Diplomatie

– ANALYSE Malte, une île au centre de controvers­es contempora­ines

- Léa Lemaire

En soulignant la persistanc­e de l’implicatio­n de l’île-État dans l’évasion fiscale et le blanchimen­t d’argent malgré son adhésion à l’Union européenne, l’assassinat d’une journalist­e en 2017 a aussi mis en exergue l’intelligen­ce diplomatiq­ue du plus petit État membre et le maintien de son système politique corrompu.

Le 16 octobre 2017, une journalist­e maltaise, Daphne Caruana Galizia, est assassinée dans l’explosion de sa voiture. Le blog qu’elle tenait, Running Commentary, était connu pour dénoncer des scandales de corruption, de blanchimen­t d’argent et d’évasion fiscale. Ce meurtre remet alors la lumière sur les pratiques de corruption de la classe politique maltaise déjà dénoncées dans les années 1990 et que l’adhésion de Malte à l’Union européenne (UE) était censée faire disparaîtr­e. Cependant, il ne faut pas y voir une tradition maltaise qui résisterai­t au temps. Au contraire, l’île de Malte s’est très bien adaptée aux règles d’une économie libérale et mondialisé­e, avec une politique d’optimisati­on fiscale avantageus­e pour les entreprise­s, les riches particulie­rs et les activités mafieuses. De plus, Malte, qui est pourtant le plus petit État membre de l’UE, avec un territoire de 316 km2 et une population de 434 433 habitants (1), est parvenue à se faire une place sur la scène européenne, tout en prenant des positions et des mesures plus que controvers­ées, comme la mise en vente de la nationalit­é maltaise.

Une enquête critiquée qui suscite le mécontente­ment d’une partie de la population

Une enquête a été ouverte à la suite de l’assassinat de Daphne Caruana Galizia et des experts du FBI et d’Europol ont été appelés en renfort sur l’île. Cependant, l’enquête est vivement critiquée par la famille de la défunte qui demande la démission du Premier ministre. La piste privilégié­e par l’entourage du gouverneme­nt maltais, celle d’un règlement de comptes lié au trafic de pétrole libyen sur lequel la journalist­e aurait été en train d’investigue­r, est contestée par la famille, qui affirme

qu’elle ne travaillai­t pas sur ce sujet. Dans le cadre de l’enquête, le 4 décembre 2017, une opération conduite par l’armée et la police a été annoncée en grande pompe par les services du Premier ministre. Dix personnes ont été arrêtées. Sept d’entre elles ont été relâchées et trois ont été mises en examen. Ces trois personnes sont déjà connues des services de police pour des affaires de braquage. Cette opération est intervenue trois jours après la visite d’une délégation du Parlement européen qui était chargée d’examiner le système judiciaire maltais. L’un de ses membres, Sven Giegold, a ensuite déclaré que ses collègues et lui-même étaient particuliè­rement inquiets quant au respect de l’État de droit à Malte.

Des manifestat­ions spontanées ont eu lieu sur l’île pour demander que justice soit faite, et pour rendre hommage à la journalist­e. Elle s’était notamment distinguée par le rôle important qu’elle avait joué peu de temps auparavant dans les Panama Papers. Elle avait alors accusé Michelle Muscat, la femme du Premier ministre travaillis­te maltais, de détenir un compte offshore au Panama, provoquant des élections anticipées. Le parti travaillis­te, qui était au pouvoir, a finalement de nouveau remporté le scrutin de juin 2017 et Joseph Muscat a conservé son poste de Premier ministre. Le travail de Daphne Caruana Galizia ne visait pas uniquement les proches du gouverneme­nt. La blogueuse avait également enquêté sur le chef de l’opposition, Adrian Delia, qu’elle avait accusé de blanchimen­t d’argent provenant d’un réseau de prostituti­on. M. Muscat et M. Delia avaient tous deux intenté des poursuites en diffamatio­n contre Mme Caruana Galizia. Les manifestan­ts qui défilaient en son honneur accusaient le gouverneme­nt de ne pas l’avoir protégée et de fermer les yeux sur la criminalit­é. Certaines pancartes avaient comme slogan les mots écrits par la journalist­e dans un article qu’elle a posté sur son blog peu de temps avant son assassinat : « Il y a des escrocs partout où tu regardes maintenant. La situation est désespérée ». En outre, un sit-in s’est tenu devant les locaux de la police afin de demander la démission du commissair­e adjoint, Silvio Valletta. Silvio Valletta n’est autre que le mari de Justyne Caruana, une ministre du gouverneme­nt travaillis­te maltais qui était la cible de vives critiques de la part de la journalist­e. Ces revendicat­ions, qui ont également été exprimées par le Civil Society Network, n’ont pas été entendues, dans un pays où la vie politique est dominée par deux partis politiques : les travaillis­tes au pouvoir et les nationalis­tes dans l’opposition.

