Dimanche Ouest France (Vendee)
RaymondQueneau raconte sa vie yonnaise en 1940
Unlieu, une histoire. Raymond Queneau a vécu en Vendée entre 1939 et 1940. L’écrivain, alors mobilisé, évoque dans son journal son quotidien à La Roche- sur-Yon, à l’aube de l’invasion allemande.
Mobilisé en 1939, le célèbre romancier, poète, dramaturge Raymond Queneau a séjourné à La Roche- surYon, de mars à juin 1940, juste avant l’entrée des troupes allemandes en Vendée. « Entré deux ans plus tôt aux éditions Gallimard comme traducteur d’anglais, puis membre du Comité de lecture, il commence à se faire un nom dans lemilieu littéraire, mais pas encore auprès du grand public », note William Chevillon, médiateur culturel à La Roche- surYon.
Depuis 1914, Raymond Queneau consigne son quotidien dans son journal (1). Son expérience yonnaise y est relatée, tout comme sa première affectation, en septembre 1939, au bureau d’un dépôt militaire de Fontenay- le- Comte. Il exprime qu’il s’ennuie ferme dans la cité du sudVendée. Il la quitte six mois plus tard, « avec indifférence », écrit- il.
Le soldat de 37 ans débarque à la caserne de La Roche- sur-Yon, (actuelle cité administrative Travot), le 30 mars 1940. Il y passe une première mauvaise nuit pour cause de pro
blèmes respiratoires. « Étant asthmatique et myope, Raymond Queneau est affecté dans les bureaux, ce qui lui permet d’ailleurs de poursuivre ses activités littéraires, même si le contexte ne lui donne pas très envie d’écrire », indique William Chevillon.
L’auteur découvre une ville plus active que Fontenay. « Il sort davantage, côtoie un peu les notables du centre- ville. » Son quotidien est moins cafardeux, bien qu’il passe le plus clair de son temps au bureau. « Il travaille dans la transmission des informations militaires. Il ne loge pas à la caserne, mais à l’hôtel avec son épouse Janine et son fils JeanMarie, âgé de six ans, qui viennent de le rejoindre. »
À l’époque, la vie à La Roche- surYon est presque exclusivement concentrée dans le quartier du Pentagone, actuel centre- ville. « Raymond Queneau navigue entre la caserne, le cinéma de la rue Gouvion, et, dans une sorte de quête spirituelle,
l’église Saint- Louis. Mais il explique clairement qu’il ne ressent pas grand- chose », rapporte William Chevillon. Il évoque quelques promenades avec ses camarades soldats, route des Sables, notamment du côté de l’abbaye des Fontenelles. Il est aussi marqué par sa visite d’une ferme misérable sur la route d’Aubigny.
« Adieu les Yonnais »
Le printemps 1940 s’éveille dans une sorte de torpeur. L’auteur parle de l’ambiance dans les cafés, des commentaires de comptoir sur le conflit. « Il fait très chaud et sec. Les habitants sortent leurs tables et leurs chaises, et vivent dehors. » Le 5 juin, il écrit : « Il fait chaud et orageux. Le soir, les gens s’installent sur le trottoir, sous les fenêtres, et parlent dans la nuit. On se croirait en Espagne. » « Cette chaleur écrasante s’ajoute à l’angoissant contexte de guerre. »
Accessoirement, le soldatQueneau réalise des exercices d’alerte à la
caserne, de jour comme de nuit, et des exercices de tir… « Il commente l’actualité, écrit le 10 juin qu’il faut s’attendre à un bombardement de La Roche. Il faut dire que la déroute est en cours. Il rencontre des réfugiés », note William Chevillon.
Le 17 juin, le premier avion allemand traverse le ciel yonnais. Tout s’emballe. « Des gens pleurent. D’autres sont soulagés. » Le 19 juin, « on annonce que l’on doit résister sur place ». L’aérodrome des Ajoncs est bombardé le lendemain. Le 21 juin, La Roche- sur-Yon est déclarée ville ouverte. Les habitants fuient. « Nous montons sur Aizenay arrêter les colonnes allemandes », en vain. « La défense est terminée […] Adieu les Yonnais. »