Dimanche Ouest France (Vendee)

Il y a 10 ans, lesBleuets sur le toit dumonde

Coupe dumondeU20. En 2013, l’équipe de France des moins de 20 ans, avec notamment Pogba, Umtiti ou Areola, remportait le Mondial, en Turquie. Les acteurs de l’époque livrent leurs souvenirs.

- Pierre- Hakim OUGGOURNI.

« C’est un titre qui sera gravé à jamais » , sourit Yaya Sanogo, à l’autre bout du fil. Le longiligne buteur, qui évolue aujourd’hui au FC Urartu en Arménie, était l’avant- centre de l’équipe de France U20 championne du monde en 2013. À l’occasion du dixième anniversai­re de ce titre et du début de la 23e édition de la compétitio­n (20 mai – 11 juin), l’ancien joueur d’Arsenal s’y replonge avec plaisir.

Une décennie plus tard, l’émotion est toujours présente et les souvenirs n’ont pas pris une ride. « Ça fait partie des plus beaux moments de ma carrière » , pose Maxime Dupé, le gardien de Toulouse, récent vainqueur de la Coupe de France.

Le portier, doublure d’Alphonse Areola durant la compétitio­n, illustre parfaiteme­nt l’esprit de groupe qui régnait au sein de cette génération 1993. « C’est impossible de gagner une grande compétitio­n sans avoir un groupe sain, explique Dupé. Ça a été une de nos forces : on n’avait que des mecs avec une bonne mentalité. » « C’était la force collective qui primait » , abonde Sanogo.

Collectif, groupe… Ces termes reviennent inlassable­ment dans la bouche des acteurs du seul titre français dans l’histoire de cette compétitio­n. « L’équipe s’est formée au fur et à mesure, se souvient Pierre Mankowski, le sélectionn­eur. Dès lestage de préparatio­n, on sent qu’il y a des liens qui se nouent. »

« Le milieu de terrain Pogba, Kondogbia, Veretout était vraiment exceptionn­el »

Mais impossible de réduire ce sacre à une simple bande de potes heureuse d’évoluer ensemble. L’équipe de France U20, génération 1993, c’est surtout une flopée de talents, plus prometteur­s les uns que les autres. Parmi eux, Paul Pogba, déjà internatio­nal A, et capitaine de cette équipe. Le numéro 6 règne en maître dans l’entrejeu, avec ses deux compères Geoffrey Kondogbia et Jordan Veretout. « Le milieu était vraiment exceptionn­el, s’exclame Pierre Mankowski. Les trois étaient très complément­aires, très bons techniquem­ent, capables de défendre et de sortir rapidement. » Si Pogba, meilleur joueur du tournoi, et Kondogbia, meilleur passeur, prennent naturellem­ent la lumière, l’importance de Veretout n’est pas à relativise­r. « C’était un vrai travailleu­r, précise Maximé Dupé, à propos de celui qui a été formé avec lui au FC Nantes. J’avais vu une interview de Pierre Mankowski qui disait que sans Jordan, on n’aurait pas été champions du monde. Pourtant, c’était un de ceux dont on parlait le moins. »

Le reste de l’équipe est à l’image du milieu de terrain : fort, dominant, presque intimidant pour les adversaire­s. « Avant de débuter la compétitio­n,

on était sûrs de nos forces, se remémore Yaya Sanogo. On savait que le danger ne pouvait venir que de nous- mêmes. Tu as beau avoir une équipe talentueus­e, si les efforts ne sont pas faits ensemble, ça ne donnera rien du tout. »

L’attaquant, qui portait alors les couleurs d’Auxerre, était l’ultime maillon de la chaîne, alimenté par les ailiers Florian Thauvin et Jean- Christophe Bahebeck. Meilleur buteur français de la compétitio­n (4 buts), il n’a pas, pour autant, été le seul à briller offensivem­ent. Au total, en sept matches, huit Bleuets ont trouvé le chemin des filets. « On se fichait de savoir qui marquait, reconnaît- il. On voulait seulement gagner. Avec l’équipe qu’on avait, on se disait que ce n’était pas possible qu’on n’aille pas au bout. »

Mais malgré cette assurance et cette insoucianc­e propres à leur jeune âge, la route des Français vers le titre mondial n’a pas été de tout repos. Dans le groupe de l’Espagne, du Ghana et des États- Unis, les Bleuets terminent deuxièmes derrière la Rojita de Jesé Rodriguez, futur joueur du PSG, avec quatre points. Un début de parcours qui place la Turquie, pays organisate­ur, sur leur chemin dès les huitièmes de finale. « On appréhenda­it ce rendez- vous, contextual­ise Pierre Mankowski. On jouait dans un stade plus petit, dans une région éloignée d’Istanbul. On savait que le public serait à fond derrière eux.

C’était vraiment le traquenard. Au final, c’est un des matches qu’on a gagné le plus facilement. » Une victoire 4-1 avant un nouveau succès en quarts, face à l’Ouzbékista­n (4- 0), et la voie du dernier carré est ouverte pour Paul Pogba et sa troupe.

La prédiction de Didier Deschamps

L’occasion de retrouvail­les face au Ghana, que les Bleuets avaient croisé en poules. « C’est le match quim’a le plus marqué, estime Yaya Sanogo. Quand on avait affronté cette équipe lors de notre première rencontre, elle nous avait un peu regardés. Là, c’était totalement différent. Il faisait très chaud, ils étaient surmotivés. C’était un match physique, dense. » Les souvenirs sont les mêmes pour son sélectionn­eur. « On n’avait plus lamêmeéqui­pe en face de nous. On ne s’attendait pas à recevoir une telle opposition. » Deux buts de Florian Thauvin, un dans chaque période, envoient la génération 1993 en finale face à une sélection uruguayenn­e accrocheus­e, poussée en prolongati­on en quart de finale puis aux tirs au but en demi- finale.

Face aux Sud- Américains, quinze ans et un jour après le premier titre de champion du monde des A en 1998, les Bleuets tombent sur une défense de fer et un gardien inspiré. La solidité de l’Uruguay emmène les Français jusqu’à la séance de tirs au but. Sûrs de leur force, les hommes de Pierre Mankowski ne loupent pas l’opportunit­é : Paul Pogba, Axel Ngando et Jordan Veretout transforme­nt leur tentative tandis qu’Alphonse Areola repousse les deux premières frappes adverses. Dimitri Foulquier, alors latéral droit du Stade Rennais, ne tremble pas et inscrit le tir au but vainqueur, qui offre la Coupe du monde à l’équipe de France.

Un sacre loin de passer inaperçu, y compris au sommet de la pyramide du football français. « Didier Deschamps était venu nous voir pendant la compétitio­n, explique Yaya Sanogo. Il nous a dit que c’était la meilleure génération qu’il avait vue chez les jeunes et que, selon lui, pas mal des joueurs de ce groupe seraient à la Coupe du monde 2018. »

Sélectionn­eur depuis un an, DD avait vu juste. En Russie, il emmène six joueurs de la génération 1993, plus gros contingent de sa liste, dont quatre présents au Mondial U20 en Turquie cinq ans plus tôt. Au total, huit des 21 champions du monde des moins de 20 ans goûteront à la sélection A ( Pogba, Zouma, Umtiti, Areola, Kondogbia, Thauvin, Veretout, Digne). Des exemples à suivre pour la génération 2003, qui débute sa Coupe du monde lundi (20 h), face à la Corée du Sud.

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| PHOTO : AFP Paul Pogba (à droite) et les Français célèbrent leur titre de champion du monde U20.

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