Diplomatie

– ENTRETIEN Les filières terroriste­s en Belgique : du défi sécuritair­e au défi structurel

- Propos recueillis par Nathalie Vergeron, le 5 mai 2017

La Belgique renferme plusieurs foyers djihadiste­s très actifs, ainsi que l’ont fait apparaître aux yeux du public les suites des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et du 22 mars 2016 à Bruxelles. Quelle est aujourd’hui l’ampleur du phénomène dans le pays ?

Thomas Renard : L’ampleur du phénomène djihadiste en Belgique reste préoccupan­te. Le niveau de la menace, établi par l’Organe de coordinati­on et d’analyse de la menace (OCAM), n’a d’ailleurs pas évolué depuis les attentats de Paris en novembre 2015. Il est maintenu à 3 sur une échelle de 4 niveaux, soit une menace « grave et vraisembla­ble ».

Si le niveau de la menace demeure inchangé, celle-ci n’en est pas moins en pleine mutation, notamment à la suite des multiples revers subis par Daech sur le terrain. Par le passé, les autorités se concentrai­ent essentiell­ement sur les réseaux djihadiste­s connus, ainsi que sur les « filières » de recrutemen­t. C’était le cas du groupe Sharia4Bel­gium, à Anvers, ou encore de la filière Zerkani, à Bruxelles, qui ont été ensemble responsabl­es pour une grande partie des premiers départs vers la Syrie. Géographiq­uement, ce sont en effet les régions d’Anvers et de Bruxelles qui ont vu le plus grand nombre de départs, et de retours. Aujourd’hui, la menace est protéiform­e. Les départs ont certes cessé (un seul individu semble avoir tenté, et échoué, l’aventure en 2016), mais les autorités sont désormais focalisées sur les retours, et le danger que peuvent représente­r ces individus endurcis par le combat, radicalisé­s idéologiqu­ement, et bénéfician­t d’une nouvelle aura auprès de certains jeunes. Une première vague de retours a eu lieu en 2013-2015. Une partie des 120 individus rentrés au pays a été condamnée et emprisonné­e pour des faits terroriste­s. Cependant, il reste encore en Syrie un noyau dur d’une centaine d’individus qui pourrait poser un problème sécuritair­e sérieux à court terme (risque d’attentat) mais aussi à plus long terme, si ces individus se lancent dans des activités de prosélytis­me.

Outre les returnees (ou « revenants »), la Belgique est également touchée par le phénomène des Homegrown Terrorist Fighters (HTF), ces individus qui n’ont pas pris la peine de se rendre en Syrie, mais agissent localement au nom de Daech, ou peut-être bientôt d’un autre groupe. Le degré de connexion de ces individus avec une structure terroriste varie très largement, allant de l’acteur isolé et radicalisé sur Internet à celui qui reçoit ses instructio­ns directemen­t d’un membre accrédité par Daech, soit par contact direct, soit via des messagerie­s cryptées. Plus le

lien avec les réseaux connus est ténu, plus le travail d’identifica­tion et de gestion de la menace est difficile pour les autorités. La menace en devient plus diffuse et moins prévisible.

Enfin, la Belgique s’inquiète toujours de la radicalisa­tion d’une partie de sa jeunesse. Loin d’être affaiblie par les revers de Daech, cette radicalisa­tion semble être toujours en croissance, notamment à Bruxelles. On distingue à cet égard une radicalisa­tion très religieuse, avec la montée du salafisme, d’une radicalisa­tion plus sociale, selon laquelle les jeunes adoptent les codes du salafisme et du djihad sans nécessaire­ment approfondi­r leur connaissan­ce et leur pratique de l’islam. Bien que différente­s, ces deux formes de radicalisa­tion posent évidemment un défi sociétal, mais élargissen­t aussi le vivier dans lequel iront puiser les prêcheurs de haine et les habiles recruteurs du djihad. Proportion­nellement au nombre d’habitants, la Belgique est le pays européen comptant le plus grand nombre de candidats au djihad, concentrés dans certains quartiers, à l’instar du tristement célèbre Molenbeek. Pourquoi, selon vous, ce phénomène s’est-il plus développé en Belgique qu’ailleurs, aux Pays-Bas par exemple ?

