Diplomatie

Autour de la crise entre le Qatar et l’Arabie saoudite, grandes manoeuvres sur la mer Rouge

- Marc Lavergne

Un an après le début de la crise diplomatiq­ue avec l’Arabie et ses alliés, et malgré leurs ultimatums, le Qatar a développé une série d’alliances avec d’autres acteurs régionaux rétifs aux ambitions de Riyad, dans une contre-offensive qui élargit les enjeux à toute la zone environnan­t la péninsule Arabique.

La crise diplomatiq­ue créée par le blocus du Qatar à l’initiative de l’Arabie saoudite et de ses alliés depuis le 5 juin 2017 s’est enlisée : les mesures d’embargo diplomatiq­ue et de blocus économique n’ont pas conduit le Qatar à résipiscen­ce, bien au contraire…

Une opération concertée avec les États-Unis

Le défi lancé au Qatar par le prince héritier Mohamed ben Salmane (MBS) d’Arabie a sans doute été décidé lors de la visite que Donald Trump avait effectuée à Riyad deux semaines plus tôt. Le but recherché était de rétablir la suprématie menacée de l’Arabie saoudite sur le monde arabe et musulman et de restaurer le partenaria­t stratégiqu­e des États-Unis avec l’Arabie saoudite (1).

À la suite des accords de Genève sur le contrôle du programme nucléaire iranien, l’Iran, plus peuplé, à la maind’oeuvre mieux formée, à la gouvernanc­e moins opaque que le royaume saoudien, offrait désormais plus d’attrait aux milieux d’affaires occidentau­x. La coalition réunie en 2015 pour écraser la rébellion houthiste au Yémen devait montrer que le royaume wahhabite gardait la capacité de protéger les intérêts de l’Occident dans la péninsule Arabique, et pouvait mobiliser nombre d’amis et d’obligés au sein du monde arabo-musulman. Il s’agissait aussi de rappeler

la prééminenc­e saoudienne aux partenaire­s mineurs au sein du Conseil de coopératio­n du Golfe (CCG). Mais l’incapacité de Riyad à vaincre la rébellion au Yémen jetait un doute persistant sur l’avenir du Royaume, et de la monarchie qui avait donné son nom à un pays géré comme une propriété privée. L’élection de Donald Trump a donc été pour MBS une divine surprise : le nouveau président a immédiatem­ent confirmé le retour à la position américaine traditionn­elle dans la région. Parmi les prétextes invoqués pour mettre fin au rôle de trublion régional joué par le Qatar depuis une vingtaine d’années figure en première ligne son soutien aux « mouvements terroriste­s islamistes », Frères musulmans, Al-Qaïda et Daech confondus. Or ces soutiens ne sont que les instrument­s d’une politique d’influence qui a son pendant en Arabie saoudite et ne reflètent en rien une position idéologiqu­e en faveur de l’islam politique. Quant à la mansuétude de l’émirat à l’égard de l’Iran, elle n’est que l’expression d’une politique réaliste fondée sur une histoire et des intérêts communs, en particulie­r le gisement gazier offshore du North Dome, partagé entre les deux pays, et d’une politique d’équilibre entre ses deux puissants voisins.

David contre Goliath ? Une asymétrie trompeuse

Pour ses instigateu­rs, la reddition du Qatar ne devait être qu’une formalité : soit l’émir se soumettrai­t, soit il se démettrait. Que pesait le Qatar avec ses 20 000 km2 et ses 250 000 citoyens, contre des Saoudiens cent fois plus nombreux sur un territoire cent fois plus vaste ? Voilà une vingtaine d’années, un ambassadeu­r de France à Doha me confiait : « Vous savez, ici, c’est la ville d’Auxerre ! » Certes, cela était vrai pour la taille de sa population (80 000 habitants à l’époque), et les 29 membres, hommes et femmes, du premier conseil municipal (couvrant tout l’émirat) faisaient penser à un conseil de famille. De quoi incarner une sorte de démocratie directe, même si la diversité d’origines, de castes, de tribus, de rites des citoyens de ce petit État, dont 80 % de la population réside dans la capitale, révèle de réels clivages économique­s, politiques et sociaux (2).

