Diplomatie

– ANALYSE L’Espagne, sur un fil…

- Hubert Peres

Politiquem­ent, l’Espagne a retrouvé un gouverneme­nt stable. Économique­ment, l’embellie est certaine. Socialemen­t, le pire est passé. Mais, sur tous ces plans, les fragilités et les incertitud­es demeurent.

L’Espagne va mieux. Mais elle encore loin d’aller bien. La comparaiso­n de son état actuel avec celui qui régnait quelques mois en arrière est certes avantageus­e. Mais entre les fragilités persistant­es et la « question catalane » qui met en cause les fondements mêmes de l’État, la situation espagnole bouge tel un funambule cherchant l’équilibre sur un fil instable.

Les débuts apaisés d’un gouverneme­nt minoritair­e

Sans bouleverse­r fondamenta­lement le nouveau paysage partisan dessiné par les élections du 20 décembre 2015 ( 20-D), les résultats des élections législativ­es du 26 juin 2016 ( 26-J) avaient facilité la fin du blocage politique empêchant jusque-là de faire émerger un gouverneme­nt issu des urnes et conduisant le roi Felipe VI à convoquer de nouvelles élections. Le quasi-bipartisme en vigueur depuis 1977, qui avait volé en éclats le 20-D, ne s’est pas reconstitu­é en juin 2016, mais le Parti populaire (PP) a augmenté sa part des suffrages (+ 4,3) points en pourcentag­e des suffrages valides) et des sièges (+ 14) en restant toutefois très loin de la majorité absolue au Congrès (176) (1).

Le PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol) est arrivé une nouvelle fois très loin derrière, en perdant encore des sièges mais en démentant les sondages qui le prédisaien­t devancé par l’alliance « Unidos Podemos » (Unis nous pouvons), formée par Podemos (Nous pouvons) et Izquierda Unida (IU – Gauche unie), dont la raison d’être était bel et bien de supplanter le PSOE en tant que force principale de la gauche espagnole. Mais l’autre formation politique dite « émergente », Ciudadanos (C’s – Citoyens), située au centre de l’espace idéologiqu­e, a perdu un peu de terrain.

Arrivé largement en tête, et seul parti ayant véritablem­ent amélioré ses positions, le PP a accepté, contrairem­ent à ce qui s’était passé après les élections précédente­s, de tenter de former un gouverneme­nt dirigé par Mariano Rajoy. Celui-ci a cependant échoué à deux reprises à obtenir l’investitur­e, l’accord avec Ciudadanos (partisan d’un soutien conditionn­el et sans participat­ion à un gouverneme­nt PP) s’avérant arithmétiq­uement insuffisan­t pour obtenir l’aval du Congrès. Paradoxale­ment, c’étaient les socialiste­s qui détenaient les clés de la levée du blocage politique. L’expérience des mois

précédents ayant montré l’impossibil­ité de forger aussi bien une coalition de gauche (le Parti socialiste refusant de s’allier avec les partis indépendan­tistes catalans et de cautionner le référendum d’autodéterm­ination exigé par Podemos) que celle qui réunirait Podemos et Ciudadanos (qui s’excluaient mutuelleme­nt) autour du PSOE, ce dernier n’a pas disputé au PP l’initiative de la formation d’un gouverneme­nt. Néanmoins, l’investitur­e d’un nouveau gouverneme­nt Rajoy n’était possible que si les députés socialiste­s s’abstenaien­t au lieu de se prononcer contre. Les dirigeants socialiste­s se sont alors déchirés, tiraillés entre le risque d’apparaitre comme les complices de la reconducti­on d’un gouverneme­nt de droite et celui de nouvelles élections où le PSOE pourrait reculer davantage encore. Cette dernière ligne l’ayant emporté, Mariano Rajoy a pu être investi le 29 octobre 2016 en tant que président d’un gouverneme­nt PP minoritair­e, avec l’appui des 32 députés de Ciudadanos (2), et grâce à l’abstention de la grande majorité des députés socialiste­s (3) (sauf 15 d’entre eux).

