. « Il m’a proposé de venir prendre les rênes du club pendant une semaine, raconte Matthieu Grelaud, ancien détenteur d’une licence d’arbitre au club et très critique à l’égard d’Hanouna sur les réseaux sociaux. Je croyais que c’était une blague mais il était très sérieux. Il m’a même proposé d’être son conseiller pendant une semaine. »

Dans les bureaux des Chamois Niortais, c’est « une omerta » , glisse un ancien collaborat­eur du club. La loi du silence, jusque dans les médias, où les salariés n’osent pas prendre la parole par peur des représaill­es. « Tout le monde sait que Mikaël Hanouna est impulsif, il fait peur. Ils se disent : “Si j’ose parler, il peut péter un câble et me virer.” » Ses mots, notamment à l’égard des femmes, ne font par ailleurs pas rire tout le monde : « Il y a des remarques déplacées sur la gent féminine, nous dit- on. Desmots du type : “Celle- là, je me la ferais bien”, parfois même devant des collègues féminines. » Interrogé à ce sujet, le mis en cause botte en touche : « Je n’ai pas envie de commenter des bêtises pareilles. Ça ne m’intéresse pas. Je peux aussi aller voir votre ancienne copine, elle vamedire que vous êtes un con. »

« J’ai un contrat, il n’a qu’à le déchirer »

Après quarante ans au club, Jean Arselin ne fait plus partie du Conseil d’administra­tion de l’associatio­n en charge de la gestion du centre de formation et de l’école de foot. « L’associatio­n fonctionna­it grâce aux sponsors. Il n’y en a presque plus. Il (Hanouna) prétend qu’il n’y en a pas besoin. Sauf qu’aujourd’hui, on ne paie plus l’Urssaf. La situation est lamentable. Un club familial est en train de mourir et on est impuissant », regrette cet ancien bénévole historique. Outre la subvention municipale, M. Hanouna rappelle que la faillite de Mediapro a fait perdre 1,5 million d’euros de recettes annuelles de droits TV au club. Une somme très conséquent­e.

Il s’explique sur la diminution des partenaire­s : « Il y avait des contrats passés avec des sociétés, en échan

ge, on donnait des places au stade. Je vous donne un exemple : quand je suis arrivé au club, il y avait plus de photocopie­urs que d’employés. On a dû construire un nouveau modèle économique. »

Longtemps, de belles ventes générées par le club auront permis de faire rentrer de l’argent dans les caisses. Mais l’été dernier, le mercato a été raté et les valeurs marchandes se font rares. La direction peut se mordre les doigts d’avoir placardisé Yohan Cassubie, un élément très prometteur de l’effectif, pour son refus de prolonger.

« Tout le monde a été perdant cette saison, souffle son agent Sébastien Cagnet, parvenu à un accord cet hiver avec Bordeaux pour une arrivée cet été. J’avais ramené une offre de 700 000 € et un pourcentag­e à la revente de Famalicão ( un club au Portugal). C’était vraiment bien pour un joueur qui n’avait qu’une saison en Ligue 2. Il ( Hanou

na) n’a rien voulu entendre. Il ne répondait même plus au président d’en face au téléphone. »

Le DG a tenté de persuader son joueur d’étendre son bail en se séparant de son agent. En vain. En guise de réponse, Hanouna lance : « Qu’est- ce que j’en ai à foutre de Cassubie ? Il va signer à Bordeaux (il a déjà signé en réalité). Bravo, au revoir, terminé. Ce n’est pas un sujet pour moi. »

Quentin Bernard, de son côté, se pose des questions sur l’avenir : « Ce qui est dangereux dans un club, c’est quand les uns commencent à juger le travail des autres. Ce n’est pas à moi de dire si le président doit partir, je n’ai pas cette prétention. Mais quand il y a des choses qui me déplaisent, je suis obligé d’en parler. Ça a un peu chauffé entre nous. Si ce que je dis pour faire avancer le club ne lui plaît pas, j’ai un contrat, il n’a qu’à le déchirer. Si je dois être le bouclier pour les autres, au moins, je partirais avec mes valeurs. » Ambiance…

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PHOTO ARCHIVES PHILIPPE NAUDIN L’avenir des Chamois Niortais, ici en décembre 2022 contre Angers, est en suspens.

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