Dimanche Ouest France (Vendee)

Tinariwen emmène la country dans le désert

Le groupe touareg a enregistré son neuvième album dans une oasis. Des chants d’union et de résistance, avec la participat­ion à distance demusicien­s country américains.

- Amatssou, Philippe RICHARD.

Pionnier du blues du désert, de cet « assouf » à lamélancol­ie particuliè­re, d’un style de guitare original qui a fait des émules, le groupe Tinariwen n’a pas à craindre de perdre son identité dans des collaborat­ions.

La présence du producteur Daniel Lanois à la pedal steel, ce dérivé de la guitare aux sons glissants, typique de la musique américaine, pourrait être anachroniq­ue. Au contraire, l’atmosphère flottante et vibrante apportée par l’instrument renforce les moments climatique­s de l’album.

De nouvelles nuances

L’interventi­on du banjoïste Wes Corbett sur le premier titre du disque est, elle aussi, atypique mais bizarremen­t pertinente, ses arpèges ultrarapid­es jouant avec les guitares à la fois percussive­s et nonchalant­es d’Abdallah (Ag Alhousseni) et d’Ibrahim (Al Allahib), les leaders du collectif. Le violon ou les guitares en métal de Fats Kaplin, sur trois titres, apportent de nouvelles nuances, tout en restant en retrait.

Après avoir enregistré aux ÉtatsUnis (les albums Emmaar et Elwan de 2014 et 2017), les Touaregs invitent plus ouvertemen­t l’americana dans leur musique et ils ne perdent rien.

Le neuvième album de Tinariwen aurait dû être enregistré à Nashville ( États- Unis), dans le studio de Jack White, grand admirateur du groupe. Le Covid en a décidé autrement. Le

groupe touareg s’est replié vers une oasis du parc national du Tassili, dans le sud de l’Algérie, où les Américains devaient les rejoindre.

Là encore, la pandémie a changé les plans. Tinariwen a bien enregistré dans un studio improvisé sous une tente, avec le matériel prêté par un autre grand groupe de blues du désert, Imarhan, mais les Américains ont contribué à distance, tout comme le percussion­niste kabyle Amar Choui, qui a travaillé depuis Paris.

Le titre de l’album, Amatssou, signifie « Au- delà de la peur ». Et les chansons racontent autant l’unité que la résistance. Si la lutte pour l’indépendan­ce est toujours dans ce groupe, né il y a quarante ans, d’hommes délaissant la kalachniko­v pour la guitare, l’emprise des groupes islamistes dans ces territoire­s aux confins du Mali et de l’Algérie fait l’actualité. Les salafistes bannissent la musique, celle de Tinariwen est la plus vitale réponse à leur idéologie mortifère.

Au dernier morceau, les guitares se taisent, et c’est le chant et les percussion­s jouées par les femmes qui closent l’album. Un moment de conviviali­té traditionn­elle capté sur l’instant. Comme pour nous faire regretter qu’il n’y ait, à l’heure actuelle, plus de femmes dans le noyau dur du groupe.

Wedge/Warp, 12 titres, 47 min.

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| PHOTO : DR Le groupe Tinariwen dans le désert algérien, où il a enregistré son nouvel album

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