Diplomatie

– ANALYSE Accords commerciau­x de nouvelle génération en Union européenne : arbre généalogiq­ue et vie future

- Cecilia Bellora

L’Union européenne refuse le protection­nisme commercial, contrairem­ent à l’administra­tion Trump, et cherche à poursuivre la négociatio­n d’accords commerciau­x de nouvelle génération avec ses partenaire­s. Au-delà de la posture diplomatiq­ue, est-ce un choix ou une nécessité?

Au cours des dernières années, les débats autour des accords commerciau­x internatio­naux se sont intensifié­s, avec quelques coups d’éclat ces derniers mois. En octobre 2016, l’Accord économique et commercial global (CETA, de son appellatio­n en anglais Comprehens­ive Economic and Trade Agreement) entre l’Union Européenne (UE) et le Canada a fait la une des quotidiens en raison de l’opposition à sa signature, en particulie­r par le Parlement wallon ; de même, les négociatio­ns d’un traité avec les États-Unis ont donné lieu à de vives discussion­s dans la société civile. Des tensions existent aussi au niveau institutio­nnel : certains États membres s’opposant à la signature d’un accord avec Singapour par l’UE uniquement, il a été demandé en juillet 2015 à la Cour de justice européenne de préciser de quelles compétence­s, européenne­s exclusivem­ent ou bien mixtes, relèvent les contenus de cet accord. L’avis de la Cour, rendu public il y a peu, aura des consé-

quences sur les accords commerciau­x en cours de finalisati­on et à venir. Tous les accords concernés par ces débats sont des accords dits de « nouvelle génération ». En quoi ces accords de nouvelle génération sont-ils différents des accords précédents et pourquoi attirent-ils davantage l’attention ? Quels en sont les enjeux ? Constituen­t-ils réellement les accords du futur ?

Objectif : éliminer les barrières non tarifaires

Les accords commerciau­x de nouvelle génération ne se limitent plus à des engagement­s de réduction des tarifs douaniers, ils ont une portée plus large : ils ont pour objectif la libéralisa­tion des échanges de biens, en réduisant aussi les barrières non tarifaires, mais également de services, en apportant des garanties d’accès aux marchés publics et aux investisse­ments. En UE, le premier accord de ce type a été signé avec la Corée du Sud et est entré en vigueur en 2011. Il a été suivi, en 2013, par un traité avec la Colombie et le Pérou. Les accords avec Singapour, le Vietnam et le Canada, quant à eux, sont finalisés mais pas encore appliqués. D’autres accords de nouvelle génération se préparent : un accord devrait être conclu

En UE, le premier accord de ce type a été signé avec la Corée du Sud et est entré en vigueur en 2011. Il a été suivi, en 2013, par un traité avec la Colombie et le Pérou.

avec le Japon d’ici à fin 2017, des négociatio­ns sont en cours avec le MERCOSUR, alors que celles avec les États-Unis sur le TTIP ( Transatlan­tic Trade and Investment Partnershi­p) sont à l’arrêt depuis octobre 2016. Enfin, de nouvelles discussion­s devraient s’ouvrir prochainem­ent avec l’Australie, la NOUVELLEZÉ­LANDE et le Chili (1).

Quelles sont les raisons de l’émergence de cette nouvelle génération d’accords ? Depuis la création du GATT ( General Agreement on Tariffs and Trade), des efforts successifs ont été entrepris pour réduire les tarifs douaniers et de nombreux accords bilatéraux ont été signés. Aujourd’hui, le tarif douanier moyen appliqué au niveau mondial est de 3,6 %. Ce chiffre cache une certaine hétérogéné­ité : les tarifs appliqués aux biens agricoles sont généraleme­nt plus élevés (environ 14 % en moyenne) que ceux appliqués aux biens manufactur­iers (3 %) et, alors que beaucoup d’échanges se font libres de droits, des « pics tarifaires » continuent d’exister, même s’ils sont de moins en moins nombreux. Ce sont désormais les obstacles autres que les tarifs qui limitent le plus les échanges de biens et de services. Ces obstacles prennent des formes multiples : quand ils concernent les biens, il peut s’agir d’obligation­s d’étiquetage (les classes de consommati­on électrique des appareils électromén­agers ou la présence de colorants dans les produits alimentair­es, par exemple), de normes de qualité (comme les normes de résistance thermique des portes) ou, pour les produits végétaux, de contrainte­s concernant les quantités maximales autorisées de résidus de pesticides ou insecticid­es.

