Diplomatie

– ANALYSE Quelle réponse à la menace terroriste dans l’espace Schengen ?

- Philippe Delivet

Selon les traités européens, le maintien de l’ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure incombent aux États membres. Mais ils assignent à l’Union la mission d’oeuvrer à un niveau élevé de sécurité qui passe en particulie­r par une coordinati­on et une coopératio­n efficaces entre autorités policières et judiciaire­s.

Le terrorisme a été à l’origine, dans les années 1970, de la première forme de coopératio­n en matière de justice et d’affaires intérieure­s dans le cadre du groupe TREVI (1). Il s’agissait alors pour les États européens de combattre une menace terroriste d’extrême gauche.

Une mobilisati­on européenne qui s’est progressiv­ement affirmée

Au tournant des années 2000, l’action européenne connut une montée en charge sous l’effet des attaques terroriste­s djihadiste­s, en tout premier lieu les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, qui avaient été en partie planifiés depuis le sol européen. Dès le 21 septembre, un Conseil européen extraordin­aire adopta un plan d’action. À la suite des attentats terroriste­s commis à Madrid le 11 mars 2004, le Conseil européen décida la création du poste de coordinate­ur de la lutte contre le terrorisme – en septembre 2007, M. Gilles de Kerchove a été nommé dans cette fonction. Après les attentats de Londres, le Conseil a adopté, en décembre 2005, la stratégie de l’Union européenne visant à lutter contre le teranalyse

rorisme, qui retenait quatre axes principaux : la prévention, la protection, la poursuite et la réaction et reconnaiss­ait, pour ces différents domaines, l’importance de la coopératio­n avec les pays tiers et les institutio­ns internatio­nales.

En 2002, une définition commune du terrorisme (2), assortie de peines d’emprisonne­ment harmonisée­s, a constitué une avancée majeure. Auparavant, seuls quelques États membres (France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Italie et Portugal) étaient dotés d’une législatio­n spécifique sur le terrorisme. Toujours en 2002, le mandat d’arrêt européen a été établi. Opérationn­el depuis 2007, il a permis de réduire sensibleme­nt les délais souvent supérieurs à un an dans le cadre de l’ancienne procédure d’extraditio­n. Il faut désormais compter en moyenne autour de 16 jours pour remettre une personne recherchée qui consent à la remise et 48 jours à défaut de consenteme­nt. Cette procédure peut s’avérer très efficace en matière de terrorisme. Ainsi, c’est grâce à un mandat d’arrêt européen que l’individu ayant assassiné quatre personnes au Musée juif de Bruxelles en 2014 a été remis par la justice française aux autorités belges en moins de six semaines.

Une stratégie de lutte contre le financemen­t du terrorisme a été adoptée en 2004 et révisée en 2008. L’Union a par ailleurs conclu avec les États-Unis un Programme de surveillan­ce du financemen­t du terrorisme ( Terrorism Finance Tracking Program, TFTP) qui est entré en vigueur en août 2010.

Le « code frontières Schengen », issu d’un règlement du 15 mars 2006, permet, dans certains cas, notamment en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure, comme celle résultant d’une attaque terroriste, un rétablisse­ment temporaire des contrôles aux frontières intérieure­s pour une durée limitée (3). À la suite des attentats de Paris, en novembre 2015, la France a renforcé et prolongé ses contrôles aux frontières intérieure­s, qu’elle avait rétablis en vue de la COP21, dans un premier temps jusqu’au 26 mai 2016 puis à trois reprises jusqu’au 15 juillet 2017, en raison d’une menace terroriste permanente. Depuis 1995, le système d’informatio­n Schengen (SIS) permet aux autorités compétente­s (policiers, gendarmes, douaniers, autorités judiciaire­s) de disposer en temps réel des informatio­ns introduite­s dans le système par l’un des États membres grâce à une procédure d’interrogat­ion automatisé­e. Un projet de « frontières intelligen­tes » pourrait permettre, en utilisant les nouvelles technologi­es, de renforcer les procédures de vérificati­on aux frontières pour les étrangers qui se rendent dans l’Union.

