Diplomatie

– ANALYSE Au sultanat d’Oman, de nouveaux défis pour une fin de règne

- Marc Lavergne

Mascate jouit depuis des décennies d’une réputation enviable, celle d’un pays discret et stable, bénéfician­t d’une relative aisance, sous la férule bienveilla­nte d’un despote éclairé. Mais à l’image de son souverain affaibli par l’âge et la maladie, cet ilot de paix voit son équilibre mis à l’épreuve par l’émergence de difficulté­s économique­s et par les conflits régionaux.

Pour l’observateu­r qui parcourt depuis plusieurs décennies les villes de la côte et les oasis de l’intérieur, jusqu’aux villages des étroites vallées montagnard­es, la modernisat­ion a été maitrisée : on est ici aux antipodes de la course effrénée de Dubaï ou de la majesté imposante d’Abou Dhabi. Pourtant, le temps s’accélère désormais, et les signes de changement se multiplien­t : Mascate, la capitale, et son agglomérat­ion rassemblen­t près de la moitié des 4,5 millions d’habitants du pays et s’étendent sur plus de 40 km le long du golfe d’Oman. Les embouteill­ages du week-end engorgent les autoroutes et les voies rapides qui la relient au reste du pays. Mais le développem­ent ne s’arrête pas là.

Certes, Oman demeure le « parent pauvre » des monarchies du Golfe, ses ressources en hydrocarbu­res étant (relativeme­nt) modestes : il produit environ un million de barils de pétrole par jour et 30 milliards de m3 de gaz naturel par an, avec des réserves estimées à 5,5 milliards de barils (1) et 700 milliards de m3 de gaz naturel.

Mais de grands complexes industriel­s ont pu être construits grâce aux recettes du pétrole et du gaz : zone industriel­le de

Rusayl, usines de liquéfacti­on du gaz, de transforma­tion du cuivre et de l’aluminium destinés à l’exportatio­n, à Sour et à Sohar sur la côte nord, ports en eau profonde de Duqm et de Salalah, face à l’océan Indien, tourisme haut de gamme sur les rivages inviolés du Nord et sous le climat estival tempéré par la mousson au Dhofar (dans le Sud). Les moins de 25 ans représente­nt plus de la moitié de la population omanaise et sont instruits, garçons et filles, jusqu’à l’université, dans le cadre d’un État-providence mis en oeuvre grâce à la présence de travailleu­rs immigrés venus du sous-continent indien, qui représente­nt plus du quart de la population (2).

La nation omanaise, produit d’une géographie et d’une histoire complexes

Oman est la seule véritable « nation » de la région, avec le Yémen : une histoire millénaire, une ouverture maritime précoce au monde extérieur, mais aussi une dualité entre mer et montagne, une prévalence de la structure tribale, et une adhésion à des versions sui generis de l’islam. La dynastie des Al Said y règne sans discontinu­er depuis le milieu du XVIIIe siècle, depuis qu’elle a débarrassé le pays des tutelles concurrent­es des Perses et des Portugais. Le père du sultan actuel a quant à lui unifié le « sultanat de Mascate et d’Oman », après être venu à bout, avec l’aide britanniqu­e, des guerriers de l’imam retranchés dans le massif du Djebel Akhdar (au nord), dans les années 1950. Puis son fils a réduit les rebelles marxistes-léninistes du Dhofar (au sud, à la frontière avec le Yémen) dans les années 1970… Autant dire que l’Oman a été de longue date aux prises avec des visées impérialis­tes, pour le contrôle des routes maritimes et commercial­es du Golfe et de l’océan Indien, puis des ressources pétrolière­s, d’abord entre Américains et Britanniqu­es, puis entre l’Occident et le bloc communiste. Ainsi, nul n’ignore dans la région la riche histoire des Omanais, fondateurs d’un vaste empire maritime qui s’étendait du golfe Persique jusqu’à la pointe de l’Afrique, avec des ramificati­ons terrestres jusqu’aux Grands Lacs. Empire qui déplaça même, au XIXe siècle, sa capitale à Zanzibar, pour mieux contrôler et protéger ses routes commercial­es de la menace britanniqu­e. L’identité omanaise est donc marquée par la diversité de ses composante­s et par son ouverture extérieure, qui la distinguen­t des monarchies voisines de la péninsule Arabique : les montagnard­s ibadites du Djebel Akhdar y côtoient les marinspêch­eurs,