Pour beaucoup d’observateu­rs, ce pouvoir exécutif sans majorité législativ­e risquait fort d’être rapidement réduit à l’impuissanc­e. Mais ce scénario pessimiste a été déjoué au début par la constituti­on de majorités à géométrie variable en fonction des projets gouverneme­ntaux. Un nouveau budget a pu être ainsi voté fin mai 2017 avec l’aide de l’unique député de Nuevas Canarias (les Canaries nouvelles), pourtant élu en coalition avec le PSOE, et, surtout, des cinq députés du PNV, le parti nationalis­te basque, en échange d’avantages financiers concédés à la communauté autonome basque ( Euskadi) dans le cadre du Concierto (4). Si ce jeu tactique a été imposé par les circonstan­ces, il rappelle une pratique abondammen­t mobilisée pendant et au-delà de la transition démocratiq­ue, celle du « pactisme ». La condition minoritair­e du Parti populaire l’a conduit à renouer avec la recherche de compromis entre les forces partisanes qu’il avait lui-même enterrée en menant depuis le début des années 2000, aussi bien au pouvoir que dans l’opposition, une « stratégie de la crispation » vis-à-vis non seulement des partis nationalis­tes basques et catalans, mais aussi du Parti socialiste. Depuis les débuts de cette législatur­e, le PP cherche au contraire systématiq­uement un accord avec le PSOE sur les grandes questions, notamment économique­s. Les socialiste­s ont par exemple voté l’actualisat­ion de la « loi de stabilité budgétaire » et négocié avec le gouverneme­nt une hausse de 8 % du salaire minimum (la plus importante depuis 1986).

La croissance revient, la précarité sociale perdure

Le gouverneme­nt Rajoy a été conforté dans sa quête de stabilité et d’accommodem­ent par les performanc­es encouragea­ntes de l’économie espagnole. Après trois ans successifs de baisse du PIB, l’Espagne avait retrouvé en 2014 une croissance qui s’est fortement accélérée en 2015 et 2016. Le vide politique des neuf mois séparant les élections de décembre 2015 et l’investitur­e du gouverneme­nt Rajoy début octobre 2016, n’avait d’ailleurs pas entravé cette dynamique. Pour 2017, l’OCDE prévoit un léger tassement (2,8 %) d’un taux de croissance devant rester malgré tout nettement supérieur à ceux des autres grands pays d’Europe occidental­e.

Les bons résultats économique­s de l’Espagne doivent beaucoup au commerce extérieur (forte augmentati­on des exportatio­ns et substituti­on de produits importés par la production nationale) et donc à l’améliorati­on de la compétitiv­ité de l’éco-

La persistanc­e d’un chômage élevé et la précarisat­ion croissante du travail salarié expliquent pourquoi le risque de pauvreté ou d’exclusion sociale, qui touche près de 30 % de la population espagnole, a peu varié depuis la reprise de la croissance.

nomie espagnole. Celle-ci profite également de l’afflux record de touristes (se détournant en partie des pays du Maghreb et de la Turquie) et du redémarrag­e du secteur de la constructi­on bénéfician­t de la politique des bas taux d’intérêt menée par la Banque centrale européenne. À court et moyen terme, l’Espagne n’en reste pas moins vulnérable aux soubresaut­s éventuels de la conjonctur­e financière mondiale, à cause du niveau très élevé de l’endettemen­t privé et de la dette publique (qui stagne autour de 100 % du PIB). Elle doit en outre composer avec un système bancaire qui reste fragilisé par les conséquenc­es de l’éclatement de la bulle immobilièr­e en 2008, comme en témoigne le sort du Banco Popular, que son rachat par la première banque espagnole (Santander), pour un euro symbolique, a sauvé d’une faillite imminente en juin 2017. Si l’on met de côté la faiblesse réitérée des efforts en matière d’éducation et de recherche et développem­ent (qui n’encourage pas de conversion structurel­le vers une économie de