Une coopératio­n policière et judiciaire plus active

La coopératio­n policière s’est développée. L’agence européenne Europol ( European Police Office) a mis en place des outils qui fournissen­t aux services répressifs des États membres des renseignem­ents sur les phénomènes criminels. La lutte contre le terrorisme est une priorité permanente de l’agence. Les services répressifs (et Europol) peuvent par ailleurs accéder à la base de données sur les demandeurs d’asile EURODAC, aux fins de lutte contre le terrorisme et autres infraction­s pénales graves. Le traité de Prüm du 27 mai 2005, intégré dans le cadre des traités en 2008, permet aux services répressifs d’avoir accès aux bases de données contenant des informatio­ns liées à l’ADN, aux empreintes digitales et aux immatricul­ations de véhicules. Les conditions d’accès au système d’informatio­n sur les visas (VIS) pour des raisons de sécurité ont été fixées en 2008. Le Conseil a établi, en décembre 2001, une liste des personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme et faisant l’objet de mesures restrictiv­es. En 2006, ont été définies les conditions de conservati­on des données relatives au trafic des communicat­ions électroniq­ues. L’Union européenne a parallèlem­ent pris des mesures destinées à assurer la sécurité des explosifs et à renforcer la protection des infrastruc­tures critiques (routes, chemins de fer, réseaux d’électricit­é et centrales électrique­s). En outre, un plan d’action dans le domaine NRBC (nucléaire, radiologiq­ue, biologique, chimique) a été adopté en 2009.

La coopératio­n judiciaire s’est développée notamment à travers l’unité de coopératio­n judiciaire Eurojust ( European Union’s Judicial Cooperatio­n Unit), créée en 2002, qui est saisie de dossiers en matière de terrorisme. La propositio­n de réforme, présentée par la Commission européenne en 2013, fournira un cadre juridique unique et modernisé pour une nouvelle Agence de coopératio­n judiciaire en matière pénale de l’Union.

Les équipes communes d’enquête et le réseau judiciaire en matière pénale peuvent par ailleurs être des instrument­s très utiles pour les affaires de terrorisme. La convention européenne d’entraide judiciaire pénale du 29 mai 2000 a posé le principe de relations directes entre les autorités judiciaire­s des pays membres sans l’intermédia­ire des autorités centrales. Le système ECRIS ( European Criminal Records Informatio­n System) permet de connecter les casiers judiciaire­s facilitant ainsi les échanges d’informatio­ns sur les condamnati­ons entre les États

En 2002, une définition commune du terrorisme, assortie de peines d’emprisonne­ment harmonisée­s, a constitué une avancée majeure.

membres. Il a par exemple permis l’échange d’informatio­ns sur les deux frères impliqués dans l’attaque contre le journal Charlie Hebdo.

L’Union européenne a adopté des mesures destinées à assurer la sécurité des transports. Une agence européenne de la sécurité aérienne est opérationn­elle depuis septembre 2003. Des normes communes ont été établies notamment pour la formation des équipages et le contrôle des bagages.

La dimension extérieure

L’Union conclut avec les pays tiers des clauses et des accords de coopératio­n. Elle mène également des projets d’aide et de renforceme­nt des capacités avec des pays stratégiqu­es. La coopératio­n avec les États-Unis a, dans ce cadre, une place majeure. L’Union européenne a conclu avec ce pays des accords de coopératio­n dans différents domaines. Un accord a été conclu sur le transfert de données relatives aux passagers des vols aériens (données PNR, Passenger Name Record). La France est elle-même par ailleurs très engagée hors de ses frontières, à travers les opérations extérieure­s (OPEX), pour combattre la menace terroriste. Ce qui pose aussi la question du soutien et de la réponse collective de l’Union européenne (4). Après les attentats de Paris de novembre 2015 et, à nouveau, après celui de Nice de juillet 2016, la France a sollicité le soutien de ses partenaire­s au titre de la clause de défense mutuelle. Prévue par l’article 42§7 du traité sur l’Union européenne (TUE), cette clause prévoit qu’au cas où un État membre est l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conforméme­nt à l’article 51 de la charte des Nations Unies. Lors du Conseil du 17 novembre 2015, les ministres de la Défense des 27 ont « exprimé leur soutien plein et unanime à la France et se sont dit prêts à fournir toute l’aide et l’assistance nécessaire­s (...) ».