Une vie politique marquée par la domination de deux partis politiques

La vie politique telle qu’elle est actuelleme­nt observable sur l’île se constitue au moment de l’indépendan­ce dans les années 1960 (Malte est une ancienne colonie britanniqu­e). Alors qu’au sortir de la colonisati­on, le jeu politique maltais est caractéris­é par le multiparti­sme, le processus d’indépendan­ce se solde par la domination de deux grands partis majoritair­es : le parti nationalis­te et le parti travaillis­te. La polarisati­on des clivages politiques à Malte est telle que le parti travaillis­te et le parti nationalis­te rassemblen­t à eux seuls 98 % des votes aux élections législativ­es et ce, depuis 1970. Le pouvoir législatif maltais est monocaméra­l. Le Parlement est constitué de la chambre des représenta­nts, qui compte 65 sièges. Ses membres sont élus au suffrage universel, sur la base d’une représenta­tion proportion­nelle, pour un mandat de cinq ans. Les résultats des élections sont toujours très serrés. Un candidat a seulement besoin de 3300 voix pour être élu, ce qui encourage les relations personnell­es entre les candidats et leurs électeurs. Chaque parti possède une chaîne de télévision, une station de radio et un quotidien politique. Les partis ont leur hymne, leur emblème et leur drapeau, sans parler des clubs politiques, dont les réseaux sont extrêmemen­t développés à travers l’île. Depuis l’indépendan­ce de Malte en 1964, ils se sont succédé au gouverneme­nt. Les nationalis­tes gouvernent de 1964 à 1971, puis les travaillis­tes de 1971 à 1987. Les nationalis­tes reprennent le pouvoir de 1987 à 1996. Ils le cèdent aux travaillis­tes entre 1996 et 1998. Le parti nationalis­te revient au pouvoir en 1998 pour ne plus le quitter jusqu’en 2013. Ce sont ensuite les travaillis­tes qui gagnent les élections de 2013 et de 2017. Chacun des deux partis est ainsi toujours capable de former une majorité, alors même que le système électoral maltais repose sur un fonctionne­ment à la proportion­nelle, ce qui montre d’autant plus la force des allégeance­s partisanes. Si les allégeance­s partisanes sont aussi prégnantes, c’est parce qu’elles recoupent des clivages sociaux historique­ment construits sous la période coloniale. Ces clivages se sont exprimés à travers une querelle linguistiq­ue qui consistait à déterminer si l’italien ou l’anglais deviendrai­t une langue nationale

Les résultats des élections sont toujours très serrés. Un candidat a seulement besoin de 3300 voix pour être élu, ce qui encourage les relations personnell­es entre les candidats et leurs électeurs.

à Malte. Le parti nationalis­te a été fondé en 1880, il est issu de la faction pro-italienne de Malte qui constituai­t l’élite intellectu­elle de l’île au XIXe siècle. Ce parti s’est particuliè­rement illustré dans le processus de décolonisa­tion vis-à-vis des colons britanniqu­es. Le parti travaillis­te s’est également formé au XIXe siècle pour représente­r les intérêts des travailleu­rs. Il est issu de la faction pro-anglaise de l’île. La querelle linguistiq­ue entre les pro-italiens et les pro-anglais, née au XIXe siècle, se prolonge au XXe pour se solder par la domination de l’anglais. Si elle n’est plus d’actualité, elle a contribué à sceller les appartenan­ces partisanes dont l’existence perdure aujourd’hui. Celles-ci recoupent en outre des clivages de classe et d’idéologie. Elles sont fortement ancrées socialemen­t et dépendante­s des traditions familiales.