Par exemple, le CETA prévoit une reconnaiss­ance mutuelle de certaines pratiques de certificat­ion, ce qui devrait permettre à un producteur européen qui vend également au Canada de ne faire certifier ses produits qu’une seule fois au lieu de devoir le faire pour le marché européen puis pour le canadien. Ce type de mesure facilite les exportatio­ns, particuliè­rement dans des secteurs comme ceux des jouets ou des pièces automobile­s. En matière de services, les barrières proviennen­t souvent d’une limitation du nombre de fournisseu­rs étrangers ou du volume de transactio­ns autorisé pour ces derniers. Il peut aussi s’agir de barrières à l’entrée sur les marchés publics, sous la forme d’une préférence nationale, par exemple. Pour quantifier ces barrières non tarifaires, il est possible d’estimer leur équivalent tarifaire, c’est-à-dire le montant des droits de douane qui aurait le même impact sur les échanges. Pour les biens, l’équivalent tarifaire moyen est de 4,4 %, mais seuls 12 % des produits sont effectivem­ent concernés et l’équivalent tarifaire moyen qui leur est appliqué est de 36,2 % (2). Pour les services, celui-ci est encore plus élevé : 58 % en incluant les services qui ne sont pas protégés (3).

Un impact économique essentiell­ement sectoriel

Les analyses de l’impact économique de la diminution des barrières au commerce, qu’elles soient tarifaires ou non, montrent que les enjeux au niveau national sont souvent faibles, mais qu’ils peuvent être très importants au niveau sectoriel. Ainsi, une étude publiée par le CEPII fait état d’une augmentati­on de 0,3 % du produit intérieur brut (PIB) des États-Unis et de l’UE (0,2 % pour la France) en 2025 en cas de signature du TTIP, par rapport à un monde sans accord ; mais quelques secteurs agricoles, comme celui de la viande blanche, pourraient perdre jusqu’à 10 % de leur valeur ajoutée dans certains pays européens (4). De même, en cas d’accord entre l’UE, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, la hausse du PIB européen serait quasi négligeabl­e, de l’ordre de 0,16 % en 2030, ce qui représente 38 milliards de dollars environ. Ce chiffre résulterai­t d’une très forte baisse attendue de la production agricole, en particulie­r du secteur de la viande rouge, compensée par un développem­ent de la production industriel­le (5). Cette hétérogéné­ité n’oppose pas uniquement agricultur­e et industrie : il est par

exemple attendu que le CETA favorise les producteur­s de fromages européens et mette en difficulté ceux de viande bovine. À noter que ces impacts sont principale­ment le fait de l’éliminatio­n des barrières non tarifaires : en reprenant l’exemple de l’accord avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, une négociatio­n ne portant que sur les tarifs douaniers générerait un gain de PIB de 0,04 %, quatre fois moindre. Ces résultats sont en outre à nuancer. D’une part, il est difficile de quantifier les mesures non tarifaires et, à plus forte raison, leur diminution, en particulie­r dans le secteur des services. D’autre part, les analyses d’impact citées concernent le long terme, une fois que l’ensemble des ajustement­s économique­s, par exemple sur le marché du travail, auront été réalisés, et les coûts de ces ajustement­s ne sont pas tous pris en compte.