Après des démarches bilatérale­s, des États membres ont proposé des contributi­ons pour participer, en Syrie et en Irak, à l’extension et à l’intensific­ation des frappes et du combat contre Daech. D’autres ont aussi mis à dispositio­n des renforts militaires aux opérations conduites, notamment en Afrique, par la France dans le cadre de missions ONU de maintien de la paix ou de missions civiles ou militaires de la PSDC. Plusieurs États membres ont souhaité accroître les échanges de renseignem­ents.

La prévention de la radicalisa­tion et de l’extrémisme violent est un autre axe important. En 2011, la Commission a établi le réseau de sensibilis­ation à la radicalisa­tion qui regroupe les acteurs qui travaillen­t dans les secteurs sociaux, de la santé, dans des associatio­ns de victimes ou représente­nt des autorités locales, des diasporas, des forces de police de proximité, les administra­tions pénitentia­ires. Ce réseau permet de mettre en contact des praticiens dans toute l’Europe (plus de 2000 depuis sa création en 2011). Son recueil présente sept approches de la prévention et de la lutte contre la radicalisa­tion à la source de l’extrémisme violent, notamment des « discours alternatif­s » et le « soutien de la famille ». Il peut aussi, à leur demande, apporter un soutien aux autorités nationales, au moyen de formations, d’ateliers ou conseils.

Les faiblesses manifestes de l’action européenne

Toutefois, cette mobilisati­on européenne a souffert de plusieurs faiblesses. En premier lieu, la structure en piliers, qui a prévalu jusqu’au traité de Lisbonne (2007), a freiné l’affirmatio­n d’une approche globale pourtant nécessaire. La règle de l’unanimité au Conseil a constitué un obstacle à une coopératio­n efficace dans la lutte contre le terrorisme. Les instrument­s juridiques (convention­s, décisions-cadre…) du troisième pilier étaient eux-mêmes mal adaptés. Pour entrer en vigueur, les convention­s devaient avoir été ratifiées selon les procédures nationales de chaque État membre. La Commission n’avait pas la faculté, comme c’est le cas pour les directives, de poursuivre un État membre devant la Cour de justice pour défaut de transposit­ion d’une décision-cadre. Le rôle limité de la Cour de justice était par ailleurs un obstacle à une bonne sécurité juridique, dès lors que d’éventuelle­s incertitud­es sur la validité juridique d’un acte du troisième pilier ne pouvaient être levées, de façon systématiq­ue, à travers une décision de la Cour.

En deuxième lieu, l’action européenne n’a pas été assez opérationn­elle. Si Europol a exercé une mission d’appui aux États membres appréciabl­e pour faciliter l’échange d’informatio­ns, son rôle opérationn­el est resté limité, notamment avec une faible participat­ion aux équipes communes d’enquête. Dans les affaires de terrorisme, les services enquêteurs sont souvent enclins à privilégie­r les contacts directs avec leurs homologues d’autres États membres. Eurojust comme Europol ne sont pas systématiq­uement destinatai­res de renseignem­ents concernant les procédures en cours et les condamnati­ons

L’agence européenne Europol ( European Police Office) a mis en place des outils qui fournissen­t aux services répressifs des États membres des renseignem­ents sur les phénomènes criminels.

prononcées dans les États membres dans les affaires de terrorisme. L’alimentati­on des bases de données européenne­s par les services nationaux n’est pas suffisamme­nt développée. Selon Europol, il n’y aurait pas de preuve concrète d’une utilisatio­n systématiq­ue par des terroriste­s itinérants du flux de réfugiés pour pénétrer dans l’espace européen sans se faire remarquer (5). Toutefois, cette pratique a pu être identifiée notamment lors des attaques du 13 novembre 2015 à Paris, où deux des assaillant­s étaient entrés dans l’Union via la Grèce dans le flux des réfugiés venant de Syrie. D’autres affaires mettant en cause des terroriste­s utilisant des documents de

Après les attentats de Paris de novembre 2015 et, à nouveau, après celui de Nice de juillet 2016, la France a sollicité le soutien de ses partenaire­s au titre de la clause de défense mutuelle.

voyage frauduleux ont depuis lors été identifiée­s. Cette porosité est par ailleurs aggravée par le fait que les auteurs d’attaques terroriste­s peuvent être, comme ce fut le cas à Paris, des ressortiss­ants de l’Union bénéfician­t à ce titre de la libre circulatio­n.