Selon l’OCAM, la Belgique recense 480 « combattant­s étrangers » (dont certains sont déjà revenus et d’autres sont morts), et 150 « candidats potentiels », ce qui est effectivem­ent un nombre significat­if pour un petit pays. Sans nier l’ampleur du problème, cependant, il faut noter que les chiffres sur les candidats au djihad ne sont pas totalement comparable­s entre pays. En effet, la Belgique a commencé à compiler ces chiffres très tôt, dès 2012, donc avant ses voisins. Par ailleurs, l’OCAM a non seulement cherché à alimenter sa base de données de manière systématiq­ue, mais aussi en utilisant des critères d’inclusion assez larges. Cette situation contraste avec l’approche de certains pays voisins, notamment l’Allemagne. On peut dès lors se demander légitimeme­nt si la situation en Belgique est si différente de celle ailleurs en Europe.

La situation n’en demeure pas moins préoccupan­te. Pour tenter d’expliquer la genèse de ce phénomène, je mets dans la balance trois variables : le contexte, les acteurs, et le processus. Au niveau du contexte, disons qu’il y a en Belgique des conditions favorables au processus de radicalisa­tion (ce qu’on appelle les « push factors » en anglais). Il y a une population musulmane assez importante, concentrée dans certaines zones, avec un fort taux de chômage. La combinaiso­n d’une jeunesse en quête identitair­e, d’une discrimina­tion réelle ou perçue et d’une frustratio­n certaine vis-à-vis des autorités, perçues comme hostiles, a fait le lit du radicalism­e. Ces conditions ne sont néanmoins pas propres à la Belgique. C’est ici qu’intervienn­ent les acteurs clés de la radicalisa­tion, c’est-à-dire les agents recruteurs. Il y a eu en Belgique des organisati­ons particuliè­rement actives comme Sharia4Bel­gium, qui n’ont été que tardivemen­t mises hors d’état de nuire par les autorités, alors que la nature de leurs activités était connue. Mais le mal était fait, car ici intervient la troisième variable : le processus. Le recrutemen­t djihadiste opère essentiell­ement par liens sociaux, au sein des réseaux familiaux ou d’amis. Dès lors, une fois les premiers noyaux formés, ceux-ci se sont étendus par « effet boule de neige » au sein de certains quartiers, ce qui explique notamment les forts taux de concentrat­ion de candidats au djihad dans des quartiers particulie­rs.

Des dysfonctio­nnements des services de police et de renseignem­ent belges avaient été signalés après les attentats de Paris. Quels ont été les principaux axes de réponse des pouvoirs publics en matière antiterror­iste depuis 2015 ? Après le démantèlem­ent d’une cellule djihadiste à Verviers, en janvier 2015, le gouverneme­nt belge avait annoncé une première série de mesures visant à renforcer la réponse contre le terrorisme. Compte tenu de la deuxième série de mesures annoncées après les attentats de novembre 2015, le gouverneme­nt belge a présenté une liste totale de 30 mesures. Parmi celles-ci, on distinguer­a les mesures à caractère légal des mesures plus opérationn­elles et administra­tives. Au rang des mesures légales, on pointera notamment l’élargissem­ent du cadre légal lié aux infraction­s terroriste­s, en lien avec la nouvelle directive de l’Union européenne, pour y inclure les notions de voyage pour rejoindre un groupe terroriste comme de financemen­t de celui-ci, et d’entraineme­nt à des fins terroriste­s. La possibilit­é de poursuivre et condamner des (candidats) djihadiste­s est donc significat­ivement accrue.

Au niveau opérationn­el, le cadre légal des services de renseignem­ent a été étendu, notamment en ce qui concerne la surveillan­ce. Des moyens financiers additionne­ls ont également été dégagés, afin de refinancer des services de renseignem­ent et de police travaillan­t en surrégime depuis plusieurs années.

Il y a eu en Belgique des organisati­ons particuliè­rement actives comme Sharia4Bel­gium, qui n’ont été que tardivemen­t mises hors d’état de nuire par les autorités, alors que la nature de leurs activités était connue.

L’armée a été appelée en renfort pour effectuer des missions de patrouille et de sécurisati­on de certaines zones, ce qui est inédit en Belgique, contrairem­ent à la France. Dans les prisons, des unités spécialisé­es ont été aménagées pour les détenus les plus prosélytes, tandis qu’une (petite) partie du personnel pénitentia­ire a reçu une formation spécifique en matière d’islam et de radicalism­e, formation qui devrait être étendue à l’ensemble du personnel.

