L’Asie, un axe économique stratégique pour la Russie
Quels sont les programmes énergétiques majeurs de la Russie en Asie et quels en sont les enjeux pour Moscou ?
J. Vercueil : La partie asiatique de l’espace russe concentre l’essentiel des ressources en hydrocarbures du pays. C’est là que l’on trouve les gisements principaux : Vankor, Yamal, (Sibérie occidentale), Kovytka, Charyanda (Sibérie orientale) Sakhaline (Extrême-Orient). C’est donc dans cette immense région que se trouvent désormais la majeure partie de la production nationale et l’essentiel des possibilités futures, hormis l’Arctique. Le continent asiatique prend aussi une place grandissante dans le portefeuille de commandes de la Russie. Le Japon et la Corée du Sud sont d’excellents clients depuis longtemps et certaines de leurs entreprises ont investi dans le développement d’infrastructures dans la partie asiatique du pays. Plus récemment, les commandes énergétiques de la Chine sont rapidement montées en puissance.
Il faut donc acheminer les ressources vers ces marchés. Les grands programmes énergétiques russes sont développés dans le but de tirer parti de la conjonction entre ces nouvelles géographies de l’offre et de la demande. En résumé, il s’agit de faire pour le gaz ce qui a été fait pour le pétrole avec l’oléoduc ESPO ( East Siberia Pacific Ocean), mis en service en 2011 : connecter les gisements développés en Sibérie et en ExtrêmeOrient au marché asiatique. Le plus gros projet est un gazoduc de 3000 kilomètres appelé « Power of Siberia », destiné à honorer le contrat signé en mai 2014 avec la Chine portant sur l’acheminement de 38 milliards de mètres cubes de gaz par an sur 30 ans, à partir des gisements de Sibérie orientale. Le montant total des investissements est estimé à 55 milliards de dollars, qui comprennent le développement des gisements et celui des gazoducs. Les travaux ont commencé en septembre 2014, et doivent s’achever officiellement en 2019. Toutefois, alors que nous sommes bientôt à mi-parcours des délais prévus, à peine 16 % de la distance totale est couverte. Si la pose devait continuer à ce rythme, les premières exportations par gazoduc n’interviendraient pas avant 2028… La construction va sans doute s’accélérer, mais il ne faut pas s’attendre à une jonction opérationnelle avec la Chine avant 2021-2022.
Deux autres projets de gazoducs sont à l’étude. Le premier consiste à établir une liaison entre les réseaux et gisements sibériens déjà existants et la frontière chinoise occidentale en passant par les montagnes de l’Altaï, entre le Kazakhstan et la Mongolie. La longueur de ce deuxième tube, dit « de l’Altaï », est de 2600 km jusqu’à la frontière chinoise. La capacité envisagée de ce gazoduc est du même ordre que celle de « Power of Siberia » (60 milliards de mètres cubes par an). Un premier accord cadre a été signé en 2014, suivi d’un mémorandum en