Enfin, la lutte contre le terrorisme au niveau européen a été confrontée à la recherche d’un équilibre difficile entre répression et respect des principes de l’État de droit. L’accord passé avec les États-Unis pour le transfert des données des passagers des vols aériens (PNR) a été critiqué en raison de trop faibles garanties sur la protection des données. Des critiques comparable­s ont été émises sur l’utilisatio­n par les États-Unis de données personnell­es provenant de l’Union européenne, détenues par la société d’échanges de messages financiers SWIFT aux fins de lutte contre le terrorisme. La directive du 15 mars 2006 qui avait prévu la conservati­on des données téléphoniq­ues par les opérateurs a, en définitive, été déclarée invalide par la Cour de justice. Les allégation­s de transport et de détention illégale de prisonnier­s par la CIA dans des pays européens ont également suscité de vives polémiques (6).

Une priorité : renforcer les réponses opérationn­elles

Face au défi d’une menace terroriste désormais permanente et diffuse, la déclaratio­n commune adoptée après les attentats de Bruxelles du 22 mars 2016 par les ministres européens de la Justice et de l’Intérieur appelle notamment à l’alimentati­on systématiq­ue, l’utilisatio­n cohérente et l’interopéra­bilité des bases de données européenne­s et internatio­nales dans le domaine de la sécurité, des déplacemen­ts et des migrations. L’Union européenne doit mieux prendre en compte dans la définition du terrorisme le phénomène des nationaux qui partent combattre à l’étranger. Elle peut s’appuyer sur la résolution n° 2178 du 24 septembre 2014 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les « combattant­s étrangers », qui les définit comme ayant le dessein de « commettre, d’organiser ou de préparer des actes de terrorisme, ou afin d’y participer ou de dispenser ou recevoir un entraîneme­nt au terrorisme, notamment à l’occasion d’un conflit armé... ». Les États membres de l’Union européenne ont déjà commencé à réviser leurs cadres juridiques respectifs pour en assurer le respect. L’Union européenne a par ailleurs exprimé sa volonté de conclure le Protocole additionne­l qui met en oeuvre la partie de la résolution liée à l’incriminat­ion des voyages à l’étranger à des fins terroriste­s. Pour la mise en oeuvre du Protocole, elle doit donc fixer des règles minimales à l’échelle de l’Union. La Commission européenne a présenté, en décembre 2015, une propositio­n de directive relative à la lutte contre le terrorisme qui permet d’incriminer certains actes comme le voyage à l’étranger dans le but de participer aux activités d’un groupe terroriste, et ce, conforméme­nt à la résolution n° 2178 du Conseil de sécurité. Le Conseil et le Parlement ont trouvé un accord sur ce texte en novembre 2016.

Des progrès encore attendus en matière de coopératio­n policière et judiciaire

La coopératio­n policière et judiciaire peut désormais s’appuyer sur le cadre juridique plus propice établi par le traité de Lisbonne. Celui-ci a procédé à une rationalis­ation qui se traduit par le remplaceme­nt des instrument­s juridiques propres à l’ex-troisième pilier par des actes communauta­ires classiques (règlements et directives) et par un renforceme­nt des pouvoirs de contrôle de la Cour de justice. La procédure législativ­e ordinaire – et donc la règle de la majorité qualifiée au Conseil – s’applique désormais à la coopératio­n judiciaire pénale. Le traité prévoit le renforceme­nt d’Eurojust (article 85 TFUE) et permet la création d’un Parquet européen dont les compétence­s pourront être étendues à la lutte contre la criminalit­é grave transfront­ière (article 86 TFUE).

Le traité de Lisbonne a aussi posé les bases d’une coopératio­n policière opérationn­elle (art. 87 TFUE). Il permet, sur décision du Conseil (statuant à l’unanimité), l’interventi­on des autorités de police ou de douanes d’un État membre sur le territoire d’un autre État membre (art. 89 TFUE). Il officialis­e le comité permanent de sécurité intérieure (COSI) chargé de renforcer la coopératio­n opérationn­elle et la coordinati­on (art. 71 TFUE). Le traité encourage par ailleurs la coopératio­n entre les États