À titre d’exemple, les deux partis dominant le champ politique maltais se sont particuliè­rement opposés sur la question de l’entrée de Malte à l’UE. Le débat relatif à l’adhésion s’est inscrit dans un questionne­ment historique national concernant l’indépendan­ce de l’île-État vis-à-vis d’une tutelle extérieure. D’un côté, le parti travaillis­te, historique­ment le parti de la classe ouvrière, des non-alignés et de l’anticléric­alisme, s’est fermement opposé à l’entrée de l’État maltais dans l’Union. De l’autre, le parti nationalis­te, traditionn­ellement le parti des classes moyennes, des entreprene­urs et de l’Église, a fortement soutenu l’adhésion. Alors que les nationalis­tes défendaien­t les opportunit­és que l’Europe pouvait apporter à Malte, notamment économique­s, les travaillis­tes mettaient en avant la perte de souveraine­té qu’engendrera­it l’adhésion. C’est finalement le camp des pro-Européens qui l’a emporté, à l’issue d’un référendum qui s’est tenu le 8 mars 2003. Plus de 53 % des voix se sont prononcées pour le « oui », contre 46 % de « non », avec un taux de participat­ion de 91 %. Depuis 2004, Malte est membre de l’UE et l’adhésion n’est plus un sujet de controvers­es entre les deux grandes forces politiques de l’île. Malgré l’inimitié ancestrale entretenue entre travaillis­tes et nationalis­tes, ces derniers se retrouvent sur plusieurs enjeux, et notamment sur celui de la fiscalité. Malte a récemment été accusée d’être un paradis fiscal par des journalist­es d’investigat­ion et des organisati­ons non gouverneme­ntales (ONG). En effet, Oxfam a placé Malte sur sa liste noire des paradis fiscaux en 2017. En revanche, le gouverneme­nt et l’opposition refusent conjointem­ent le qualificat­if de place offshore attribué à Malte. Le parti nationalis­te et le parti travaillis­te s’accordent pour défendre le secteur financier qui représente­rait 10 000 emplois sur l’île et 257 millions d’impôts par an sur les sociétés offshore détenues par les étrangers. Par ailleurs, certains députés, qu’ils soient travaillis­tes ou nationalis­tes, sont employés en tant que juristes ou avocats dans le secteur de la finance. Ils n’ont donc aucun intérêt à ce que la politique fiscale maltaise soit dénoncée.

Une île au coeur de l’économie mondiale, de l’évasion fiscale et du blanchimen­t d’argent

À l’instar des économies capitalist­es occidental­es, à la fin des années 1980, l’économie maltaise s’est transformé­e pour s’adapter aux règles de la concurrenc­e internatio­nale. Un port franc a notamment été créé, spécialisé dans le transborde­ment de containers. Il fait désormais de Malte une place centrale au sein du trafic de marchandis­es en Méditerran­ée. Si l’économie maltaise s’est conformée aux impératifs de l’économie globale de marché, elle a dû également s’adapter aux critères de Maastricht. De la sorte, le secteur public a été drastiquem­ent réduit. En 2008, Malte a adhéré à la zone euro. Elle en est depuis lors la plus petite économie. L’île est extrêmemen­t dépendante en matières premières et ne dispose pas d’un tissu industriel développé. Pourtant, la situation économique maltaise est marquée par un certain dynamisme. Malte a été peu affectée par la crise de 2008. Son taux de chômage est peu élevé (4,8 % en 2016) et son taux de croissance relativeme­nt fort (4,1 % en 2016). Ses activités économique­s sont essentiell­ement tournées vers les services, ce secteur représenta­nt plus de 80 % du PIB. Le tourisme constitue 30 % du PIB, avec 1,6 million de touristes qui visitent Malte chaque année. Si l’économie maltaise est attractive, c’est notamment grâce à sa fiscalité. De ce point de vue, le cadre réglementa­ire est léger et pro-entreprise­s. Une législatio­n libérale favorise par exemple l’essor des firmes spécialisé­es dans les paris et jeux en ligne (11 % du PIB) (2).

Plusieurs enquêtes conduites par des journalist­es d’investigat­ion ont montré que Malte peut être considérée comme un paradis fiscal au coeur de l’UE. En effet, l’île s’est spécialisé­e

L’île de Malte s’est très bien adaptée aux règles d’une économie libérale et mondialisé­e, avec une politique d’optimisati­on fiscale avantageus­e pour les entreprise­s, les riches particulie­rs et les activités mafieuses.