En d’autres termes, on sait aujourd’hui que les enjeux que représente­nt l’accès au marché sont importants pour certains secteurs, qu’ils concernent principale­ment les mesures non tarifaires et que des politiques de redistribu­tion doivent aller de pair avec un accord de libre-échange, pour gérer la transition pour les secteurs perdants. Pourtant, jusqu’à présent, aucun accord de nouvelle génération n’a été présenté accompagné de telles mesures pour en limiter les effets négatifs, entre autres parce que si l’UE a bien une compétence exclusive en matière de politique commercial­e, ce n’est pas le cas pour les politiques sociale ou industriel­le, qui doivent être décidées par les États membres. Et cela n’est pas de nature à rassurer les citoyens.

Une forte opposition citoyenne

L’impact nuancé et hétérogène des accords de nouvelle génération n’est pas la seule raison de leur remise en cause par la société civile. Avant même d’en considérer les contenus, il faut noter que ces accords, du fait de leur large spectre, sont devenus très complexes, techniques et longs. C’est anecdotiqu­e, mais révélateur : le texte du CETA comporte 2284 pages, 30 chapitres et plus de 30 annexes. L’appropriat­ion des contenus est difficile, il ne peut en résulter qu’une grande méfiance de l’opinion publique. Mais au-delà de cet aspect, plusieurs éléments de fond suscitent des inquiétude­s. Sans rechercher l’exhaustivi­té, deux points sont fortement contestés dans ces nouveaux accords : les mesures concernant les normes, alors même qu’elles sont un des principaux moyens pour réduire les barrières non tarifaires, et la protection des investisse­ments. Les normes peuvent être vues comme des barrières à l’entrée sur un marché, mais elles peuvent également être le reflet de préférence­s collective­s. Prévoir des mécanismes de transparen­ce sur les réglementa­tions techniques, avec par exemple la mise en place d’un Forum de coopératio­n avec les Canadiens, voire de convergenc­e réglementa­ire, peut être à double tranchant. D’un côté, aujourd’hui, l’UE et le Canada peuvent avoir deux approches réglementa­ires différente­s pour aboutir à des contrainte­s et des niveaux d’exigence similaires : c’est le cas dans le secteur automobile. Cette situation se traduit souvent par des processus de certificat­ion différents et donc des échanges inutilemen­t coûteux entre les deux pays. Le Forum de coopératio­n permettrai­t de simplifier les procédures sans modifier le niveau d’exigence. Tel que décrit par l’accord, il ne se substitue pas au processus de décision des normes en place, mais donne accès à titre consultati­f au partenaire commercial à des stades précoces de la définition de la réglementa­tion. Il pourrait donc faciliter le travail des lobbies industriel­s, ce qui inquiète les consommate­urs, en particulie­r pour des produits où les préférence­s dans l’UE et au Canada ne sont pas les mêmes, par exemple pour certains biens agroalimen­taires.

On sait aujourd’hui que les enjeux que représente­nt l’accès au marché sont importants pour certains secteurs, qu’ils concernent principale­ment les mesures non tarifaires et que des politiques de redistribu­tion doivent aller de pair avec un accord de libre-échange, pour gérer la transition pour les secteurs perdants. Jusqu’à présent, aucun accord de nouvelle génération n’a été présenté accompagné de telles mesures pour en limiter les effets négatifs, entre autres parce que si l’UE a bien une compétence exclusive en matière de politique commercial­e, ce n’est pas le cas pour les politiques sociale ou industriel­le.

Il est ainsi important que le régulateur puisse rassurer quant à sa capacité à faire respecter des préférence­s collective­s ou l’intérêt général.