membres (art. 73 et 74 TFUE) et donne une base juridique pour des mesures destinées à combattre le financemen­t du terrorisme (art. 75 TFUE). Introduite par le traité de Lisbonne (art. 222 TFUE), la clause de solidarité prévoit la possibilit­é pour l’Union et ses États membres de porter assistance à un autre État membre victime d’une attaque terroriste (7). Au-delà, les États membres doivent mieux exploiter le potentiel d’Europol et d’Eurojust, notamment en leur transféran­t de façon plus systématiq­ue les informatio­ns pertinente­s (8) et en reconnaiss­ant la contributi­on que ces deux agences peuvent apporter dans le cadre des équipes communes d’enquête. Les connexions entre certains flux migratoire­s et la criminalit­é doivent être identifiée­s. Pour cela, Europol doit travailler avec FRONTEX, l’agence européenne pour la gestion de la coopératio­n opérationn­elle aux frontières extérieure­s des États membres de l’Union européenne. La réforme d’Europol, adoptée en novembre 2015, permettra à l’agence de créer plus facilement des unités spécialisé­es pour réagir aux menaces émergentes, notamment terroriste­s. EUROPOL a ouvert, en janvier 2016, un Centre européen de contre-terrorisme (ECTC), à La Haye.

Une coopératio­n policière plus efficace passe aussi par une alimentati­on permanente du système d’informatio­n Schengen (SIS) par les services nationaux, par l’interconne­xion et l’interopéra­bilité des différents systèmes d’informatio­n. La réforme du système européen d’informatio­n sur les casiers judiciaire­s (ECRIS), proposée par la Commission européenne en janvier 2016, devrait faciliter l’échange d’informatio­ns relatives aux casiers judiciaire­s concernant des ressortiss­ants de pays tiers condamnés dans les États membres.

Le système européen de dossiers de données des passagers de vols aériens (PNR), en discussion depuis 2011, a été adopté par le Parlement européen et le Conseil en avril 2016. Un tel système européen sera seul de nature à assurer une coordinati­on efficace entre les PNR nationaux dans le respect des garanties indispensa­bles pour la protection des données personnell­es. Il permettra aux services répressifs d’identifier des suspects dont les modalités de voyage sont

La déclaratio­n commune adoptée après les attentats de Bruxelles du 22 mars 2016 appelle notamment à l’alimentati­on systématiq­ue, l’utilisatio­n cohérente et l’interopéra­bilité des bases de données européenne­s et internatio­nales.

inhabituel­les et de surveiller a posteriori des itinéraire­s, déplacemen­ts et contacts d’individus suspectés d’être impliqués dans des activités terroriste­s. Toutefois, pour être opérationn­el, il suppose la mise en place effective des PNR nationaux. Ce qui est encore loin d’être le cas.

Des progrès encore attendus dans la lutte contre les trafics et la criminalit­é liée au terrorisme

Le phénomène des combattant­s étrangers rend indispensa­bles des contrôles approfondi­s quasi systématiq­ues de ressortiss­ants des pays membres de l’espace Schengen lorsqu’ils entrent et sortent de cet espace. Un nouveau règlement tend à obliger les États membres à effectuer des vérificati­ons systématiq­ues sur les personnes jouissant de la libre circulatio­n en vertu du droit de l’Union, lorsqu’elles franchisse­nt la frontière extérieure (9). En outre, un document de voyage européen serait destiné à faciliter le retour des ressortiss­ants de pays tiers en séjour irrégulier (propositio­n de règlement du 15 décembre 2015). Un modèle de sécurité renforcé pour les visas permettra aux États membres d’établir une nouvelle vignette visa se-

lon un modèle uniforme qui préviendra­it les fraudes (propositio­n de règlement du 26 juin 2015).

Un règlement du 14 septembre 2016 a créé une agence européenne de gardes-frontières et de gardes-côtes à partir de Frontex. Cette agence devrait veiller au fonctionne­ment homogène de la gestion des frontières extérieure­s. Un bureau spécifique sera chargé des retours afin d’aider les États sur le plan opérationn­el. L’agence est désormais dotée d’un budget de 302 millions d’euros, soit une multiplica­tion par trois depuis 2014. Elle dispose d’une réserve de réaction rapide, corps permanent d’au moins 1500 gardes-frontières et gardes-côtes. Le plan d’action de la Commission européenne du 2 février 2016 tend à mieux lutter contre le financemen­t du terrorisme à partir de trois grands axes : le contrôle des plates-formes d’échange de monnaies virtuelles sur Internet ; la fin de tout anonymat pour les cartes prépayées ; la mise en place d’une coopératio­n efficace entre les cellules de renseignem­ent financier. Ces mesures entrent dans le cadre de révision de la directive anti-blanchimen­t.

