Une monnaie CEDEAO ?
Depuis 2000, les pays de l’Afrique de l’Ouest ont exprimé leur volonté d’accélérer le processus d’intégration monétaire avec un projet prévoyant la création en deux phases d’une monnaie unique. Premièrement, le lancement, en janvier 2015, d’une monnaie commune par les pays membres de la Zone monétaire d’Afrique de l’Ouest (ZMAO : soit la Gambie, le Ghana, la Guinée, le Libéria, le Nigéria et la Sierra Leone). Puis, la ZMAO devait fusionner avec l’UMOA pour créer une nouvelle monnaie unique dans l’ensemble des quinze pays membres de la CEDEAO. Après trois reports, en 2003, 2005 et 2009, les responsables ouest-africains ont finalement renoncé, en 2014, à lancer l’eco un an plus tard, invoquant le niveau insuffisant de préparation et de convergence économique entre les États membres de la ZMAO. Le récent débat sur la Zone franc et sa réforme a relancé au début de 2018 ce projet d’une zone monétaire CEDEAO. L’objectif serait d’impulser les échanges intrarégionaux encore trop modestes et de créer une solidarité à quinze. Le développement des activités bancaires transfrontières, des marchés de capitaux et des institutions financières régionales pourrait progressivement, et à l’avantage de tous, conduire à une mutualisation des ressources et à un plus grand partage des risques. Les chefs d’État ont donc décidé, début 2018, de reprogrammer la création de la monnaie unique (la kori) pour 2020. Cette échéance est-elle réaliste ? Avant de tomber dans l’optimisme naïf qui a prévalu jusqu’à présent, il faut mesurer que le défi de l’élargissement est considérable, avec un Nigéria omnipotent, fort de ses 186 millions d’habitants, et de nouveaux candidats à l’adhésion, dont le Maroc. Il faudra moderniser la gestion monétaire afin de faciliter la fusion des différents mécanismes monétaires (réserves, parité notamment) et, plus difficile encore, instaurer les mécanismes conduisant à une convergence économique (par l’harmonisation budgétaire et fiscale notamment). Quoi qu’il en soit, un tel élargissement ne pourrait se faire que par étapes, au fur et à mesure de la maturation des économies concernées, et aussi des conquêtes démocratiques pour construire un ordre social plus ouvert.
P. Jacquemot