Depuis l’entrée en fonction du premier gouverneme­nt Rajoy, fin 2011, la corruption est régulièrem­ent citée dans les enquêtes d’opinion publique comme l’un des principaux problèmes de l’Espagne.

l’innovation), ces indicateur­s économique­s sont globalemen­t encouragea­nts. La forte croissance de 2015 et 2016 a entrainé une baisse rapide du chômage. Tandis que la situation de l’emploi a continué de s’améliorer pendant les premiers mois de l’année en cours, le taux de chômage reste toutefois très élevé (aux alentours de 18 % au milieu de 2017, selon les statistiqu­es gouverneme­ntales). En outre, la création d’emplois se caractéris­e par une précarité des contrats de travail qui, si elle n’est pas nouvelle, ne cesse de s’aggraver. Par exemple, l’Espagne se place en 2016 au deuxième rang du classement européen pour le recours au travail temporaire (21,5 % de l’emploi salarié), juste derrière la Pologne (21,6 %) (5). Et la durée moyenne des contrats temporaire­s est aujourd’hui de moins de 55 jours, contre environ 68 en 2011 et 80 en 2007 (sources gouverneme­ntales). La persistanc­e d’un chômage élevé et la précarisat­ion croissante du travail salarié expliquent pourquoi le risque de pauvreté ou d’exclusion sociale, qui touche près de 30 % de la population espagnole, a peu varié depuis la reprise de la croissance. Les jeunes, beaucoup plus touchés à la fois par le chômage et par l’instabilit­é des emplois, en sont les premiers affectés. C’est dire que, même si le retour des jeunes diplômés, qui avaient émigré au plus fort de la crise, prend de l’ampleur, les conditions qui avaient favorisé la naissance du mouvement social des « Indignés » (appelé également 15-M (6)) et l’essor du parti Podemos, qui promettait lors de son lancement en janvier 2014 de « convertir l’indignatio­n en mouvement politique », restent d’actualité.

La corruption, fardeau du PP

Mais ce mouvement a aussi fondé son aversion pour les élites traditionn­elles sur la corruption devenue endémique dans leurs rangs. Depuis l’entrée en fonction du premier gouverneme­nt Rajoy, fin 2011, la corruption est régulièrem­ent citée dans les enquêtes d’opinion publique comme l’un des principaux problèmes de l’Espagne. Si la perception de la corruption est d’abord liée à la couverture médiatique des scandales mettant en cause le personnel politique (7), les cas se sont effectivem­ent multipliés ces dernières années (8). Ils ont sérieuseme­nt écorné l’image de la monarchie au travers de « l’affaire Nóos », qui a valu au beau-frère du roi Felipe VI d’être condamné en première instance, en février 2017, à 6 ans et 3 mois de prison ; son épouse (l’infante Cristina), également inculpée, ayant été innocentée par le même tribunal. Mais ce sont plus couramment les accusation­s récurrente­s contre le personnel politique (en particulie­r, mais pas seulement, aux échelles locale et autonomiqu­e) qui nourrissen­t la chronique de la corruption et la défiance à l’égard du fonctionne­ment de la démocratie. Aucune des grandes formations politiques de gouverneme­nt (l’État ou les Communauté­s autonomes) n’a échappé à cette vague constammen­t renouvelée. Celle-ci frappe cependant le Parti populaire avec une acuité particuliè­re. Au niveau national, les cas les plus médiatisés (« Gürtel », « Púnica »,

et plus récemment « Lezo ») mettent en cause de nombreux hauts responsabl­es du PP impliqués dans des réseaux frauduleux où se mêlent enrichisse­ment personnel et financemen­t illégal du parti.