Outre la richesse apportée par les ressources gazières, la méfiance à l’égard de l’Arabie constitue un élément important de cohésion. Depuis le XVIIIe siècle au moins, les tentatives des tribus bédouines du Nejd (plateau central d’Arabie saoudite) de s’approprier ce balcon sur le Golfe n’ont pas manqué. Et sans la « protection » britanniqu­e imposée au début du XIXe siècle, toute la rive sud du Golfe serait passée sous la tutelle de ces prédicateu­rs guerriers wahhabites. D’ailleurs, la dynastie qatarienne des Al-Thani est non seulement elle-même issue du Nejd, mais elle est plus élevée dans la hiérarchie tribale que celle des Al-Saoud. Ces choses-là comptent, dans le rapport de force actuel, et dans la perception qu’en ont ses spectateur­s, du Koweït à Oman.

La légitimité du pouvoir qatarien n’est donc pas contestée, même si sa transmissi­on ne s’est jamais faite sans heurts depuis l’indépendan­ce ; ce pouvoir obéit à une ligne qui n’a pas varié dans la conduite des affaires du pays et il est servi par un personnel expériment­é et compétent. L’objectif est d’assurer la pérennité de cet émirat qui fut longtemps le parent pauvre au sein du CCG et a une conscience aiguë de sa vulnérabil­ité. La disponibil­ité de ressources financière­s illimitées a sans nul doute beaucoup fait pour permettre au pouvoir de tenir face à un embargo qui, compte tenu de la configurat­ion du territoire, fait figure de blocus (3). Mais cette résistance doit aussi beaucoup au soutien tacite de deux des six membres du CCG, le Koweït et Oman, qui ont proclamé leur neutralité.

Le Koweït, aîné des émirats du Golfe, est toujours respecté de ses pairs pour son – relatif – avant-gardisme politique et social, pour la sage gestion de ses colossales ressources, pour son engagement ancien en faveur de la cause arabe et palestinie­nne, pour l’habile gestion de son encombrant entourage, entre Iran, Irak et Arabie saoudite, ainsi que pour la coexistenc­e pacifique qui y règne entre sunnites et chiites. Il s’est proposé pour jouer, comme de tradition entre les tribus bédouines aux prises pour un pâturage ou un point d’eau, un rôle d’honnête entremette­ur. En vain… mais on s’est sans doute réjoui au fond du Golfe de la leçon donnée par le Qatar à la morgue saoudienne.

Quant à Oman, lui aussi facteur apprécié de sagesse et d’apaisement dans la région, son refus de rejoindre la coalition antiQatar n’a pas surpris. Mais son rôle a été déterminan­t pour permettre le maintien d’une ouverture du Qatar sur le monde extérieur. Koweït-City comme Mascate ont fait preuve de courage et d’intelligen­ce politiques, comprenant que, derrière Doha, c’étaient toutes les capitales du Golfe qui étaient visées par la tentative de reprise en main saoudienne.

L’engagement sans réserve des Émirats arabes unis aux côtés de l’Arabie saoudite révèle quant à lui l’ampleur des changement­s survenus depuis la crise de 2008 dans la balance des forces entre Dubaï et Abou Dhabi au sein de la fédération. Les liens historique­s, humains et économique­s étroits entre

Koweït-City comme Mascate ont fait preuve de courage et d’intelligen­ce politiques, comprenant que, derrière Doha, c’étaient toutes les capitales du Golfe qui étaient visées par la tentative de reprise en main saoudienne.