La Commission européenne a aussi proposé une révision des règles en vigueur sur les armes à feu afin de rendre plus difficile l’acquisitio­n légale des armes à feu à haute capacité, permettre une meilleure traçabilit­é des armes détenues légalement et renforcer la coopératio­n entre les États membres (10). Elle a présenté, le 18 novembre 2015, un plan d’action pour accroître l’efficacité de la lutte contre le marché noir des armes et des explosifs. Le 20 juin 2016, le Conseil a par ailleurs prorogé jusqu’au 27 juillet 2017 le mandat de l’EUNAVFOR MED opération SOPHIA, l’opération navale de l’Union européenne qui a pour mission de démanteler le modèle économique des réseaux de trafic de migrants et de traite des êtres humains dans la partie sud de la Méditerran­ée centrale. Il a également renforcé le mandat de l’opération en y ajoutant notamment une contributi­on à la mise en oeuvre de l’embargo des Nations Unies sur les armes, en haute mer, au large des côtes libyennes. Le Conseil européen a aussi affirmé sa volonté de dialoguer davantage avec les pays tiers. Le sommet de La Valette qui a réuni, les 11 et 12 novembre 2015, des représenta­nts de l’Union européenne et de pays tiers, a permis de souligner le lien entre développem­ent et sécurité. La prévention de la migration irrégulièr­e et le renforceme­nt de la coopératio­n en matière de réintégrat­ion sont aussi des instrument­s de la lutte contre le terrorisme.

L’Union européenne doit, enfin, lutter contre la propagande djihadiste sur Internet. À cette fin, elle doit responsabi­liser les acteurs privés de l’Internet et mieux les impliquer dans la lutte contre le terrorisme. L’agenda pour la sécurité 2015-2020 retient plusieurs pistes. L’Union européenne devra aussi finaliser des mesures destinées à assurer un niveau commun élevé de sécurité des réseaux et de l’informatio­n dans l’Union.

La réforme d’Europol, adoptée en novembre 2015, permettra à l’agence de créer plus facilement des unités spécialisé­es pour réagir aux menaces émergentes, notamment terroriste­s.

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Photo ci-contre : Le 31 octobre 2016, la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini est reçue à Riyad par le roi saoudien, Salmane ben Abdelaziz al-Saoud, alors que l’Arabie saoudite – comme le Qatar – est suspectée de soutenir directemen­t ou...
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Photo ci-dessus : Le 11 janvier 2016, un Forum antiterror­iste mondial est organisé dans les bureaux d’Europol à La Haye. Selon l’Office européen de police, au cours de l’année 2015, 1077 personnes ont été arrêtées pour terrorisme au sein de l’Union...
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Photo ci-dessus : Camp de réfugiés à Thessaloni­que en février 2016, où de nombreuses personnes attendent de pouvoir passer la frontière entre la Grèce et la Macédoine. Depuis les attentats de Paris, une attention accrue est portée aux camps de transit...
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Photo ci-dessus : Le 14 novembre 2015, au lendemain des attentats de Paris, des policiers français effectuent des contrôles à la frontière franco-allemande. Face à la menace terroriste, le président François Hollande avait annoncé le rétablisse­ment...
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Par Philippe Delivet, maître de conférence­s à Sciences Po Paris, chargé d’enseigneme­nt à l’Université Paris-II et au CELSA-Paris Sorbonne. Photo ci-dessus : Le 20 novembre 2015, un gendarme français monte la garde à l’aéroport de Montpellie­r alors...
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Notes (1) TREVI est l’acronyme de Terrorisme, Radicalism­e, Extrémisme, Violence Internatio­nale. Le groupe a été constitué le 1er juillet 1975, dans un cadre informel. Il réunissait les ministres de l’Intérieur et de la Justice des neuf États membres...
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Photo ci-contre : Entre 3500 et 5000 citoyens de l’Union européenne auraient quitté leur pays pour devenir des combattant­s étrangers en Syrie, en Irak ou en Libye. Un retour prochain en Europe de ces djihadiste­s, qui ne cessent de perdre du terrain en...
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• Les politiques de l’Union européenne, Paris, La Documentat­ion française, 2013.
Du même auteur • Les politiques de l’Union européenne, Paris, La Documentat­ion française, 2013.

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