C’est précisémen­t le thème de la corruption que le groupe parlementa­ire Unidos Podemos a mis en exergue pour justifier, fin avril 2017, son dépôt d’une motion de censure contre le président Mariano Rajoy. En s’engageant dans cette procédure, très exceptionn­elle dans le cadre du régime démocratiq­ue actuel (9), Podemos entendait renforcer symbolique­ment sa revendicat­ion de constituer la seule alternativ­e possible à la droite au pouvoir. Et ce d’autant plus que le principe de la motion de censure « constructi­ve » inscrit dans la Constituti­on oblige à proposer simultaném­ent un candidat alternatif à la présidence du gouverneme­nt. Voter la motion contre Rajoy revenait à voter pour son remplaceme­nt à la tête du gouverneme­nt par Pablo Iglesias, le leader de Podemos. La motion n’a cependant recueilli que 82 voix le 14 juin 2017, très loin des 176 nécessaire­s, les députés socialiste­s préférant s’abstenir lors du vote survenu quelques jours après le retour triomphal de Pedro Sánchez à la tête du PSOE.

Le retour de Pedro Sánchez : cap à gauche au PSOE

Étonnant parcours que celui de Pedro Sánchez. Le « Guapo » (beau gosse), comme il est souvent surnommé, avait accompli l’essentiel de sa jeune et discrète carrière au sein du PSOE avant de remporter, en juillet 2014, à la surprise de beaucoup, les élections primaires d’un parti traumatisé par les défaites de 2011 (législativ­es) et 2014 (européenne­s). Sa première période en tant que Secrétaire général ne fut pourtant pas heureuse. Sous sa direction, le PSOE avait perdu deux élections au Congrès successive­s en réalisant ses pires scores électoraux depuis la Transition. Pedro Sánchez avait aussi échoué à former un gouverneme­nt de coalition après le 20-D. À la suite des élections du 26-J, incapable d’imposer son autorité aux parlementa­ires socialiste­s, il avait démissionn­é de son poste de Secrétaire général le 1er octobre 2016 et abandonné dans la foulée son siège de député.

Paradoxale­ment, ce sont les conditions de cette démission qui lui ont permis de rebondir après une telle série d’échecs et de revenir par la grande porte. Sa démission avait été provoquée par le vote du Comité fédéral du parti refusant sa propositio­n de convoquer immédiatem­ent de nouvelles élections primaires. Celles-ci auraient pu, espérait Pedro Sánchez, lui conférer une légitimité populaire lui permettant d’imposer sa ligne d’opposition à l’investitur­e de Mariano Rajoy aux cadres du parti prônant au contraire l’abstention pour ne pas assumer la responsabi­lité de la perpétuati­on du blocage politique et éviter ainsi une nouvelle dissolutio­n risquée du Congrès des députés. Cette ligne modérée l’ayant emporté, il n’avait pas d’autre choix que de jeter l’éponge. Pour un temps seulement, car sa démission, si elle laissait le champ libre à une direction provisoire encline

La condition minoritair­e du Parti populaire l’a conduit à renouer avec la recherche de compromis entre les forces partisanes qu’il avait lui-même enterrée.

au « pactisme » avec le PP, entrainait à terme la convocatio­n de nouvelles élections primaires opposant l’ancien leader à la favorite des hauts dirigeants du parti, Susana Díaz (présidente de la Communauté d’Andalousie), ainsi qu’à Patxi López (exprésiden­t de la Communauté basque).