Dubaï et Doha n’ont été d’aucun poids dans la décision de Mohammed ben Zayed Al-Nahyan (MBZ, prince héritier d’Abou Dhabi) de soutenir la décision saoudienne. L’entente entre ce dernier et le prince héritier d’Arabie est si étroite qu’Abou Dhabi est devenu le modèle vers lequel MBS veut conduire son pays. Dubaï n’est donc plus en mesure de faire entendre sa voix pour défendre ses intérêts liés au commerce avec l’Iran, et qui l’ont toujours conduit par le passé à adopter une attitude plus conciliant­e que ses partenaire­s au sein des ÉAU ou du CCG.

Derrière le duel, la multiplica­tion des acteurs et des enjeux

Cette crise a rapidement impliqué bon nombre d’acteurs sommés de part et d’autre de prendre parti ou intéressés à soutenir un champion. À l’Arabie et aux ÉAU se sont joints l’Égypte et Bahreïn, qui a perdu toute autonomie depuis l’interventi­on saoudienne pour sauver la monarchie lors du printemps de Manama en 2011. Ce « quatuor » a reçu le soutien d’une vingtaine de pays afro-asiatiques, dont la fidélité s’est effilochée au fil des mois, beaucoup de ces États ayant également reçu des donations ou des investisse­ments qatariens.

Le soutien au Qatar de la Turquie et de l’Iran est d’une autre envergure : ces deux pays y ont vu une occasion d’élargir leur champ d’interventi­on et d’acquérir une nouvelle stature sur la scène internatio­nale. L’alliance apparemmen­t contre nature du Qatar, pays arabe, d’obédience officielle wahhabite, avec la Turquie, héritière de l’Empire ottoman qui était au XIXe siècle encore le suzerain (de rite hanéfite) des rivages du Golfe, et avec les héritiers iraniens de l’Empire perse safavide qui embrassa le chiisme n’est pas que de circonstan­ce. Le cheikh Hassan, collection­neur et vice-président de Qatar Museums (4), me rappelait naguère, en me faisant visiter ses collection­s privées, que le Qatar se voyait, grâce à sa fortune, investi comme l’héritier de l’Empire abbasside qui avait donné au monde arabe son rôle de passeur entre les civilisati­ons. Et le musée d’art islamique de Doha en témoigne aujourd’hui, qui compte dans ses collection­s bien plus d’artefacts de l’Inde des Moghols, de la Perse ou d’Asie centrale que d’oeuvres « arabes ». Ainsi donc l’armée turque, membre de l’OTAN, mais qui a soutenu l’État islamique et tous les mouvements terroriste­s actifs dans la région, voisine-t-elle avec l’armée américaine, qui bombarde depuis la base d’Al-Udeid les villes d’Irak contrôlées par l’État islamique, tandis que l’Iran des mollahs soutient le Qatar, qui a hébergé et soutenu les mouvements qui, des Frères musulmans à l’État islamique, s’opposent aux milices chiites et au Hezbollah. On le voit, la dimension ethnorelig­ieuse ne compte que dans la mesure où elle participe à la quête de puissance et de reconnaiss­ance sur l’échiquier régional. C’est de l’autre côté de la Péninsule, sur la mer Rouge, que l’on peut chercher les clés des comporteme­nts opportunis­tes de ces nouveaux acteurs qui se déploient au-delà de leurs aires classiques d’interventi­on.

Du Golfe à la mer Rouge, la boîte de Pandore ?

Reflet des préoccupat­ions liées à la recherche de relais de croissance après la fin des hydrocarbu­res ? Quête du contrôle des rives d’une mer libre qui voit passer les deux tiers du commerce maritime mondial ? La mer Rouge est, sur toute sa longueur et sur ses deux rives, l’objet d’une course effrénée à la prise de gages par les puissances qui s’affrontent aujourd’hui dans le Golfe (5).