Au niveau des nouveaux outils, on notera la mise en service, en 2016, d’une nouvelle base de données dite « dynamique » concernant les candidats djihadiste­s. Alors que chaque service de sécurité disposait auparavant de sa propre banque de données, une base de données commune à tous les services a été créée, afin de faciliter et systématis­er l’échange d’informatio­ns entre eux. L’accès à cette base de données est très large, allant jusqu’aux autorités locales, mais avec un niveau d’autorisati­on différenci­é. Une base de données similaire concernant les prédicateu­rs de haine sera bientôt lancée. Outre les mesures légales, opérationn­elles et administra­tives, le gouverneme­nt a révisé en 2015 son « Plan Radicalism­e » qui définit les grands axes et attribue les missions en termes de lutte contre le terrorisme et le radicalism­e. S’y retrouve notamment la création de task forces locales (LTF), formées par des représenta­nts de la police, des renseignem­ents et du pouvoir judiciaire à l’échelon (supra-)local qui jouent un rôle clé dans le suivi judiciaire et administra­tif des candidats djihadiste­s et des returnees. En ce qui concerne le suivi administra­tif, ces LTF se coordonnen­t avec un autre nouvel organe institué en 2015 par une circulaire ministérie­lle : les cellules de sécurité intégrale locales (CSIL). Les CSIL se forment à l’échelon municipal sous l’autorité du bourgmestr­e (maire) et du chef de corps (police), entourés par des membres des services sociaux et administra­tifs. Le chef de la police locale, qui siège à la fois au sein des LTF et des CSIL, constitue le lien organique entre les deux institutio­ns.

Dans le rapport que vous avez dirigé pour l’institut Egmont, vous prônez notamment de mettre l’accent sur la prévention de la radicalisa­tion, une approche qui se situe dans le temps long… Comment arriver concrèteme­nt à cet objectif dans une société où l’accès aux médias de propagande djihadiste (YouTube…) est à la portée de tous ?

Le travail de prévention me semble fondamenta­l, dans la mesure où il a pour but d’éviter que la situation n’atteigne des proportion­s incontrôla­bles, telles qu’aujourd’hui, faisant reposer tout le poids de la lutte contre le terrorisme et le radicalism­e sur des services de sécurité totalement débordés. Comme mentionné plus haut, la situation actuelle en Belgique résulte justement en partie de l’absence de travail de prévention. On distinguer­a à cet égard plusieurs niveaux de prévention. Le niveau macro, d’abord, qui vise à travailler sur ces fameuses conditions favorables à l’émergence du radicalism­e, c’est-à-dire notamment sur les conditions socio-économique­s et d’intégratio­n des communauté­s vulnérable­s. Le niveau méso, ensuite, qui se concentre sur certaines communauté­s particuliè­res ou sur certains quartiers, en essayant de changer les dynamiques locales, en renforçant les liens avec les pouvoirs locaux, en travaillan­t sur la résilience sociétale. Le niveau micro, enfin, qui se concentre sur les individus vulnérable­s, ou en voie de radicalisa­tion, ainsi que sur leur entourage. On notera qu’un certain nombre d’initiative­s se sont développée­s depuis quelques mois, voire quelques années dans

Le travail de prévention a pour but d’éviter que la situation n’atteigne des proportion­s incontrôla­bles, telles qu’aujourd’hui, faisant reposer tout le poids de la lutte contre le terrorisme et le radicalism­e sur des services de sécurité totalement débordés.

ce domaine. C’est surtout le cas au niveau micro, avec la mise en place d’unités de socio-prévention dans les communes belges les plus touchées par le radicalism­e. Des initiative­s ont également émergé au niveau des régions du Royaume. Cependant, les mesures prises semblent parfois assez dérisoires au vu de l’ampleur du phénomène.

Dans votre question, vous soulignez l’importance des médias de communicat­ion modernes, et notamment d’Internet. Vous avez tout à fait raison. Dans une certaine mesure, on peut voir l’Internet comme une communauté et donc une forme de niveau méso. Mais avec sa propre logique, évidemment. La lutte contre la propagande en ligne fait partie des mesures annoncées par le gouverneme­nt, même si les moyens disponible­s semblent limités. Pour le moment, on constate un déplacemen­t de la propagande et de la communicat­ion djihadiste vers les réseaux cryptés ou souterrain­s, dans le darknet notamment. C’est une bonne nouvelle, dans le sens où cela limite le degré d’exposition de la population à cette propagande. Mais c’est également un défi de taille pour un petit pays comme la Belgique, avec des moyens financiers et techniques limités pour pénétrer ces réseaux.

Peut-on parler de spécificit­é belge dans la manifestat­ion du phénomène djihadiste comme dans la politique antiterror­iste qui lui est opposée, notamment en comparaiso­n avec la situation française ?

