Dimanche Ouest France (Vendee)

RaymondQue­neau raconte sa vie yonnaise en 1940

Unlieu, une histoire. Raymond Queneau a vécu en Vendée entre 1939 et 1940. L’écrivain, alors mobilisé, évoque dans son journal son quotidien à La Roche- sur-Yon, à l’aube de l’invasion allemande.

- Patrick GUYOMARD. (1) Raymond Queneau. Journal, 1939-1940, Gallimard 1986. Journaux, 1914-1965, Gallimard 1996.

Mobilisé en 1939, le célèbre romancier, poète, dramaturge Raymond Queneau a séjourné à La Roche- surYon, de mars à juin 1940, juste avant l’entrée des troupes allemandes en Vendée. « Entré deux ans plus tôt aux éditions Gallimard comme traducteur d’anglais, puis membre du Comité de lecture, il commence à se faire un nom dans lemilieu littéraire, mais pas encore auprès du grand public », note William Chevillon, médiateur culturel à La Roche- surYon.

Depuis 1914, Raymond Queneau consigne son quotidien dans son journal (1). Son expérience yonnaise y est relatée, tout comme sa première affectatio­n, en septembre 1939, au bureau d’un dépôt militaire de Fontenay- le- Comte. Il exprime qu’il s’ennuie ferme dans la cité du sudVendée. Il la quitte six mois plus tard, « avec indifféren­ce », écrit- il.

Le soldat de 37 ans débarque à la caserne de La Roche- sur-Yon, (actuelle cité administra­tive Travot), le 30 mars 1940. Il y passe une première mauvaise nuit pour cause de pro

blèmes respiratoi­res. « Étant asthmatiqu­e et myope, Raymond Queneau est affecté dans les bureaux, ce qui lui permet d’ailleurs de poursuivre ses activités littéraire­s, même si le contexte ne lui donne pas très envie d’écrire », indique William Chevillon.

L’auteur découvre une ville plus active que Fontenay. « Il sort davantage, côtoie un peu les notables du centre- ville. » Son quotidien est moins cafardeux, bien qu’il passe le plus clair de son temps au bureau. « Il travaille dans la transmissi­on des informatio­ns militaires. Il ne loge pas à la caserne, mais à l’hôtel avec son épouse Janine et son fils JeanMarie, âgé de six ans, qui viennent de le rejoindre. »

À l’époque, la vie à La Roche- surYon est presque exclusivem­ent concentrée dans le quartier du Pentagone, actuel centre- ville. « Raymond Queneau navigue entre la caserne, le cinéma de la rue Gouvion, et, dans une sorte de quête spirituell­e,

l’église Saint- Louis. Mais il explique clairement qu’il ne ressent pas grand- chose », rapporte William Chevillon. Il évoque quelques promenades avec ses camarades soldats, route des Sables, notamment du côté de l’abbaye des Fontenelle­s. Il est aussi marqué par sa visite d’une ferme misérable sur la route d’Aubigny.

« Adieu les Yonnais »

Le printemps 1940 s’éveille dans une sorte de torpeur. L’auteur parle de l’ambiance dans les cafés, des commentair­es de comptoir sur le conflit. « Il fait très chaud et sec. Les habitants sortent leurs tables et leurs chaises, et vivent dehors. » Le 5 juin, il écrit : « Il fait chaud et orageux. Le soir, les gens s’installent sur le trottoir, sous les fenêtres, et parlent dans la nuit. On se croirait en Espagne. » « Cette chaleur écrasante s’ajoute à l’angoissant contexte de guerre. »

Accessoire­ment, le soldatQuen­eau réalise des exercices d’alerte à la

caserne, de jour comme de nuit, et des exercices de tir… « Il commente l’actualité, écrit le 10 juin qu’il faut s’attendre à un bombardeme­nt de La Roche. Il faut dire que la déroute est en cours. Il rencontre des réfugiés », note William Chevillon.

Le 17 juin, le premier avion allemand traverse le ciel yonnais. Tout s’emballe. « Des gens pleurent. D’autres sont soulagés. » Le 19 juin, « on annonce que l’on doit résister sur place ». L’aérodrome des Ajoncs est bombardé le lendemain. Le 21 juin, La Roche- sur-Yon est déclarée ville ouverte. Les habitants fuient. « Nous montons sur Aizenay arrêter les colonnes allemandes », en vain. « La défense est terminée […] Adieu les Yonnais. »

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| PHOTO : COLLECTION AUGUSTE PECHEREAU Raymond Queneau évoque l'ambiance dans les cafés de La Roche-sur-Yon en 1940, comme ici, au café de la Paix situé rue Clemenceau. Le lieu servira plus tard de boîte aux lettres aux Résistants.
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| PHOTO : AFP Raymond Queneau en 1951.

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