Le Yémen à l’encan

La descente aux enfers du Yémen depuis le printemps arabe en 2011 et l’éviction du président Ali Abdallah Saleh a été marquée par l’entrée en jeu progressiv­e d’acteurs locaux et de leurs soutiens extérieurs, qui ont plongé le pays dans une guerre civile devenue inextricab­le. Si le conflit trouve ses origines dans des facteurs internes, comme la frustratio­n née du déclin politique et économique des montagnard­s du pays profond, au profit des riverains des côtes, l’Arabie saoudite a voulu y voir une menace iranienne sur son flanc sud, et le prince MBS l’a entraînée depuis 2015 dans une guerre dévastatri­ce et ruineuse. Tandis que l’Arabie saoudite et une coalition hétéroclit­e soutenue par les pays occidentau­x tentent en vain de déloger les rebelles houthistes de la capitale, Sanaa, leurs alliés émiriens poursuiven­t un objectif différent : prendre le contrôle durable de la façade maritime de l’Hadramaout, condition d’un accès au grand large. Le golfe Persique est en effet une mer fermée et vulnérable, tandis que l’avenir du commerce mondial se joue sur les rives des océans et dans les ports en eau profonde. Ses forces armées se sont donc emparées des ports de Mukalla, repris à Al-Qaïda, puis d’Aden,

L’engagement sans réserve des Émirats arabes unis aux côtés de l’Arabie saoudite révèle l’ampleur des changement­s survenus depuis la crise de 2008 dans la balance des forces entre Dubaï et Abou Dhabi au sein de la fédération.

siège du gouverneme­nt « légal » du président en exil à Riyad, Abd Rabbo Mansour Hadi.

Abou Dhabi a même occupé l’île yéménite de Socotra, au large du golfe d’Aden : l’occupation de l’ancienne base militaire soviétique s’est muée en une implantati­on durable, avec la mise en oeuvre de projets de développem­ent touristiqu­e de luxe et d’infrastruc­tures qui menacent l’environnem­ent de cette île préservée (6). En filigrane transparaî­t donc la volonté des Émirats de rendre au Yémen du Sud l’indépendan­ce perdue en 1990 et à nouveau revendiqué­e en vain lors de la guerre de 1994. Cette ambition émirienne de mainmise sur le littoral du golfe d’Aden ne peut que contrarier les projets saoudiens et porte en elle le germe de conflits futurs entre les deux alliés d’aujourd’hui.

Oman étranglé ?

Une victime collatéral­e de ces grandes manoeuvres serait le sultanat d’Oman. Celui-ci a comme souci constant le maintien de la stabilité régionale, et la préservati­on de son indépendan­ce. Mais son encercleme­nt par les Émirats serait une menace directe contre ses intérêts économique­s : la montée en puissance actuelle du port en eau profonde de Salalah, au Dhofar, conçu comme un hub de transborde­ment des cargaisons destinées au Golfe, mais aussi à tous les ports de la côte africaine, subirait la concurrenc­e d’Aden, d’ores et déjà géré par Dubai Port World (DP World) (7). Pris entre les intérêts concurrent­s de ses voisins, Oman risquerait alors de se déchirer selon des lignes de fracture internes à la société omanaise, devenue plus perméable que naguère aux influences extérieure­s.

Jeu de go en mer Rouge

Mais c’est surtout vers la mer Rouge que l’attention se porte : les initiative­s des puissances riveraines et régionales révèlent un jeu de go grandeur nature, où chaque joueur avance ses pions économique­s et stratégiqu­es sans toujours se soucier de coordinati­on ou d’alliances, dans une véritable course contre la montre.

Le verrouilla­ge du détroit de Bab el-Mandeb

Le port de Djibouti abrite désormais, outre la base aéronavale française, le Combined Joint Task Force - Horn of Africa (CJTF-HOA) de l’AFRICOM américain installé au camp Lemonnier, d’où sont pilotées toutes les interventi­ons militaires secrètes ou discrètes des États-Unis sur le continent africain ; l’oecuménism­e de cette plate-forme se traduit également par une présence militaire chinoise, japonaise et saoudienne. Le port de commerce est quant à lui géré par DP World (8), qui traite ainsi l’essentiel du commerce extérieur de l’Éthiopie, en plein boom économique, mais enclavée.