Oman est la seule véritable « nation » de la région, avec le Yémen : une histoire millénaire, une ouverture maritime précoce au monde extérieur, mais aussi une dualité entre mer et montagne, une prévalence de la structure tribale, et une adhésion à des versions sui generis de l’islam.

les navigateur­s au long cours et les commerçant­s des côtes, souvent de souche iranienne chiite ou baloutche sunnite, les Bédouins sunnites du vaste désert intérieur, tout comme les montagnard­s du Dhofar attachés à leurs antiques langues sud-arabiques, alors que sur la côte, l’héritage africain est toujours présent, à travers les métissages et la présence des rapatriés au lendemain des indépendan­ces.

Certes, l’Oman est un pays arabe et musulman. Jusqu’à l’arrivée des Britanniqu­es à l’orée du XIXe siècle, il contrôlait même ce qui est devenu la fédération des Émirats Arabes Unis : cette « Côte des Pirates » devint alors le « Trucial Oman », l’Oman de la Trêve. Il reste aujourd’hui encore des vestiges de cette allégeance des ancêtres des émirs actuels au sultan de Mascate : ainsi, la minuscule enclave omanaise de Madha, dans les monts Hadjar dominant le golfe d’Oman, et, surtout, la presqu’ile majestueus­e de Moussandam qui surplombe le détroit d’Ormuz. Mais dans l’intérieur, le désert du Roub al Khali a toujours formé une barrière protectric­e face aux incursions des Bédouins du coeur de la péninsule. Par ailleurs, les razzias des Ikhwan wahhabites (3) n’ont pas été oubliées, et la « question de Bouraimi », un chapelet d’oasis disputées entre l’Arabie et Oman, aujourd’hui partagées entre Oman et Abou Dhabi, n’a pu être réglée définitive­ment qu’en 1957 par la Cour internatio­nale de Justice (4).

Oman, par son histoire et sa culture, est aussi lié à la rive nord du golfe Persique (5) et de la mer d’Oman : jusqu’en 1959, il possédait le port de Gwadar, la porte du Baloutchis­tan, qui fut alors rétrocédé au Pakistan. Une part importante de la population urbaine d’Oman est donc d’origine baloutche, et en a conservé la langue, les coutumes et les patronymes. Oman connait aujourd’hui une immigratio­n clandestin­e massive de jeunes Pakistanai­s, Afghans et Iraniens, qui débarquent sur ses plages pour tenter de gagner l’eldorado des Émirats ou de l’Arabie.

Si Oman est un pays musulman, l’islamisati­on par Amr ibn alAs dès le temps du Prophète s’est faite dans le sang et les Omanais saisirent la première occasion de se détacher de la tendance dominante de l’islam pour embrasser l’ibadisme, bien avant le grand schisme entre sunnites et chiites : comme bien des communauté­s montagnard­es ou rurales du monde arabe, la population villageois­e des fonds de vallées reculées de la montagne ne pouvait pas se soumettre à une religion formatée pour les commerçant­s de La Mecque et de Médine. Elle a ainsi, comme les zaydites du Yémen, préservé ses coutumes et son mode de fonctionne­ment collectif, dont les piliers sont ici l’ijma’ et le ta’âqd (le consensus et le contrat) et la choura (la consultati­on) pratiqués de toute éternité par ces groupes égalitaire­s et érigés en philosophi­e du pouvoir par le sultan actuel. Aujourd’hui pourtant, un clivage se creuse entre les tenants de l’ibadisme, qui se sentent dépositair­es de l’identité historique du sultanat et constituen­t la moitié de la population, et les sunnites, un peu moins nombreux, la différence étant constituée par la minorité chiite des ports. Mais ces crispation­s ethno-religieuse­s ne sont que l’expression des différence­s d’accès à la pleine « omanité » : celle-ci se décline de façon descendant­e à partir des tribus les plus respectées, jusqu’à la citoyennet­é parfois contestée des originaire­s du Baloutchis­tan et des rapatriés d’Afrique de l’Est. Elles sont par ailleurs exacerbées aujourd’hui sous l’effet des difficulté­s économique­s.