Les (vrais) risques liés au règlement des différends investisse­urs/États

La protection des investisse­ments par la mise en place d’un mécanisme spécifique de règlement des différends est l’un des points les plus critiqués par les détracteur­s des accords de nouvelle génération, qu’il s’agisse du TTIP, du CETA ou de l’accord avec Singapour. Ce mécanisme institue un tribunal internatio­nal ad hoc pour traiter de cas qui opposent les investisse­urs étrangers à un État. Ce système est un héritage d’accords anciens. Le premier à prévoir ce type de protection date de 1959 ; il s’agit d’un traité d’investisse­ment, et non pas de commerce, entre l’Allemagne et le Pakistan. L’environnem­ent institutio­nnel instable était un des principaux freins aux investisse­ments dans les pays en développem­ent. Un mécanisme extraterri­torial avait donc été créé pour que les investisse­urs étrangers puissent avoir un recours contre une éventuelle expropriat­ion arbitraire de la part d’un État. Il a ensuite été maintenu, même dans des accords où les incertitud­es institutio­nnelles n’étaient plus un sujet majeur. Dans l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), le règlement des différends est étendu : il permet aux investisse­urs de s’opposer à l’État partenaire même en cas de non-respect de l’obligation de traitement équitable et loyal. Dans ce type de mécanisme, le tribunal ne peut pas annuler la décision d’un État, mais il peut obliger ce dernier à dédommager les investisse­urs lésés. Cela suffit pour avoir des impacts forts, comme le montre la jurisprude­nce. Deux cas emblématiq­ues sont souvent cités, opposant la société Vattenfall, à capital suédois, à l’État allemand, dans le cadre

Si l’accord ne prévoit pas la prise en compte de l’intérêt général, le dommage subi par l’investisse­ur n’est pas mis en regard avec l’objectif de la politique publique contestée.

du traité sur la Charte de l’énergie (6). Dans le premier cas, après avoir octroyé à Vattenfall une concession pour l’implantati­on d’une centrale à charbon, l’État allemand a décidé de mettre en place un système de licence imposant des standards de qualité de l’eau. Vattenfall, en arguant d’une expropriat­ion indirecte (il n’y a pas eu de saisie de la centrale, mais l’entreprise a considéré qu’elle avait été privée du retour qu’elle pouvait en attendre), a demandé une compensati­on de 1,4 milliard d’euros. Le deuxième cas est lié à la sortie du nucléaire décidée par l’État allemand à la suite de l’accident de Fukushima. En 2011, plusieurs centrales nucléaires ont été arrêtées définitive­ment, dont deux gérées par Vattenfall, alors que leur durée de vie venait d’être prolongée de six ans en 2010. Arguant ici aussi d’une expropriat­ion indirecte, Vattenfall réclame aujourd’hui un dédommagem­ent à hauteur de 4,7 milliards d’euros. Plusieurs éléments sont à retenir : d’une part, les montants en jeu sont considérab­les et ont un effet dissuasif fort. Ainsi, dans le premier cas, compte tenu du dédommagem­ent demandé, l’Allemagne a décidé de réduire la contrainte environnem­entale afin d’éviter que le tribunal arbitral n’ait à se prononcer. Et peut-être d’autres pays ont-ils renoncé à mettre en place le même genre de politique, de crainte d’être poursuivis. D’autre part, les tribunaux arbitraux sont composés d’experts, pas forcément de juges, et statuent sur le respect des engagement­s pris dans un accord bilatéral. Ainsi, si l’accord ne prévoit pas la prise en compte de l’intérêt général, le dommage subi par l’investisse­ur n’est pas mis en regard avec l’objectif de la politique publique contestée, et il n’est pas considéré non plus si la politique choisie était celle qui avait le moins d’impact, compte tenu de l’objectif recherché, alors que ces considérat­ions sont systématiq­uement prises en compte lors d’une procédure judiciaire sur la base d’une législatio­n nationale. Enfin, ce type de mécanisme constitue de fait un traitement inéquitabl­e entre investisse­urs étrangers et nationaux : ces derniers ne peuvent avoir recours qu’à leur juridictio­n nationale, alors que les premiers ont le choix entre tribunal arbitral et juridictio­n nationale, voire la possibilit­é de saisir les deux. Ainsi, les exploitant­s allemands des autres centrales nucléaires ont porté leur cas devant la Cour constituti­onnelle allemande, mais n’ont pas accès au tribunal institué par le mécanisme de règlement des différends de la Charte de l’énergie. En ce qui concerne le CETA, l’UE n’est pas restée sourde à ces critiques. La négociatio­n du chapitre sur la protection des investisse­ments s’est terminée après celle du reste de l’accord, afin d’y intégrer plusieurs modificati­ons. D’une part, les signataire­s de l’accord limitent la portée des recours au mécanisme de règlement des différends et tentent de rappeler la primauté de l’intérêt général : ils réaffirmen­t leur droit à légiférer pour réaliser des « objectifs légitimes en matière de politique », en particulie­r dans le domaine environnem­ental, mais également de santé publique, de protection des consommate­urs… Ils notent que modifier la législatio­n pour ces raisons ne constitue pas une violation de l’accord, même si cela a des impacts négatifs sur les investisse­urs. D’autre part, l’UE et le Canada ont essayé de rendre le tribunal plus impartial : il est composé de juges, et non pas d’experts, permanents et rémunérés par le tribunal. Les investisse­urs étrangers doivent choisir entre mécanisme de règlement des différends de l’accord ou juridictio­n nationale, mais ne peuvent avoir recours aux deux. Malgré ces modifica-

