Dimanche Ouest France (Vendee)
Tinariwen emmène la country dans le désert
Le groupe touareg a enregistré son neuvième album dans une oasis. Des chants d’union et de résistance, avec la participation à distance demusiciens country américains.
Pionnier du blues du désert, de cet « assouf » à lamélancolie particulière, d’un style de guitare original qui a fait des émules, le groupe Tinariwen n’a pas à craindre de perdre son identité dans des collaborations.
La présence du producteur Daniel Lanois à la pedal steel, ce dérivé de la guitare aux sons glissants, typique de la musique américaine, pourrait être anachronique. Au contraire, l’atmosphère flottante et vibrante apportée par l’instrument renforce les moments climatiques de l’album.
De nouvelles nuances
L’intervention du banjoïste Wes Corbett sur le premier titre du disque est, elle aussi, atypique mais bizarrement pertinente, ses arpèges ultrarapides jouant avec les guitares à la fois percussives et nonchalantes d’Abdallah (Ag Alhousseni) et d’Ibrahim (Al Allahib), les leaders du collectif. Le violon ou les guitares en métal de Fats Kaplin, sur trois titres, apportent de nouvelles nuances, tout en restant en retrait.
Après avoir enregistré aux ÉtatsUnis (les albums Emmaar et Elwan de 2014 et 2017), les Touaregs invitent plus ouvertement l’americana dans leur musique et ils ne perdent rien.
Le neuvième album de Tinariwen aurait dû être enregistré à Nashville ( États- Unis), dans le studio de Jack White, grand admirateur du groupe. Le Covid en a décidé autrement. Le
groupe touareg s’est replié vers une oasis du parc national du Tassili, dans le sud de l’Algérie, où les Américains devaient les rejoindre.
Là encore, la pandémie a changé les plans. Tinariwen a bien enregistré dans un studio improvisé sous une tente, avec le matériel prêté par un autre grand groupe de blues du désert, Imarhan, mais les Américains ont contribué à distance, tout comme le percussionniste kabyle Amar Choui, qui a travaillé depuis Paris.
Le titre de l’album, Amatssou, signifie « Au- delà de la peur ». Et les chansons racontent autant l’unité que la résistance. Si la lutte pour l’indépendance est toujours dans ce groupe, né il y a quarante ans, d’hommes délaissant la kalachnikov pour la guitare, l’emprise des groupes islamistes dans ces territoires aux confins du Mali et de l’Algérie fait l’actualité. Les salafistes bannissent la musique, celle de Tinariwen est la plus vitale réponse à leur idéologie mortifère.
Au dernier morceau, les guitares se taisent, et c’est le chant et les percussions jouées par les femmes qui closent l’album. Un moment de convivialité traditionnelle capté sur l’instant. Comme pour nous faire regretter qu’il n’y ait, à l’heure actuelle, plus de femmes dans le noyau dur du groupe.
Wedge/Warp, 12 titres, 47 min.