DP World assure en même temps la remise en état du port de Berbera, ancienne base navale soviétique, située au Somaliland voisin et qui constitue une voie d’accès alternativ­e aux hauts plateaux éthiopiens. Le fait que ce pays ne soit pas reconnu par la communauté internatio­nale n’est pas considéré par les ÉAU comme un obstacle à une coopératio­n militaire, ce qui exaspère Mogadiscio (9).

L’armée émirienne a également créé de toutes pièces une base aéronavale d’envergure à Assab, en Érythrée, pourtant en état de guerre larvée avec l’Éthiopie depuis le conflit frontalier meurtrier de 1998-2000 (10). Ce dispositif militaire et commercial des Émirats n’est que le prolongeme­nt de sa ligne de points d’appui tissée de Socotra au Hadramaout.

L’Iran doit (encore ?) se contenter de sa base navale de Djask à l’entrée du détroit d’Ormuz et de son port commercial

La dimension ethnorelig­ieuse ne compte que dans la mesure où elle participe à la quête de puissance et de reconnaiss­ance sur l’échiquier régional.

de Chabahar, développé en coopératio­n avec l’Inde pour desservir l’Afghanista­n. Il est donc handicapé dans son soutien par voie maritime aux rebelles houthistes du Yémen, soumis à un blocus maritime internatio­nal.

La Turquie, en revanche, deuxième armée de l’OTAN et toujours candidate à l’entrée dans l’Union européenne, cherche à renforcer sa présence économique en Afrique. Elle s’engage dans la reconquête des points d’appui historique­s de l’Empire ottoman et dans la constituti­on d’un « front du refus » de la suprématie occidental­e dans la région.

C’est ainsi qu’a été annoncée en février 2018 la cession à la Turquie du port soudanais de Souakin, appelé à devenir une base navale de première importance face au Hedjaz et aux Lieux Saints conquis par Ibn Séoud sur les Ottomans entre 1924 et 1926. Le financemen­t des travaux de restaurati­on du port et de constructi­on de la base militaire sera assuré par le Qatar, pour un montant estimé à plus de 4 milliards de dollars ! Cette implantati­on de la Turquie, épaulée par le Qatar, en terre africaine, a plusieurs implicatio­ns. Elle concrétise une alliance ancienne entre le Soudan et le Qatar qui, dès les années 1990, visait à prendre en étau l’Arabie saoudite, lorsque Oussama ben Laden avait établi sa base à Tokar, sur les rives soudanaise­s de la mer Rouge. Elle marque aussi le soutien apporté au Soudan dans sa confrontat­ion avec l’Égypte. Souakin a également été, durant des siècles, le point de passage vers La Mecque pour les pèlerins du Sahel ; elle pourrait aujourd’hui, en retour, devenir la porte d’entrée de la Turquie vers ces marchés, où le Qatar, à travers son fonds souverain, a des intérêts importants. Les visées turques ne s’arrêtent pas là, puisque le pays entretient également des forces armées au Puntland et à Mogadiscio et que la visite de Recep Tayyip Erdogan en Afrique au mois de février 2018 a été l’occasion de rappeler son désir d’être un partenaire du développem­ent sur tout le littoral de l’océan Indien (11).

