Dimanche Ouest France (Vendee)
Quand la classe se fait sur la plage ou dans les bois
Depuis la rentrée 2021, les onze enfants, âgés de 2 à 6 ans, de l’Écolebuissonnière de l’île de Ré (Charente- Maritime) ont classe en pleine nature, par tous les temps.
Anne- CharlotteRouxel- Oldrà,
réalisatrice de École dans la forêt, une révolution verte ?
D’où vient la « pédagogie par la nature » de cette école hors contrat de l’île de Ré, que vous avez suivie pendant l’année scolaire 20212022 ?
Le concept a été développé par Ella Flatau en 1952 au Danemark, où 20 % des maternelles fonctionnent aujourd’hui sur ce système. Le modèle a essaimé dans les années 1960 en Allemagne, qui en compte actuellement environ 2 000. Puis en Grande- Bretagne, à partir des années 1970. Il s’est moins développé dans le sud de l’Europe, où le rapport à la nature est différent. Or, beaucoup d’enfants ne sortent pas en extérieur de la semaine, ce qui provoque, constate l’Éducation nationale, des déficits visuels croissants, une perte d’équilibre, des performances cardio-vasculaires réduites.
Le Covid a-t-il accru l’intérêt pour ce modèle ?
Oui, les confinements lui ont donné un coup d’accélérateur en France, une trentaine d’écoles ont ouvert depuis 2020. Cofondatrice du Réseau français de pédagogie par la nature, Caroline Cartalas a mis près de dix ans pour
obtenir l’autorisation d’ouvrir l’École buissonnière sur l’île de Ré. Après la pandémie de Covid, l’Éducation nationale et les instances chargées de la petite enfance ont assoupli le cahier des charges de ces écoles hors contrat. Et les académies proposent désormais aux écoles « classiques » des outils pour promouvoir les séances en extérieur.
Comment fonctionne la classe ?
Le principe est d’être et d’apprendre dehors. Sauf tempête. Il n’y a pas de mauvais temps, juste des habits inadaptés ! Découvrir la nature, inter
agir avec elle, compter les marrons, goûter huîtres et salicorne, fabriquer des jeux à partir de la nature. Les parents appréhendaient le fait qu’ils soient toujours en extérieur. Ils ont finalement été convaincus par cette richesse extraordinaire. Il y a une bâche en cas de pluie, mais les enfants la quittent très vite !
Quels sont les atouts de cette pédagogie ?
Les écoliers développent une connaissance, un lien intime avec la nature et sauront certainement mieux la protéger. La pédagogie par la nature favorise aussi l’initiative et l’autonomie des enfants. L’idée est d’intégrer le programme à leurs jeux, leurs envies, car leur curiosité est naturelle. Cela leur donne confiance en eux. Les grands renforcent leurs connaissances en aidant les petits à progresser.
Quel a étélebilan à la fin de la première année scolaire ?
Les onze enfants de l’École buissonnière ont largement acquis le programme national. Ils ont une meilleure concentration. Les parents les ont trouvés plus apaisés et moins fatiguées que dans une école classique. Cette classe a un coût, entre 200 et 260 € par mois selon le quotient familial, notamment pour payer les salaires de la professeure des écoles et de l’éducatrice.
En ville, quel est lemodèle de ces écoles ?
Il y a plusieurs Forest Schools à Londres, par exemple. Il n’y a pas un, mais des modèles alternatifs, tout aussi inspirants, qui s’adaptent à l’environnement et à la culture du lieu. Plusieurs études, notamment en Angleterre, ont montré que les résultats de ces écoles étaient parmi les meilleurs du pays.
Propos recueillis par
Sonia LABESSE.
Public Sénat, 9h30 (suivid’undébat).