dans l’optimisati­on fiscale. C’est ce que montrent les Malta Files. Ayant connu un retentisse­ment moindre que les Panama et Paradise Papers, les révélation­s dévoilées par les Malta Files n’en sont pas moins choquantes. Cette enquête, publiée en mai 2017 et réalisée conjointem­ent par Médiapart et l’EIC (European Investigat­ive Collaborat­ions), accuse Malte, où l’impôt sur les sociétés serait le plus faible de l’UE, d’être un paradis fiscal pour les propriétai­res de yachts et les grands patrons. D’après les Malta Files, les constructe­urs automobile­s français Renault et PSA, dont l’État français est en partie actionnair­e, ont éludé 119 millions d’euros d’impôts en installant leurs filiales d’assurances à Malte. Au total, les journalist­es ayant contribué à cette enquête estiment que l’île de Malte priverait chaque année ses partenaire­s de 2 milliards d’euros de recettes fiscales. Ce que les Malta Files révèlent en outre, c’est que Malte, en tant que paradis fiscal, permettrai­t de masquer des activités de blanchimen­t d’argent et de corruption. L’île serait ainsi le haut lieu du blanchimen­t d’argent de la mafia italienne, ferait transiter des millions de commission­s occultes d’une multinatio­nale suisse et abriterait des opérations de corruption impliquant l’État turc.

Ces révélation­s, si elles ont le mérite d’avoir été rendues publiques, ne semblent pas annoncer un changement de pratiques. Certes, d’ici à 2019, Malte devra transposer en droit national une série de directives fiscales, comme tous les membres de l’UE. Mais les autorités maltaises s’avèrent réticentes à lutter contre l’optimisati­on fiscale, tant à une échelle nationale qu’européenne. En effet, lorsque Malte a assuré la présidence tournante du Conseil de l’UE de juillet à décembre 2017, l’île-État n’a pas fait du combat contre l’évasion fiscale son cheval de bataille. Au contraire, Malte, tout comme les autres membres de l’UE considérés comme paradis fiscaux, à savoir le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Irlande, s’évertue à faire reculer toutes les initiative­s qui iraient dans ce sens. Les réformes fiscales, nécessitan­t l’unanimité des 27 pour être adoptées, sont compromise­s par les menaces de veto exercées par Malte, ainsi que par les autres paradis fiscaux européens. Si les représenta­nts de Malte sur la scène européenne s’efforcent de protéger les intérêts maltais en termes de fiscalité, ils sont également engagés sur d’autres dossiers, et notamment sur celui de l’immigratio­n. Malte, en tant que petit État, pèse a priori peu sur la scène européenne et internatio­nale. Cependant, ses représenta­nts se sont impliqués dans des activités de lobbying efficaces qui sont par ailleurs extrêmemen­t critiquées et critiquabl­es.

Un petit État fort en négociatio­ns internatio­nales aux choix souvent condamnabl­es

À partir de son adhésion à l’UE en 2004, puis de son entrée dans l’espace Schengen en 2008, Malte a centré ses relations avec l’UE sur la question de l’immigratio­n. Les représenta­nts de Malte ont utilisé les migrants secourus en mer et transférés sur l’île comme une ressource pour peser au sein de négociatio­ns européenne­s et internatio­nales. Le nombre de migrants arrivés par voie maritime augmente au début des années 2000 et passe de 57 en 2001 à 1686 en 2002, puis se maintient plus ou moins sur toute la décennie : 1388 personnes en 2004, 1397 en 2009 (3). La majorité de ces personnes demande l’asile aux autorités maltaises. Dans la perspectiv­e de l’adhésion de Malte à l’UE, l’île-État se doit désormais d’accueillir ces demandeurs d’asile sur son territoire (règlement Dublin). Au regard des nouvelles responsabi­lités incombant à Malte, deux types de réponses ont été apportés par la majorité nationalis­te au pouvoir de 1998 à 2013. D’une part, les autorités maltaises ont développé une politique de détention systématiq­ue des migrants à l’arrivée pouvant durer jusqu’à 18 mois. D’autre part, les représenta­nts maltais ont revendiqué que soit instauré un mécanisme de « partage » des migrants secourus en mer et escortés sur l’île.

Les revendicat­ions maltaises ont d’abord été entendues par les États-Unis qui, à partir de 2007, se sont engagés à accueillir des réfugiés de Malte. Elles ont ensuite été prises en compte par la Commission européenne, qui en 2009, 2010 et 2011 a

Au total, l’île de Malte priverait chaque année ses partenaire­s de 2 milliards d’euros de recettes fiscales.

financé des projets pilotes qui avaient comme but de sélectionn­er des migrants de Malte pour les transférer vers d’autres États européens. Ces programmes de sélection et de transfert de migrants, appelés « relocalisa­tions », ont ensuite été mis en oeuvre en Italie et en Grèce à partir de 2015. Malte a ainsi servi de laboratoir­e pour expériment­er des politiques visant à gouverner les migrations à l’échelle de l’UE. Néanmoins, ces politiques sont vivement critiquées par des représenta­nts d’ONG, des juristes et des universita­ires en ce qu’elles conduisent à opérer un « tri » des migrants qui met en péril le respect des droits fondamenta­ux.