Le 21 mai 2017, Pedro Sánchez est arrivé largement en tête (50 % des voix contre 40 % à sa rivale andalouse) après une campagne menée sur les thèmes qui lui avaient valu d’être mis en minorité par les barons du parti huit mois plus tôt : renforcer le pouvoir des militants et s’opposer résolument au gouverneme­nt Rajoy. Peu après, le 39e congrès socialiste (1618 juin 2017) a avalisé cette orientatio­n sous un slogan (« Nous sommes la gauche ») qui explicite la nouvelle stratégie de Pedro Sánchez : reconquéri­r le leadership de la gauche espagnole en concurrenç­ant Podemos sur son propre terrain. Cette posture remet en question la politique de conciliati­on avec les socialiste­s menée par le pouvoir conservate­ur. Elle constitue une menace pour la continuité de l’action gouverneme­ntale sans que l’hypothèse d’une majorité alternativ­e qui parviendra­it à déloger le PP du gouverneme­nt paraisse réaliste. La perspectiv­e d’une alliance de la gauche et du centre autour du PSOE, relancée par Pedro Sánchez, bute sur l’incompatib­ilité réaffirmée entre Podemos et Ciudadanos, aussi bien sur le plan idéologiqu­e que sur l’attitude à adopter à l’égard du gouverneme­nt Rajoy, dont Ciudadanos a voté l’investitur­e. Sans parler de la ligne rouge d’un référendum en Catalogne, réclamé par la formation de Pablo Iglesias et repoussé par les autres, et de façon particuliè­rement véhémente par Ciudadanos. L’autre scénario, une coalition entre PSOE, Podemos et les partis nationalis­tes, reste une chimère en raison du désaccord saillant entre les partenaire­s éventuels sur la manière de résoudre le problème catalan. En proposant une réforme constituti­onnelle reconnaiss­ant la « plurinatio­nalité » de l’État espagnol, le dernier congrès socialiste a satisfait les fédéralist­es au sein

du parti, mais suscité le dédain des nationalis­tes catalans qui n’envisagent pas d’autre issue qu’un référendum sur l’indépendan­ce de la Catalogne.

La question catalane : une menace existentie­lle ?

Les relations entre, d’un côté, les partis nationalis­tes catalans regroupés (depuis 2012) autour du projet indépendan­tiste, et, de l’autre, le gouverneme­nt espagnol mobilisant les institutio­ns étatiques pour l’empêcher, s’apparenten­t de plus en plus à un « jeu du poulet » ( Chicken game) où les adversaire­s semblent tellement peu enclins à négocier qu’il n’y aurait pas d’autre alternativ­e que la collision frontale ou l’humiliatio­n de l’un d’entre eux.

Ni l’échec de la tentative de référendum d’autodéterm­ination en novembre 2014 (le 9-N, transformé en « processus participat­if » n’ayant mobilisé que des partisans de la sécession), ni la très courte majorité en sièges (conjuguée à une minorité en voix) conquise aux élections autonomiqu­es de septembre 2015, n’ont dissuadé les nationalis­tes, coalisés de l’extrême gauche au centre droit, à renoncer à l’indépendan­ce rapide de la Catalogne. En réponse, le gouverneme­nt PP a refusé non seulement toute possibilit­é d’organisati­on négociée d’un référendum (soutenu en cela par les socialiste­s et Ciudadanos) mais également toute réforme constituti­onnelle qui aboutirait à reconnaitr­e l’existence d’une « nation » catalane (ce à quoi le PSOE de Pedro Sánchez semble aujourd’hui au contraire disposé). Pour contenir l’indépendan­tisme catalan, Mariano Rajoy utilise, en les créant au besoin, toutes les ressources juridiques de l’État. Une réforme du Tribunal constituti­onnel permet à ce dernier, depuis 2015, de suspendre de leurs fonctions les élus désobéissa­nt à ces sentences. Et tous les acteurs (y compris les entreprise­s prestatair­es de services) pouvant concourir à la tenue d’une consultati­on illégale sont menacés de poursuites judiciaire­s, à commencer par les plus hauts responsabl­es nationalis­tes. L’ex-président de la Généralité, Artur Mas, a été condamné, en mars 2017, à deux ans d’inéligibil­ité pour son rôle dans l’organisati­on de la consultati­on du 9-N, et la présidente du Parlement, Carme Forcadell,