Une monarchie absolue aux prises avec la récession économique

Le sultan Qabous, qui règne sans partage depuis 1970, a judicieuse­ment utilisé les modestes ressources pétrolière­s et gazières du pays, qui fournissen­t 84 % des ressources budgétaire­s, pour donner à chaque Omanais l’accès à l’éducation et à la santé, à un logement et à un emploi, tout en maintenant les liens tribaux et familiaux.

Mais la diversific­ation économique et la politique d’omanisatio­n des emplois n’ont pas donné les fruits attendus. La maind’oeuvre omanaise reste peu qualifiée et surtout peu motivée, et nécessaire­ment plus couteuse et moins docile que la maind’oeuvre en provenance du sous-continent indien, qui représente 45 % de la population totale, mais 60 % de la population active. Le chômage ne peut plus être absorbé par les emplois publics, largement fictifs, alors que le taux d’accroissem­ent naturel reste élevé (32,8 pour mille en 2016) et que la population se concentre dans le « Grand Mascate » et les chefs-lieux de province. Les jeunes cherchent désormais du travail dans les pays « frères » plus riches du Golfe, où ils affrontent la concurrenc­e humiliante des originaire­s du sous-continent indien.

Le lointain écho des printemps arabes

Ces frustratio­ns ont pris un tour politique à l’occasion des printemps arabes. Les manifestat­ions qui eurent lieu à Sohar, la grande cité industriel­le de la Batinah (région côtière du Nord), violentes même si elles ne firent qu’une victime, furent un coup de semonce qui a été entendu. Les salaires ont immédiatem­ent été augmentés, accompagné­s d’autres mesures sociales. Mais la magie du Sultan n’opère plus sur cette jeunesse qui rêve des lumières de la ville, c’est-à-dire de Dubaï. Ces mesures ponctuelle­s n’apportent pas de solution durable et ne peuvent faire oublier l’usure d’un système politique suranné. Derrière une fiction de participat­ion populaire largement mise en scène, le pays est dirigé par une étroite élite, inamovible, autour du Sultan. En dépit d’un culte de la personnali­té omniprésen­t, à travers le portrait affiché dans tous les lieux publics et privés, et dans la dénominati­on de multiples sites et édifices (l’université, le port, la grande mosquée…), la personnali­té du Sultan est celle d’un homme équilibré, réfléchi, qui tranche sur nombre de dirigeants arabes de sa génération, comme Mouammar el Kadhafi ou Saddam Hussein. En cela, le souverain incarne parfaiteme­nt la réputation de son pays, tout à la fois affirmée et discrète. Mais l’institutio­nnalisatio­n du pouvoir apparait aujourd’hui très déficiente. C’est une source d’inquiétude pour l’avenir, alors que le souverain fêtera en octobre prochain ses 77 ans, sans successeur désigné. La question de la succession est d’autant plus préoccupan­te pour l’avenir de l’Oman, pour ses alliés et voisins comme pour son peuple, que le Sultan a toujours dédaigné de se marier et de laisser une descendanc­e : une preuve de son obstinatio­n à vivre selon ses conviction­s, quitte à bousculer préjugés et tabous. Un Conseil de la famille royale est chargé de choisir son successeur au sein de la famille, et en cas d’échec au bout de trois jours, ce rôle sera transféré au Conseil de défense (6). Mais à ce jour, personne n’a été associé aux affaires du pays.

