– ANALYSE L’« America First » au banc d’essai
Quelques mois après le discours inaugural à la fois sombre et virulent du président-candidat, la politique de l’America First révèle déjà ses failles : l’écueil annoncé du nouveau protectionnisme américain tient autant à ses contradictions qu’à l’absence de réflexion géostratégique qui l’accompagne.
La vision mercantiliste de l’économie mondiale et les prescriptions protectionnistes figurent parmi les rares convictions de Donald Trump qui sont restées relativement cohérentes au cours de sa carrière politique. Ce sont aussi les positions qui, au lendemain de son élection, ont le plus agité les partenaires commerciaux des États-Unis en Amérique du Nord, en Asie et en Europe. S’il alimente les inquiétudes sur l’avenir du leadership américain, le nouveau patriotisme économique américain suscite aussi beaucoup d’intérêt dans la mesure où il incarne une forme de « déglobalisation » revendiquée sous diverses formes à travers l’Europe. La critique des accords de libre-échange est une stratégie électorale rebattue, Bill Clinton comme Barack Obama ayant promis, dans des contextes différents, de renégocier l’ALENA et de rendre la mondialisation plus juste. Une fois au pouvoir, les présidents américains se distancient généralement de cette rhétorique de campagne pour une politique de libre-échange au nom de l’intérêt économique national tout en faisant mine d’apaiser les tensions par le biais de mesures de rétorsion symboliques, comme des sanctions commerciales ciblées ou le renouvellement des programmes d’aide à l’ajustement commercial. La première moitié de l’année 2017 esquisse néanmoins une tout autre orientation idéologique, où le « protectionnisme », censé mener les États-Unis vers « la prospérité et la puissance », deviendrait non plus l’exception mais la règle de la politique commerciale américaine (2). Ce tournant de l’histoire de la politique commerciale américaine s’incarne dans un certain nombre de changements institutionnels. Tout
d’abord, la nomination de responsables aux sensibilités protectionnistes à la tête des différents organes de la politique commerciale confirme cette réorientation mercantiliste de la politique américaine : Wilbur Ross, architecte de la doctrine de l’America First, a été nommé secrétaire au Commerce (DOC) ; Robert Lighthizer, avocat plaidant spécialisé dans le commerce extérieur, est devenu représentant au Commerce à l’USTR (United States Trade Representative, chargé des négociations commerciales) ; tandis que Peter Navarro, économiste hétérodoxe (3) dirigeait l’éphémère National Trade Council (NTC, Conseil national du commerce), récemment
Les rivalités entre « nationalistes » et « mondialistes » expliquent en partie les dissonances de la politique commerciale depuis la prise de fonction de Donald Trump.
rebaptisé Office of Trade and Manufacturing Policy (Bureau de la politique commerciale et industrielle) pour mettre en place la politique de préférence nationale « Buy American, Hire American » de l’administration Trump (4). Comme semblent le confirmer les premières initiatives de la présidence Trump, la Maison-Blanche envisage par ailleurs de faire du Département du Commerce le nouvel architecte de la politique commerciale américaine – reléguant ainsi le plus libéral USTR au second, voire au troisième rang de la diplomatie économique. L’influence de ce trio mercantiliste sur la Maison-Blanche est néanmoins contrebalancée par les conseillers libéraux de l’administration, parmi lesquels Gary Cohn, à la tête du National Economic Council, le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin et le secrétaire d’État Rex Tillerson – le poids de ce dernier sur la diplomatie commerciale étant plus limitée. Les rivalités entre « nationalistes » et « mondialistes » expliquent en partie les dissonances de la politique commerciale depuis la prise de fonction de Donald Trump. Le sénateur Sherrod Brown (démocrate, Ohio), critique aguerri des accords de libre-échange, déplorait récemment la désorganisation de la Maison-Blanche en la matière : « Certains jours, c’est Ross, d’autres jours c’est Cohn, d’autres encore Navarro, un jour ce sera probablement Lighthizer, parfois c’est le Président directement. Nous voulons juste savoir qui coordonne la politique commerciale. » (5) Les premières mesures de Washington sont venues aviver