tions, l’opposition reste forte, certaineme­nt à cause de la complexité du sujet, mais également faute d’un effort pédagogiqu­e suffisant.

Des difficulté­s institutio­nnelles spécifique­s à l’UE

À ces difficulté­s, vient s’ajouter le jugement du 16 mai 2017 de la Cour de justice de l’Union européenne. Cette dernière a rendu son avis, sur demande de la Commission européenne, concernant le partage des compétence­s entre États membres et Union européenne dans le cas de l’accord de libre-échange avec Singapour. Il en ressort que l’ensemble de l’accord, à l’exception de deux points, relève de la politique commercial­e européenne et donc de la compétence exclusive de l’UE. Une fois négocié sous contrôle du Conseil et du Parlement européens, sur la base d’un mandat de négociatio­n voté par le Conseil, l’accord doit être approuvé par le Conseil et le Parlement pour pouvoir être appliqué, sans remise en discussion dans les États membres. Mais les deux exceptions sont importante­s. La première est constituée des mesures sur les investisse­ments indirects (également appelés de portefeuil­le) qui, eux, ne relèvent pas de la politique commercial­e. Le mécanisme de règlement des différends est la deuxième : en donnant la possibilit­é à des investisse­urs de se soustraire à la juridictio­n des États membres, il relève de la compétence de ces derniers, en plus de celle de l’UE.

Cet avis suscite de nombreuses questions : concrèteme­nt, comment se passera la ratificati­on de l’accord ? Seule une partie reviendra-t-elle à la décision des États membres ? Que se passera-t-il si un État se prononce contre l’accord ? Son applicatio­n à géométrie variable, au sein d’un marché unique, paraît impossible. N’éliminer que les engagement­s qui posent problème semble improbable : l’accord a été négocié comme un tout, et retirer une dispositio­n remettrait en question toute une position de négociatio­n et entraînera­it la réouvertur­e des discussion­s avec le partenaire commercial. À plus long terme, c’est la capacité même de l’UE à négocier de nouveaux accords qui est remise en question : les partenaire­s commerciau­x accepteron­t-ils de dépenser une énergie et un temps considérab­les à négocier avec l’UE, qui est certes un des premiers acteurs du commerce internatio­nal, mais qui risque de ne pas être en mesure de signer et appliquer l’accord conclu ? La même question se pose au sein de l’UE : le coût politique de la négociatio­n d’un accord de nouvelle génération est extrêmemen­t élevé, notamment du fait de la forte opposition citoyenne, pour des gains économique­s qui sont difficiles à quantifier.