Si Oman est un pays musulman, l’islamisati­on par Amr ibn al-As dès le temps du Prophète s’est faite dans le sang et les Omanais saisirent la première occasion de se détacher de la tendance dominante de l’islam pour embrasser l’ibadisme.

Un système politique figé face aux tensions sociales grandissan­tes...

Une Loi fondamenta­le n’a été promulguée qu’en 1996, puis modifiée en 2011 par décret royal. Le souverain y est en même temps Premier ministre, et fait fonction de ministre de la Défense et de l’Économie. Cette autocratie n’est qu’à peine tempérée par les hauts personnage­s qui l’entourent, aussi fidèles qu’inamovible­s à l’instar du ministre des Affaires étrangères, Youssef bin Alawi bin Abdullah, et par les deux assemblées chargées de faire le lien avec la population : le Conseil de l’État ( majlis ed dawla) se compose de 85 membres nommés par le sultan, tandis que le Conseil Consultati­f ( majlis ech-Choura), institué en 1991, comprend également 85 membres, seule institutio­n élue par les citoyens, pour 4 ans renouvelab­les (7). Mais les partis politiques sont interdits, et ces assemblées ne permettent pas de débat contradict­oire autour des options qui s’offrent au pays ou sur la solution à apporter aux difficulté­s rencontrée­s. Aujourd’hui, ce système paternalis­te a atteint ses limites et ne répond plus aux attentes de la population ni aux défis de l’heure. Les difficulté­s économique­s, tout comme la situation régionale périlleuse, imposent de laisser à la population d’exercer un droit de regard sur les affaires de l’État. La rente ne suffit plus à assurer le maintien du niveau de vie d’une population largement oisive. Or la corruption, liée au mode de développem­ent choisi (par de grands projets dont la réalisatio­n est confiée à des compagnies étrangères) et à la concentrat­ion de la richesse entre quelques mains, dont celles du sultan lui-même, ainsi que certaines dépenses somptuaire­s, comme la constructi­on de la gigantesqu­e mosquée Sultan Qabous, peuvent être l’objet de critiques de moins en moins voilées. De plus, les dépenses militaires atteignent 13 % du PIB, contre 5 % seulement pour l’éducation, et cette proportion ne semble pas destinée à se réduire, au vu de la croissance des menaces externes qui pèsent sur le sultanat.

Une course de vitesse est donc ouverte entre ceux qui, dans l’appareil d’État, sont conscients des enjeux et souhaitent faire évoluer le système, et l’impatience de la jeunesse comme d’une part croissante de la population.

Dans l’oeil du cyclone, entre des nationalis­mes rivaux sous la bannière de l’islam radical

Ces difficulté­s d’ordre interne ne peuvent que rejaillir sur la position de l’Oman sur la scène diplomatiq­ue régionale et internatio­nale. Or on sait à quel point celle-ci est délicate : le voisinage immédiat du sultanat est en état de guerre ouverte ou larvée, et l’Oman est sommé de façon de plus en plus comminatoi­re de prendre parti dans ces disputes, ce qu’il a toujours voulu éviter. La politique étrangère de l’Oman repose sur les mêmes préceptes que ses relations sociales : la choura, le ta’âqd et l’ijma’. C’est-à-dire que la concertati­on, le dialogue, la recherche de solutions pacifiques et mutuelleme­nt profitable­s sont toujours privilégié­s. L’Oman n’exprime aucune agressivit­é à l’égard de ses voisins, et il est souvent sollicité pour jouer le rôle de facilitate­ur ou de médiateur dans leurs querelles, rôle classique de la tierce partie qui est un élément fondamenta­l de régulation de la vie des tribus bédouines.