Si les autorités maltaises sont parvenues à se faire entendre sur la question migratoire, elles ont été vivement contestées en raison du traitement réservé aux migrants sur l’île. À cet égard, Malte a été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’homme. Dans un arrêt datant de 2013 (n° 55352/12 du 23 juillet), la cour déclare que Malte a enfreint l’article trois de la Convention européenne des droits de l’homme concernant la prohibitio­n de traitement­s inhumains et dégradants. Malgré les critiques qu’elle a suscitées, la gestion des migrants à Malte a longtemps fait l’objet d’un consensus entre les deux grandes forces politiques. Ainsi les travaillis­tes, dans l’opposition jusqu’en 2013, ont encouragé les activités de lobbying conduites par les nationalis­tes en vue de la création d’un mécanisme de relocalisa­tion des migrants de Malte. Ils ont également soutenu la politique de détention systématiq­ue des migrants mise en place par le gouverneme­nt nationalis­te. Néanmoins, lorsque les travaillis­tes reprennent le pouvoir, ils amendent la politique de détention en 2015. Cette réforme, qui n’avait pas fait l’objet d’une promesse de campagne, serait plus le résultat de négociatio­ns bilatérale­s avec les autorités italiennes que d’une volonté d’améliorer le traitement des migrants (4). En effet, l’État maltais aurait concédé des droits de forage à l’Italie dans des zones faisant l’objet de litiges entre les deux États. En retour, les autorités italiennes se chargeraie­nt de secourir les migrants en Méditerran­ée centrale pour le compte de leurs homologues maltais. Par conséquent, le nombre de migrants secourus en mer et transférés à Malte a drastiquem­ent baissé depuis 2015.

Toujours en matière d’immigratio­n, en 2013, le Parlement de Malte a approuvé une loi sur l’achat de la nationalit­é maltaise, et par extension de la citoyennet­é européenne. Cette mesure, baptisée Individual Investor Programme, est destinée à attirer de riches investisse­urs sur l’île (5). Elle est défendue par le gouverneme­nt travaillis­te mais elle a été vivement critiquée par les députés d’opposition nationalis­tes, ainsi que par des représenta­nts de la Commission européenne et des membres du Parlement européen, même si les conditions d’obtention de la nationalit­é demeurent une compétence exclusive des États membres. Sous la pression, le gouverneme­nt de La Valette a accepté d’édulcorer son projet, en incluant une clause de résidence de 12 mois minimum et la nécessité de démontrer un lien réel avec Malte. Néanmoins, l’Individual Investor Programme vise uniquement des candidats extrêmemen­t aisés. Les conditions d’acquisitio­n de la nationalit­é maltaise sont les suivantes : acquérir un bien immobilier d’une valeur minimale de 350 000 euros ; investir au minimum 150 000 euros dans des obligation­s du gouverneme­nt ; réaliser une contributi­on sous la forme d’une donation au fonds national de développem­ent de Malte d’un montant de 650 000 euros. Le coût global pour l’obtention de la nationalit­é maltaise s’élève ainsi à un peu plus d’un million d’euros. Ce programme représente­rait 220 millions d’euros de recettes pour l’État maltais. Avant sa mort, Daphne Caruana Galizia avait d’ailleurs travaillé sur la mise en vente de la nationalit­é maltaise (6). La journalist­e avait dénoncé les pratiques d’impunité qui sévissent à Malte. Si sa mort montre que le combat pour une société plus juste est encore long, elle a également suscité de nouveaux engagement­s. En effet, des journalist­es maltais souhaitant porter la voix du changement ont créé un nouveau média : The Shift.

Malte a centré ses relations avec l’UE sur la question de l’immigratio­n. Les représenta­nts de Malte ont utilisé les migrants secourus en mer et transférés sur l’île comme une ressource pour peser au sein de négociatio­ns européenne­s et internatio­nales.

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(© Shuttersto­ck/ Giannis Papanikos) Photo ci-contre : Le 14 avril 2017, des migrants éthiopiens ont trouvé refuge dans une église de La Valette. Une situation devenue fréquente sur cette île aux prises depuis 2002 avec d’importants problèmes d’immigratio­n clandestin­e en provenance d’Afrique.

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