les craintes des partenaires américains. Les actes les plus symboliques de ce tournant nationaliste sont sans aucun doute le retrait du Partenariat Trans-Pacifique, négocié de longue haleine avec 12 partenaires de la région Asie-Pacifique sous l’administration Obama, ainsi que la notification au Congrès de l’intention de renégocier l’Accord de libre-échange nordaméricain (ALENA). L’autre symbole du nouveau « nouveau protectionnisme » (6) américain est le refus de Washington de condamner le protectionnisme lors du sommet du G20 à Baden-Baden en mars 2017. Ces différents éléments augurent donc une politique commerciale beaucoup plus défensive, qui privilégierait l’arsenal de mesures protectionnistes américaines (mesures anti-dumping, droits compensatoires, clauses de sauvegarde de la section 201 de la loi sur le commerce de 1974, section 301 sur les mesures de rétorsion), plutôt que le déploiement d’accords de libre-échange (ALE) favorisant l’accès des exportateurs et des multinationales américains à de nouveaux marchés. En témoigne le programme de la politique commerciale de l’USTR de 2017, dont les deux principales priorités sont : 1) la défense de la souveraineté nationale et 2) l’application stricte des lois sur le commerce extérieur, avant des objectifs plus offensifs comme : 3) le démantèlement des barrières commerciales étrangères et la protection de la propriété intellectuelle ; et, en dernière position, 4) la négociation de nouveaux et meilleurs accords commerciaux.
Si l’administration Trump n’abandonne pas les ALE, sa politique commerciale remet en question le consensus établi depuis près de deux décennies à plus d’un titre. Premièrement, l’USTR confirme sa nouvelle préférence pour le bilatéralisme, par opposition aux négociations multilatérales. Deuxièmement, Donald Trump adopte une position très agressive vis-à-vis des obligations imposées par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et les ALE, réaffirmant la souveraineté des ÉtatsUnis en soulignant que « les Américains ne sont pas directement soumis aux décisions de l’OMC » (7).
Ce rejet des institutions multilatérales n’est pas sans précédent dans l’histoire diplomatique contemporaine : à plus d’un titre, l’administration de George W. Bush incarnait déjà cet unilatéralisme assumé qui refait aujourd’hui surface sous la bannière de l’America First. Néanmoins, la multiplication des mesures de rétorsion ou des menaces de sanctions à l’égard de la Chine (acier), du Mexique (sucre) et du Canada (lait, bois d’oeuvre) laisse planer des doutes sur la capacité des ÉtatsUnis à conserver leur rôle de garants de l’ouverture commerciale et de la mondialisation.
Une révolution en « Trump-l’oeil » ?
Toutefois, dans les faits, l’idée d’une véritable rupture de la politique commerciale sous l’administration Trump est à la
fois trompeuse et très hypothétique au vu des obstacles économiques et politiques. Premièrement, le bilan de la politique commerciale de Barack Obama montre que les États-Unis ont déjà opéré un renforcement des mesures d’application des règles commerciales à l’égard des partenaires et concurrents américains, notamment visà-vis de la Chine qui fut la cible de près des deux tiers des plaintes de Washington à l’OMC entre 2009 et 2016 (contre moins d’un tiers pendant l’administration Bush). Le fameux « pivot » vers l’Asie du « premier président Pacifique » ne se limitait donc pas à une main tendue mais répondait également à la promesse de fermeté à l’égard de la Chine exprimée par Barack Obama lors de sa campagne présidentielle de 2008. Le refus, à la fin de l’année 2016, d’accorder le statut d’économie de marché à la Chine – qui aurait ainsi pu bénéficier d’un traitement plus favorable sur les questions d’antidumping et de droits compensatoires – constitue le point d’orgue de la politique d’application des règles commerciales sous l’administration Obama (8). Cette politique de fermeté, souvent occultée par les débats sur le Partenariat Trans-Pacifique (TPP) ou le Partenariat Transatlantique de Commerce et d’Investissement (TTIP), était bien au coeur de la stratégie économique de la Maison-Blanche avant que Donald Trump n’en fasse l’une des priorités de son programme de politique étrangère – même si ce dernier est plus enclin à faire appliquer les règles commerciales de manière unilatérale que par le système multilatéral.