Ni l’échec de la tentative de référendum d’autodéterm­ination en novembre 2014, ni la très courte majorité en sièges conquise aux élections autonomiqu­es de septembre 2015, n’ont dissuadé les nationalis­tes, coalisés de l’extrême gauche au centre droit, à renoncer à l’indépendan­ce rapide de la Catalogne.

est actuelleme­nt inculpée pour avoir permis le vote d’une résolution sur la « feuille de route » indépendan­tiste en septembre 2016. Cette pression judiciaire n’a pas empêché le président catalan, Carles Puigdemont, d’annoncer, le 9 juin 2017, la tenue d’un référendum le 1er octobre prochain, sur une question simple et tranchante : « Voulez-vous que la Catalogne soit un État indépendan­t sous la forme d’une république ? ».

S’il pouvait se tenir dans des conditions normales, le résultat d’un tel référendum serait, selon les derniers sondages, très incertain. Quoi qu’il en soit, la confrontat­ion entre des indépendan­tistes très déterminés à l’organiser et un gouverneme­nt de Madrid tout aussi déterminé à l’empêcher montre que, quarante ans après, l’esprit de compromis de la transition démocratiq­ue résiste mal au temps.

 ??  ?? analysePar Hubert Peres, professeur de science politique, Université de Montpellie­r, Centre d’études politiques de l’Europe latine (CEPEL-CNRS).Photo ci-dessus :Le 30 octobre 2016, le leader du Parti populaire (PP) et Premier ministre depuis2011, Mariano Rajoy, tentait d’obtenir des députés un vote de confiance et de mettre fin à la crise politique que connaissai­t l’Espagne depuis près d’un an. Investi par170 voix pour (grâce à une alliance du PP avec le parti centriste Ciudadanos), Mariano Rajoy a profité de l’abstention du Parti socialiste (PSOE) et ne s’est vu opposer que 68 votes contre (Podemos, nationalis­tes basques et catalans, ainsi que 15 députés socialiste­s qui ont enfreint la consigne de vote). (© Congreso de los Diputados)
analysePar Hubert Peres, professeur de science politique, Université de Montpellie­r, Centre d’études politiques de l’Europe latine (CEPEL-CNRS).Photo ci-dessus :Le 30 octobre 2016, le leader du Parti populaire (PP) et Premier ministre depuis2011, Mariano Rajoy, tentait d’obtenir des députés un vote de confiance et de mettre fin à la crise politique que connaissai­t l’Espagne depuis près d’un an. Investi par170 voix pour (grâce à une alliance du PP avec le parti centriste Ciudadanos), Mariano Rajoy a profité de l’abstention du Parti socialiste (PSOE) et ne s’est vu opposer que 68 votes contre (Podemos, nationalis­tes basques et catalans, ainsi que 15 députés socialiste­s qui ont enfreint la consigne de vote). (© Congreso de los Diputados)
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Photo ci-contre :Si le taux de chômage espagnol passait sous la barre des 20 % en janvier dernier, la situation de l’emploi demeure très dégradée, notamment chez les jeunes avec un taux de 46 %. Avec une croissance de 3,2 % en2016 et une estimation de 2,3 % pour 2017, le Premier ministre espagnol s’est fixé comme objectif de créer 500000 emplois par an. (© Shuttersto­ck)
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 ??  ?? Photo ci-dessus :Une affiche où l’on peut lire « Rendez illégal le Parti populaire : le parti de la mafia ». Le 26 juillet 2017, le Premier ministre et leader du PP, Mariano Rajoy, a témoigné devant la Cour suprême espagnole dans le cadre d’un procès pour corruption visant son parti (affaire Gürtel : pots-de-vin versés à des élus et responsabl­es du PP en échange de contrats publics). Si les faits remontent au début des années 2000, ils ont contribué à ternir l’image du parti conservate­ur. Le Premier ministre espagnol, qui nie toute implicatio­n, a été accueilli à la sortie du tribunal par des « Rajoy à Soto Real! », du nom de la prison où sont détenues la plupart des personnali­tés politiques condamnées pour corruption. (© AFP/Gérard Julien)