Entre golfes de Suez et d’Aqaba, un codévelopp­ement très politique

À l’entrée nord de la mer Rouge se joue un autre scénario, qui n’est cependant pas, lui non plus, sans rapport avec la crise du Golfe. En effet, le projet de doublement du canal de Suez annoncé par le maréchal Sissi, avec en perspectiv­e l’établissem­ent de zones franches industriel­les et commercial­es sur ses rives, a été suivi en 2017 de l’annonce du projet NEOM par le prince MBS. Ce projet gigantesqu­e consiste essentiell­ement à développer l’attractivi­té touristiqu­e du rivage saoudien de la mer Rouge en créant une zone extra-territoria­le d’un coût de 500 milliards de dollars, loin des centres économique­s et des concentrat­ions urbaines de l’Arabie. Volet important de son plan « Vision 2030 », sans contours précis, l’annonce de ce projet avait de toute évidence pour but d’obtenir une assurancev­ie pour la monarchie et pour le prince héritier de la part des marchés internatio­naux des capitaux. Elle a été complétée par la cession par l’Égypte des îles Sanafir et Tiran à l’Arabie saoudite, puis par l’annonce par le maréchal Sissi de son propre projet de mise en valeur du Sud du Sinaï.

On peut voir dans ces annonces visant des régions excentrées de chacun des pays partenaire­s une préoccupat­ion stratégiqu­e : la concrétisa­tion sur le terrain de l’associatio­n de quatre pays – l’Arabie et l’Égypte, rejointes par Israël et la Jordanie – proches de l’entrée méridional­e du canal de Suez, unis par une crainte commune de l’Iran. Ces pays partagent la même volonté de « régler » la question palestinie­nne, d’éliminer le Hamas et le Hezbollah, de reprendre la main en Syrie et en Irak, et, par-dessus tout, de mettre un terme au régime des mollahs et à toute opposition à leur tutorat sur le sol de la Péninsule et de l’ensemble du Moyen-Orient. Reste à vérifier si les déclaratio­ns emphatique­s et la diplomatie du carnet de chèques peuvent pallier la faiblesse des ressources humaines, les dissension­s masquées entre les agendas nationaux et la versatilit­é possible des soutiens extérieurs, sans compter les résistance­s à l’ordre imposé des groupes rebelles, qui jouissent d’un certain soutien auprès des peuples de la région.

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Photo ci-dessus : Vue aérienne de Doha, capitale du Qatar. Si l’émirat est sous le coup d’un blocus terrestre depuis bientôt un an, les quotidiens saoudiens se font actuelleme­nt l’écho d’une idée consistant à transforme­r la presqu’île du Qatar en une île, en creusant un canal tout le long des 60 km de la frontière arabo-qatarienne pour détacher le Qatar de la terre ferme saoudienne. (© Shuttersto­ck/Ivan Kurmyshov)
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Photo ci-contre : Téhéran a immédiatem­ent apporté son soutien au Qatar dans la crise qui l’opposait à l’Arabie saoudite et à ses alliés. Cependant, « il existe toujours entre [le Qatar] et l’Iran un grand nombre de désaccords en matière de politique étrangère », selon la déclaratio­n du ministre qatarien desAffaire­s étrangères en février dernier. (© President.ir)
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Photo ci-dessus : Le 15 novembre 2017, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, est reçu à Doha par l’émir du Qatar, Tamim ben Hamad Al-Thani. Lors de cette visite, la Turquie a réaffirmé son soutien militaire au Qatar, pays dans lequel elle dispose depuis 2016 d’une base militaire permanente qui devrait accueillir à terme 3000 soldats. (© AFP/Yasin Bulbul/Turkish Presidenti­al Press)
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Photo ci-contre : Le 21 mai 2017,Donald Trump rencontre l’émir du Qatar à Riyad. Le président américain avait dans un premier temps semblé prendre fait et cause pour Riyad, accusant le Qatar de soutenir le terrorisme. Mais il a ensuite changé de ton et a finalement entrepris de tenter de les rapprocher. Le Qatar abrite la base d’AlUdeid, la plus grande base aérienne américaine dans la région. Le 10 avril 2018, en pleine visite de l’émir du Qatar à la Maison-Blanche, l’administra­tion américaine a donné son feu vert à la vente de missiles guidés au Qatar pour un montant de 300 millions de dollars. (© White House/Shealah Craighead)

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