Deuxièmement, si les discours mercantilistes du nouveau président semblent confirmer l’avènement d’un monde post-américain, ses ambitions protectionnistes risquent de se heurter à un certain nombre d’obstacles politiques et économiques, tant sur le plan national qu’à l’international. Au niveau intérieur, la suppression de la taxe à la frontière ( Border Adjustment Tax) de la réforme fiscale révèle les divisions politiques que suscite l’imposition de nouvelles taxes sur les importations. Ce projet de loi menaçait en effet de multiples secteurs clés de l’économie américaine, dont le modèle économique dépend à la fois de l’importation massive de biens de consommation (grande distribution, commerce électronique) et des chaînes de production transnationales qui sont vitales, notamment dans l’industrie automobile, le textile, et l’électroménager. Dans les faits, plus de 40 % des importations américaines sont opérées au sein même des multinationales américaines. Le commerce intra-firme est non seuleÀ
plus d’un titre, l’administration de George W. Bush incarnait déjà cet unilatéralisme assumé qui refait aujourd’hui surface sous la bannière de l’America First.
ment capital dans les échanges avec l’Union européenne (60 % des importations) et l’Amérique du Nord (60 %), mais il est aussi un élément clé pour comprendre la dynamique des relations commerciales avec le Mexique (67 %), le Japon (77 %), l’Allemagne (70 %) et dans une moindre mesure, la Chine (29 %), pays pointés du doigt par l’administration Trump en raison de leur excédent commercial avec les États-Unis (voir figure 1) (9). Pourtant, à l’ère des chaînes de valeur globales, les destructions et les créations d’emplois ne se mesurent plus simplement à l’aune du déficit commercial, qui est le fruit de nombreux facteurs (attractivité de l’économie américaine, surconsommation américaine, surévaluation du dollar, etc.) (10). Troisièmement, le système économique international dispose de garde-fous visant à prévenir l’usage abusif de mesures protectionnistes. En dépit de l’hostilité affichée par l’administration Trump vis-à-vis du multilatéralisme, l’échec des négociations du cycle de Doha et les inquiétudes suscitées par la crise de 2009-2010 ont fait de la sauvegarde d’un système international ouvert la raison d’être de l’OMC. Sa légitimité dépendra de sa capacité à contenir les pressions protectionnistes aux États-Unis et ailleurs. L’Union européenne a de surcroit indiqué sa volonté de recourir au système de règlement des différends dans le cas où les États-Unis imposeraient de nouvelles taxes sur les importations, tandis que la Chine a réaffirmé son attachement aux règles du commerce international. Ces obstacles montrent qu’il ne sera pas aisé de mettre en cause des normes internationales que les États-Unis se sont évertués à institutionnaliser depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
Vers un repli géostratégique de la puissance américaine
Un autre héritage de l’hégémonie américaine pourrait à terme avoir raison des velléités protectionnistes du gouvernement américain : la résilience de la doctrine de libéralisation compétitive qui consiste à mettre en concurrence les négociations bilatérales, régionales et multilatérales dans le but d’harmoniser les règles du commerce mondial. Promue par les ÉtatsUnis depuis le début des années 1990, cette doctrine a impulsé une véritable course aux accords de libre-échange dont les accords transrégionaux comme le TPP et le TTIP n’étaient que la dernière incarnation. La remise en question du leadership américain en la matière ne sonnera pas la fin de cette bataille géoéconomique. Elle entraînera très vraisemblablement une reconfiguration des alliances, des espaces et des chaînes de valeurs, comme le laissent présager les déclarations de la Chine et l’Union européenne au lendemain du retrait des États-Unis du TPP – la première réaffirmant sa volonté d’assumer son rôle dans la région Asie-Pacifique et de défendre le libre-échange ; la seconde signalant un regain d’intérêt de ses propres partenaires commerciaux (notamment le Mexique, le Japon et le Mercosur) pour les négociations avec Bruxelles (voir carte des accords de l’UE et de la Chine en cours de négociation). Si Washington laisse la part belle à ses concurrents asiatiques et européens, il est fort probable que les grands groupes américains se mobiliseront en faveur d’une stratégie commerciale plus conquérante – comme ce fut le cas au début des années 2000 et au cours du premier mandat de Barack Obama. Là encore, si les États-Unis se désengagent des grandes négociations commerciales menées par l’administration Obama, ils se retrouveront ironiquement contraints par les règles du jeu qu’ils ont élaborées depuis plus d’un demi-siècle. Mais, si les objectifs et les modalités du nouveau patriotisme économique semblent intrinsèquement contradictoires, le candidat en fonction semble bien déterminé à rompre avec le statu quo. Doit-on en conclure que les États-Unis s’acheminent vers un repli géostratégique ?