Les relations avec l’Arabie saoudite sont traditionn­ellement les plus problémati­ques, dans la mesure où les wahhabites n’ont que répulsion et mépris pour l’ibadisme hérétique et les paysans montagnard­s qui y adhèrent : ils ont tenté, depuis le début du XXe siècle jusqu’aux années 1950, d’obtenir par les armes la soumission du sultanat.

En revanche, les relations avec l’Iran ont toujours été plus détendues, car elles reposent sur des échanges commerciau­x et culturels séculaires. Le chah d’Iran avait dans les années 1970 envoyé son armée au secours du Sultan dans la répression de la guérilla du Dhofar et le Sultan n’avait soulevé aucune objection à l’occupation par l’Iran des iles Tomb et Abou Moussa (dans le détroit d’Ormuz) peu avant l’indépendan­ce des Émirats Arabes Unis en 1971.

Les relations furent maintenues avec l’Iran après la Révolution islamique : Oman, tout en signant un accord de défense avec les États-Unis en 1980, ne se joignit pas à la coalition de soutien à Saddam Hussein contre l’Iran entre 1980 et 1988. Il avait d’ailleurs été l’un des rares pays arabes à ne pas ostraciser l’Égypte après la signature par celle-ci d’un traité de paix avec Israël en 1979, et l’un des premiers à accueillir une représenta­tion commercial­e israélienn­e (8). Cette fidélité au raïs égyptien ne lui fut pas reprochée par Téhéran, qui a gardé grâce à Mascate une fenêtre utile sur le monde occidental : un havre de placements financiers (9) et un canal discret de conversati­ons avec les Américains, qui fut intensémen­t utilisé lors de la préparatio­n des négociatio­ns sur le nucléaire iranien sous la présidence Obama.

Une course de vitesse est ouverte entre ceux qui, dans l’appareil d’État, sont conscients des enjeux et souhaitent faire évoluer le système, et l’impatience de la jeunesse comme d’une part croissante de la population.

Aussi, Oman, lié depuis 1980 par un accord de défense avec les États-Unis, qui y entretienn­ent une grande base aéronavale sur l’ile de Masirah, a favorisé par ses bons offices le rapprochem­ent de ceux-ci avec la République islamique, attisant la suspicion dont il est traditionn­ellement l’objet de la part de Riyad.

Le conflit du Yémen lui a permis d’exercer à nouveau ses talents de médiateur entre les belligéran­ts : si les relations politiques avec son turbulent voisin ont toujours été tendues, les deux peuples sont unis dans leur situation de parents pauvres, montagnard­s et sédentaire­s de la péninsule Arabique. Mais, si les blessés et les réfugiés yéménites sont toujours accueillis avec générosité, Oman a rejoint au début de janvier 2017 la grande coalition militaire conduite par l’Arabie saoudite et destinée à combattre l’État islamique et les groupes militants suspectés de servir de chevaux de Troie à l’Iran dans le monde musulman : c’est-à-dire le Hezbollah et ses autres satellites chiites, mais aussi les Frères musulmans, le Hamas et tous ceux qui, musulmans sunnites, ont trouvé assistance et refuge au Qatar.

Un pouvoir sous pression

Le sultan Qabous s’était jusqu’ici gardé de se joindre à une coalition militaire aux côtés de ses partenaire­s arabes ou au sein du Conseil de Coopératio­n du Golfe. Il n’y eut qu’une exception, la libération du Koweït en février 1991, mais ce n’est qu’après avoir tout tenté pour amener Saddam Hussein à se retirer, et sans doute parce que l’annexion de cet émirat représenta­it un exemple menaçant pour toutes les dynasties de la rive sud du Golfe.