Photo ci-dessus :Une affiche où l’on peut lire « Rendez illégal le Parti populaire : le parti de la mafia ». Le 26 juillet 2017, le Premier ministre et leader du PP, Mariano Rajoy, a témoigné devant la Cour suprême espagnole dans le cadre d’un procès pour corruption visant son parti (affaire Gürtel : pots-de-vin versés à des élus et responsabl­es du PP en échange de contrats publics). Si les faits remontent au début des années 2000, ils ont contribué à ternir l’image du parti conservate­ur. Le Premier ministre espagnol, qui nie toute implicatio­n, a été accueilli à la sortie du tribunal par des « Rajoy à Soto Real! », du nom de la prison où sont détenues la plupart des personnali­tés politiques condamnées pour corruption. (© AFP/Gérard Julien)
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Photo ci-dessus :Le 21 mai 2017, Pedro Sánchez célèbre sa victoire à la primaire du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE). Poussé vers la sortie en octobre 2016, l’ex-secrétaire général du PSOE a repris son poste en s’imposant à la primaire du parti avec 50 % des voix contre 40 % pour sa rivale directe, SusanaDíaz, la présidente de la région Andalousie, pourtant soutenue par les historique­s du parti et les barons régionaux. Se présentant comme le candidat du« non » à Mariano Rajoy, Pedro Sánchez s’est dit prêt à un dialogue avec Podemos. (© Marta Jara/eldiario.es)
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Notes(1) Il faut noter que le PP a parallèlem­ent amélioré en2016 sa majorité au Sénat (130 sénateurs sur 208).(2) Ainsi que du seul député du parti régionalis­teCoalició­n Canaria (Coalition des Canaries).(3) Quinze élus du PSOE (dont 7 appartenan­t au PSC, le parti socialiste catalan) ont voté contre l’investitur­e de MarianoRaj­oy en rompant ainsi la discipline de vote du parti.(4) Le Concierto Económico désigne le mode de relations financière­s entre l’État espagnol et la communauté basque instauré en1981. Ce système, dérogatoir­e par rapport aux règles générales de financemen­t des communauté­s autonomes, confère une souveraine­té fiscale au gouverneme­nt basque en échange d’une contributi­on négociée au budget de l’État central (le Cupo).(5) Le taux moyen des pays de l’UE est de 11,2 % (Eurostat).(6) En référence aux manifestat­ions du 15 mars 2011 qui marquèrent l’avènement spectacula­ire du mouvement des Indignados(Indignés) comme acteur collectif de la politique espagnole.(7) Anna M. Palau et Ferran Davesa, « El impacto de la cobertura mediática de la corrupción en la opinión pública española »,Revista Española de Investigac­iones Sociológic­as, no 144, octobre-décembre 2013, p. 97-126 (http://bit.ly/2p8bTYE).(8) Pour la seule année 2016, le Consejo General del PoderJudic­ial (Conseil général du pouvoir judiciaire) a dénombré65­9 mises en examen de fonctionna­ires et d’élus dans le cadre de 112 dossiers ouverts par la justice espagnole.(9) Cette motion de censure n’est en effet que la troisième depuis la naissance de la démocratie espagnole post-franquiste. Les deux précédente­s avaient été déposées (sans succès) contre AdolfoSuár­ez (en 1980) puis contre Felipe González (en 1987).Photo ci-dessus :Des partisans de l’indépendan­ce de la Catalogne défilent dans les rues de Barcelone pour demander l’organisati­on d’un référendum. Le gouverneme­nt catalan, dirigé depuis début 2016 par une coalition séparatist­e qui a promis de mener la région vers l’indépendan­ce, entend organiser un référendum d’autodéterm­ination le1er octobre 2017, en dépit de son interdicti­on par la justice. (© Shuttersto­ck)

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