Sur le plan multilatéral, le mépris de l’administration Trump pour les organisations multilatérales, sa vision du commerce international comme un jeu à somme nulle et sa priorité au bilatéralisme augurent un désengagement de la puissance américaine. Stratégiquement, le pari est risqué car, en dépit du discours populiste sur la bienveillance naïve dont Washington aurait fait preuve depuis des décennies, les États-Unis ont très largement bénéficié du système commercial régi par l’OMC, dont ils ont largement façonné les règles. Si le rapport de forces est aujourd’hui
Il ne sera pas aisé de mettre en cause des normes que les États-Unis se sont évertués à institutionnaliser depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
bien moins favorable à l’Amérique et à l’Union européenne qu’au XXe siècle, les États-Unis ont encore beaucoup à gagner des négociations multilatérales à l’OMC. C’est notamment le cas dans le secteur des technologies renouvelables où, dans le cadre des négociations de l’Accord sur les biens environnementaux (EGA), les États-Unis et l’Europe pourraient mieux réglementer la concurrence de la Chine, dont l’industrie pourrait indirectement bénéficier du désengagement des États-Unis en matière de lutte contre le changement climatique. « L’empreinte légère » ( light footprint) des États-Unis à Genève pourrait également se faire au détriment des fleurons de l’industrie numérique américaine (les GAFA et « l’économie des applis »), à l’heure où le commerce numérique suscite de plus en plus d’intérêt à l’OMC. De la même manière, les négociations de l’Accord sur le Commerce des Services (ACS ou TISA en anglais), en suspens depuis la fin de l’année 2016, sont une opportunité manquée pour les États-Unis qui demeurent le premier exportateur mondial de services. L’absence de stratégie géoéconomique est tout aussi alarmante sur le plan régional (voir tableau 1). En Asie, le retrait américain est une grave erreur géostratégique : en hypothéquant l’initiative phare des États-Unis dans la région (le TPP), Washington a rompu l’équilibre économie-sécurité de la doctrine du congagement (mot-valise pour containment et engagement) visàde la Chine, minutieusement élaborée par l’administration Obama. Ce désengagement américain a ramené les questions sécuritaires sur le devant de la scène dans un contexte géopolitique complexe marqué par les rivalités territoriales et la prolifération nucléaire en Corée du Nord. Ces dossiers stratégiques épineux occultent des questions économiques tout aussi complexes, notamment vis-à-vis de la Chine (refus du statut d’économie de marché à l’OMC, politique industrielle « Made in China 2025 ») qui ne pourront en aucun cas être résolues sans l’élaboration d’une véritable stratégie cohérente [lire à ce sujet l’article d’E. Hache p. 86 de ce Diplomatie, NdlR]. Par ailleurs, la perspective d’un accord bilatéral avec le Japon n’a suscité que peu d’enthousiasme à Tokyo, qui a non seulement
Sur le plan multilatéral, le mépris de l’administration Trump pour les organisations multilatérales, sa vision du commerce international comme un jeu à somme nulle et sa priorité au bilatéralisme augurent un désengagement de la puissance américaine.
commencé à mobiliser ses partenaires pour appliquer un « TPP 11 » sans les États-Unis, mais pourrait aussi célébrer la conclusion des négociations bilatérales avec l’Union européenne pour le prochain sommet du G20 à Hambourg – et faire ainsi regretter à Washington ses ambitions isolationnistes.