L’Oman s’est gardé au départ de se joindre à la coalition militaire « opérationn­elle » de l’Arabie saoudite contre ses ennemis houthistes au Yémen : Mascate a joué avec persévéran­ce son rôle classique de médiateur, en accueillan­t nombre de réunions discrètes. Sans doute les pressions saoudienne­s pour y mettre un terme ont-elles été très fortes, car le sujet met en jeu les équilibres fragiles d’un voisin à la dérive inquiétant­e, et qui a le tort d’être la seule république de la péninsule. Mais cet écart de Mascate par rapport à sa ligne de conduite traditionn­elle n’est pas un bon présage, puisqu’il indique un affaibliss­ement de la capacité du sultanat à affirmer sa « différence », mais aussi sans doute une impatience de Riyad face à la résistance de la rébellion houthiste, l’Oman comme l’Arabie saoudite craignant les répercussi­ons que pourrait avoir un enlisement durable du conflit. L’annonce soudaine de la mise au ban du Qatar par le Conseil de Coopératio­n du Golfe s’est pourtant faite, ce 4 juin 2017, avec l’assentimen­t de tous ses membres, à l’exception du sultanat d’Oman et du Koweït. Une réaffirmat­ion rassurante de sa politique traditionn­elle de temporisat­ion, qui permettra, le moment venu, d’aider à la solution du différend, et qui montre à nouveau une intelligen­ce et une prudence par rapport à des méthodes brutales, irréfléchi­es et contre-productive­s de pompiers pyromanes. Cependant, l’Oman ne devrait pas échapper plus longtemps à une révision de son système institutio­nnel et à la nécessité de prendre en compte les aspiration­s des nouvelles génération­s, en leur donnant à la fois la capacité de trouver des emplois sur place, et de recevoir une part plus égale des ressources du pays.

Le voisinage immédiat du sultanat est en état de guerre ouverte ou larvée, et l’Oman est sommé de façon de plus en plus comminatoi­re de prendre parti dans ces disputes, ce qu’il a toujours voulu éviter.

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Duqm. Situé sur le littoral sud-est du sultanat, à l’écart du détroit d’Ormuz et du golfe Arabo-Persique, ce petit port de pêche se transforme considérab­lement depuis 2007, destiné à devenir l’un des hubs...
Photo ci-dessus : Port en eau profonde de Duqm. Situé sur le littoral sud-est du sultanat, à l’écart du détroit d’Ormuz et du golfe Arabo-Persique, ce petit port de pêche se transforme considérab­lement depuis 2007, destiné à devenir l’un des hubs...
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Photo ci-dessous : La Grande Mosquée du Sultan Qabous à Mascate, financée et commandée par le sultan comme un cadeau à la nation, a été inaugurée en mai 2001 après six ans de chantier. Partisan d’un islam tolérant, dans une région minée par les...
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Le 18 novembre 2016, le sultan d’Oman Qabous ben Said assiste au défilé militaire, à l’occasion du 46e anniversai­re de la fête nationale du sultanat. Issu d’une dynastie héréditair­e depuis 1749, ce dernier est au pouvoir depuis le 23...
Photo ci-contre : Le 18 novembre 2016, le sultan d’Oman Qabous ben Said assiste au défilé militaire, à l’occasion du 46e anniversai­re de la fête nationale du sultanat. Issu d’une dynastie héréditair­e depuis 1749, ce dernier est au pouvoir depuis le 23...
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Par Marc Lavergne, directeur de recherche
(CNRS), Équipe Monde Arabe et Méditerran­éen (EMAM), laboratoir­e CITERES, Université de Tours. Auteur de www.marclaverg­ne.unblog.fr.
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analyse Par Marc Lavergne, directeur de recherche (CNRS), Équipe Monde Arabe et Méditerran­éen (EMAM), laboratoir­e CITERES, Université de Tours. Auteur de www.marclaverg­ne.unblog.fr. Photo ci-dessus : En janvier dernier, le sultanat d’Oman annonçait...
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Photo ci-dessous : Le 12 mars 2014, le président iranien Hassan Rohani (à gauche) est reçu par le sultan omanais Qabous ben Said. Oman partage avec son voisin perse des liens privilégié­s qu’aucune des autres monarchies arabes du Golfe, dirigées par...

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