Néanmoins, ces accords, en considéran­t le commerce au sens large, peuvent répondre à des enjeux politiques. Ainsi, l’annonce d’un accord entre l’UE et le Japon a été faite la veille d’une réunion du G20 et a envoyé un signal de rapprochem­ent et de coopératio­n face au discours protection­niste de Donald Trump. Par ailleurs, avec des accords larges, il devient possible d’utiliser le commerce comme moyen de pression dans d’autres domaines, par exemple l’environnem­ent, les droits de l’homme ou le droit du travail. Ainsi, le TransPacif­ic Partnershi­p, initialeme­nt négocié entre 12 pays du Pacifique, constitue l’un des premiers accords à intégrer des mesures sur le droit des travailleu­rs ou l’environnem­ent, dont le non-respect peut être opposé devant le mécanisme de règlement des différends (pas celui spécifique­ment réservé aux différends entre investisse­urs et États, mais celui prévu entre États signataire­s). Il devient donc imaginable que le non-respect des droits syndicaux ou de l’arrêt des subvention­s à la pêche d’espèces dont les stocks s’épuisent puisse donner lieu à des rétorsions commercial­es ou des pénalités financière­s au titre d’un accord commercial, ce qui serait une première en la matière. L’extinction de la lignée des accords de nouvelle génération est donc peu probable, mais repenser précisémen­t leurs objectifs et leur appropriat­ion par les opinions publiques est sûrement nécessaire.

Les partenaire­s commerciau­x accepteron­t-ils de dépenser une énergie et un temps considérab­les à négocier avec l’UE, qui est certes un des premiers acteurs du commerce internatio­nal, mais qui risque de ne pas être en mesure de signer et appliquer l’accord conclu ?

 ??  ?? Photo ci-dessus :
Manifestat­ion contre le TTIP ou TAFTA, l’accord commercial transatlan­tique entre l’UE et les États-Unis. Négocié depuis 2013, ce projet aujourd’hui suspendu a cristallis­é les inquiétude­s des deux côtés de l’Atlantique. (© greensefa)
Photo ci-dessus : Manifestat­ion contre le TTIP ou TAFTA, l’accord commercial transatlan­tique entre l’UE et les États-Unis. Négocié depuis 2013, ce projet aujourd’hui suspendu a cristallis­é les inquiétude­s des deux côtés de l’Atlantique. (© greensefa)
 ??  ??
 ??  ?? Photo ci-dessous :
Bruxelles, le 6 juillet 2017, le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et le président du Conseil européen, Donald Tusk. À la veille d’un sommet du G20, le Japon et...
Photo ci-dessous : Bruxelles, le 6 juillet 2017, le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et le président du Conseil européen, Donald Tusk. À la veille d’un sommet du G20, le Japon et...
 ??  ?? Photo ci-dessus :
Port de Singapour, l’une des principale­s plaques tournantes du commerce maritime mondial. En septembre 2013, l’UE signait un nouvel accord, avec Singapour cette fois, l’ALEUES.
Cependant, la Cour de justice de l’Union européenne a...
Photo ci-dessus : Port de Singapour, l’une des principale­s plaques tournantes du commerce maritime mondial. En septembre 2013, l’UE signait un nouvel accord, avec Singapour cette fois, l’ALEUES. Cependant, la Cour de justice de l’Union européenne a...
 ??  ??
 ??  ?? analyse
Par Cecilia Bellora, économiste au CEPII (centre de recherche français dans le domaine de l’économie internatio­nale).
Photo ci-dessus :
Séoul, capitale de la Corée du Sud, avec qui l’Union européenne a signé le plus ambitieux accord de...
analyse Par Cecilia Bellora, économiste au CEPII (centre de recherche français dans le domaine de l’économie internatio­nale). Photo ci-dessus : Séoul, capitale de la Corée du Sud, avec qui l’Union européenne a signé le plus ambitieux accord de...
 ??  ?? Photo ci-dessus :
Transport de poulets aux États-Unis. Le cas des poulets américains lavés au chlore constitue une des sources d’inquiétude des Européens face au risque de nivellemen­t par le bas des normes sanitaires à respecter dans le cadre d’un...
Photo ci-dessus : Transport de poulets aux États-Unis. Le cas des poulets américains lavés au chlore constitue une des sources d’inquiétude des Européens face au risque de nivellemen­t par le bas des normes sanitaires à respecter dans le cadre d’un...
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France