Vis-à-vis de l’Europe, la diplomatie économique américaine est aujourd’hui victime des inconstances et contradictions de l’administration Trump sur des questions aussi centrales que le rôle de l’OTAN et la pertinence du TTIP. Si les capitales européennes se sont volontiers accoutumées de cette ambivalence en période électorale, la préférence américaine pour le bilatéralisme au lendemain du Brexit (11) a été perçue à Bruxelles comme un véritable affront. Malgré un regain d’intérêt pour le TTIP suite aux récents échanges entre le secrétaire au Commerce Wilbur Ross et la commissaire européenne au commerce Cecilia Malmström, il est difficile de concevoir de nouveaux compromis transatlantiques sur des sujets sensibles comme l’accès aux marchés publics, l’agriculture, la santé publique et l’environnement ou les normes sociales du travail. En dehors des mesures et des droits compensatoires vis-à-vis des pays émergents comme la Chine, les perspectives d’alignement en matière commerciale entre Bruxelles et Washington pourraient donc être limitées si l’administration Trump continue à privilégier la souveraineté nationale, l’unilatéralisme et le bilatéralisme.
Les premiers actes de la diplomatie américaine dans les Amériques ne sont pas plus propices à un rapprochement. Cela tient, d’une part, à la campagne xénophobe et anti-ALENA qui lui a aliéné la classe politique et le peuple mexicains. En dépit de la bonne volonté affichée par les gouvernements mexicain et canadien concernant la renégociation de l’ALENA, l’impréparation et l’agressivité de l’administration américaine – notamment l’imposition de droits compensatoires sur le bois d’oeuvre canadien ou les menaces de sanctions à l’encontre de l’industrie sucrière mexicaine – ont créé de nouvelles tensions au sein du sous-continent nord-américain. Par ailleurs, les réticences du président américain à l’égard de la normalisation des relations diplomatiques avec Cuba risquent d’anéantir l’un des seuls succès de l’administration Obama en Amérique latine, alors même que cette initiative avait contribué à restaurer l’image des États-Unis sur le continent. En Amérique latine, comme en Asie, ce désengagement risque de faire la part belle aux autres puissances commerciales, comme en témoignent le regain d’intérêt du Mexique pour les négociations commerciales avec l’Union européenne et l’augmentation vertigineuse des investissements chinois sur le continent latino-américain. À en juger par la volonté de l’administration Trump de saper le budget de l’aide extérieure américaine, le repli de Washington semble aussi avéré sur le continent africain, malgré le dynamisme des économies émergentes africaines dont Pékin a, là encore, bien saisi le potentiel (12).
Ce tour d’horizon de la diplomatie économique américaine révèle que la révolution politique pensée ou fantasmée par Donald Trump et ses conseillers ne résiderait pas tant dans l’adoption d’une stratégie mercantiliste cohérente dont l’application est déjà en voie d’être compromise par de multiples obstacles économiques et institutionnels. Elle tiendrait plutôt à une absence de sensibilité diplomatique, de rationalité économique et de réflexion géostratégique qui présente des risques majeurs pour la pérennité du leadership économique américain à travers le monde. La théorie de l’America First se heurte à la pratique de l’America Last. Au vu des conflits inhérents à l’élaboration de la politique commerciale américaine (exécutif contre Congrès, intérêts internationalistes contre protectionnistes), la question est donc de savoir quand et comment les forces globalistes pourront mettre fin à cette révolution politique qui n’en est pas une, afin de limiter les dégâts économiques, politiques, voire militaires qu’elle pourrait laisser dans son sillage.
En dehors des mesures et des droits compensatoires vis-à-vis des pays émergents comme la Chine, les perspectives d’alignement en matière commerciale entre Bruxelles et Washington pourraient donc être limitées si l’administration Trump continue à privilégier la souveraineté nationale, l’unilatéralisme et le bilatéralisme.