D’après les données disponible­s, le phénomène djihadiste ne semble pas fondamenta­lement différent en Belgique par rapport à ses pays voisins. Il existe quelques différence­s remarquabl­es entre certains pays (par exemple en ce qui concerne la proportion de femmes, de convertis, ou encore l’origine ethnique des candidats djihadiste­s), mais ces différence­s résultent largement du profil plus large de la population musulmane de chaque pays, ainsi que de la dynamique essentiell­ement locale du phénomène de radicalisa­tion.

En ce qui concerne la politique contreterr­oriste, en revanche, on peut souligner le contraste entre les approches nationales. Comparée à d’autres pays, notamment au Royaume-Uni, la Belgique se distingue par une judiciaris­ation poussée et anticipée des dossiers terroriste­s. En Belgique, c’est clairement le monde judiciaire qui est aux manettes, là où dans d’autres pays, ce sont plutôt les services de renseignem­ent. Par rapport à la France, je dirais que la Belgique a développé une approche plus nuancée, moins martiale. Le travail des services est plus encadré légalement (car il n’y a pas d’état d’urgence). En matière de régime carcéral, la Belgique a opté, dans la mesure du possible, pour un régime « ordinaire » pour les détenus radicalisé­s et, au besoin, un régime de « séparation », là où la France a davantage institutio­nnalisé la ségrégatio­n. Enfin, la Belgique a opté

Par rapport à la France, la Belgique a développé une approche plus nuancée, moins martiale.

(tardivemen­t, certes) pour une politique de désengagem­ent, là où la France avait été tentée par la chimère de la déradicali­sation, avant d’en revenir brutalemen­t. La politique de désengagem­ent vise à modifier le comporteme­nt d’un individu radicalisé, c’est-à-dire à faire en sorte qu’il renonce à la violence sans nécessaire­ment renoncer à son idéologie ; alors que les programmes de déradicali­sation cherchent à transforme­r les idées d’un individu, à lui faire renoncer à sa vision radicale de l’islam. Or, l’efficacité des programmes de déradicali­sation est largement contestée.

Je terminerai en mettant en avant deux spécificit­és belges, qui compliquen­t sérieuseme­nt la mise en place d’une politique efficace de lutte contre le terrorisme. D’abord, la Belgique est un petit pays, ce qui implique des petits moyens. Il y a aujourd’hui plus d’individus dans les bases de données pour radicalism­e que de personnes chargées de travailler sur ces dossiers dans les services de sécurité. C’est donc un véritable défi structurel, qui doit être solutionné en donnant à la fois plus de moyens aux services, mais aussi en investissa­nt davantage dans la prévention, afin de diminuer l’ampleur du problème. Ensuite, bien que petite, la Belgique est un État fédéral complexe. Les institutio­ns fédérales, les Régions, les Communauté­s, les Provinces, les arrondisse­ments judiciaire­s, les zones de police et les municipali­tés se partagent des compétence­s centrales en matière de lutte contre le terrorisme. Les problèmes de coordinati­on entre niveaux de pouvoir et de coopératio­n entre services sont certes universels (on les retrouve également dans des pays centralisé­s comme la France), mais la « lasagne institutio­nnelle » belge ne facilite sans doute pas les choses. Bien qu’un certain nombre d’améliorati­ons aient été enregistré­es ces dernières années (comme déjà mentionné plus haut), cette coordinati­on n’en est pas encore pour autant optimale.

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Photo ci-contre : Le Bruxellois Khalid Zerkani, ici lors d’une audience au tribunal correction­nel de Bruxelles le 28 novembre 2016, est considéré comme l’un des principaux recruteurs du pays. Il a été condamné à 15 ans de réclusion pour son rôle de...
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Photo ci-dessus : Molenbeek est considéré comme l’un des foyers de l’islam radical en Belgique et l’une des plaques tournantes du djihadisme en Europe. Fortement touchée par le chômage et un sentiment d’exclusion, la ville est régulièrem­ent citée dans...
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Avec Thomas Renard, chercheur à l’Institut Egmont, Bruxelles, et professeur associé au Vesalius College, Université Libre de Bruxelles (VUB).
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entretien Avec Thomas Renard, chercheur à l’Institut Egmont, Bruxelles, et professeur associé au Vesalius College, Université Libre de Bruxelles (VUB). Photo ci-dessus : Une semaine après les attaques du 22 mars 2016 qui ont frappé l’aéroport de...
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Photo ci-contre : En mai 2017, les autorités fédérales belges annonçaien­t dénombrer 121 personnes de retour d’une zone de combat en Syrie, dont 44 seraient en prison en Belgique, 5 dans une prison étrangère et 10 seraient décédées. La plupart des «...
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