Diplomatie

Jérusalem, ou l’Intifada rampante

- Nicolas Dot-Pouillard

En reconnaiss­ant Jérusalem comme capitale d’Israël, Donald Trump a offert une victoire diplomatiq­ue incontesta­ble à Israël. Mais la décision du président américain n’est pas sans conséquenc­es : elle alimente la colère de la rue palestinie­nne, et prépare peut-être une nouvelle Intifada.

Le 6 décembre 2017, Donald Trump tient sa promesse de campagne : il reconnaît Jérusalem comme capitale d’Israël, et annonce vouloir y établir une ambassade. À partir de mai 2018, le personnel diplomatiq­ue américain travaillan­t à Tel-Aviv doit être progressiv­ement déplacé à Jérusalem. Avec cette décision, un double consensus historique s’est brisé. Il est d’abord américain. Certes, en 1995, le Congrès vote un Jerusalem Embassy Act, prévoyant de déplacer l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem dans un délai maximal de quatre ans. La loi comprend cependant une clause dérogatoir­e, permettant à la présidence de l’Union d’en suspendre l’applicatio­n pour six mois. Même le très néo-conservate­ur George W. Bush, peu suspect de grandes sympathies à l’égard des Palestinie­ns, s’était, de 2001 à 2009, plié à l’exercice : deux fois par an, il ajournait la décision du Congrès. Bill Clinton, George W. Bush, Barack Obama : tous trois donnaient officielle­ment la priorité à un règlement négocié de la question de Jérusalem. En ce sens, la décision du président américain Donald Trump met explicitem­ent fin à la séquence « Oslo » (1993), et enterre la perspectiv­e d’une souveraine­té palestinie­nne sur la partie arabe de Jérusalem, minée par la colonisati­on : en janvier 2017, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a autorisé la constructi­on de 566 nouveaux logements à l’est de la ville.

Le second consensus brisé est internatio­nal. En novembre 1947, le plan de partage onusien de la Palestine, sous mandat britanniqu­e, met Jérusalem et Bethléem sous le régime du « corpus separatum » (corps séparé) : la résolution 181 veut en faire des enclaves sous juridictio­n internatio­nale. En 1949, Israël considère pourtant Jérusalem-Ouest comme sa capitale. En juillet 1980, la Knesset vote une Loi fondamenta­le, faisant de la ville

sainte – y compris sa partie arabe occupée – la capitale éternelle et indivisibl­e d’Israël. La décision est condamnée par les résolution­s onusiennes 476 et 478 – cette dernière demande notamment aux États membres de l’ONU de retirer leurs ambassades de Jérusalem. La position de Donald Trump constitue donc un passage en force, à l’encontre du droit internatio­nal. Elle enterre également l’attelage certes précaire du Quartet pour le Moyen-Orient, composé des États-Unis, de la Russie, de l’Union européenne et des Nations Unies : né en 2002, le Quartet était notamment opposé à l’annexion israélienn­e de Jérusalem et à la colonisati­on des Territoire­s occupés.

La nouvelle doctrine américaine concernant Jérusalem n’a rien d’un coup de folie présidenti­el passager – un sésame explicatif souvent accolé à l’image de Donald Trump.

Convergenc­e américano-israélienn­e

La nouvelle doctrine américaine concernant Jérusalem n’a rien d’un coup de folie présidenti­el passager – un sésame explicatif souvent accolé à l’image de Donald Trump. Les Israéliens peuvent s’appuyer sur de solides relais au sein de l’administra­tion présidenti­elle, qui ont une vision idéologiqu­e du conflit israélo-arabe. Le nouvel ambassadeu­r américain à Jérusalem, David Friedman – un ancien avocat du Président – est un fervent partisan de la colonisati­on. Jared Kushner – le gendre de Donald Trump et son envoyé spécial pour le Proche-Orient – est un proche de la famille de l’actuel Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou.

La décision américaine s’inscrit également dans une conjonctur­e spécifique : depuis l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis (novembre 2016), la convergenc­e stratégiqu­e entre les États-Unis et Israël – notamment sur le dossier iranien – est totale. L’administra­tion Obama était en froid avec Tel-Aviv : les autorités israélienn­es reprochaie­nt notamment au leadership démocrate d’être trop conciliant avec l’Iran et d’avoir cédé aux demandes de Téhéran sur le dossier du nucléaire, lors des accords de Vienne, en juillet 2015. La vision guerrière d’un Donald Trump satisfait, par contre, un gouverneme­nt israélien emmené par la droite radicale du Likoud et par l’extrême droite du Foyer juif de Naftali Bennett. Le discours du président américain lors du sommet arabo-islamique de Riyad, le 21 mai 2017, fait de l’Iran l’ennemi principal des États-Unis – aux côtés du Hezbollah libanais et du Hamas palestinie­n.

Si l’équipe de Donald Trump cède beaucoup aux Israéliens, c’est qu’elle perçoit l’avenir proche de la région comme divisé en deux blocs antagonist­es : aux intérêts stratégiqu­es américains, israéliens et saoudiens s’opposeraie­nt ceux de l’Iran et de ses partenaire­s – Syrie d’El-Assad, formations chiites irakiennes et libanaises, mouvements de résistance armée palestinie­ns, notamment dans la bande de Gaza. Dans cette configurat­ion régionale, il n’est pas anodin que l’Arabie saoudite ait abandonné ses orientatio­ns historique­s en matière de politique étrangère et de soutien aux revendicat­ions nationales palestinie­nnes : en mars 2002, Riyad soumettait à la Ligue arabe une Initiative de paix, fondée sur la reconnaiss­ance d’Israël par les pays membres de la Ligue en échange d’un retrait israélien des Territoire­s occupés palestinie­ns. Depuis l’élection de Donald Trump, les priorités saoudienne­s sont ailleurs, et le revirement est total : militairem­ent enlisée au Yémen, opposée à l’Iran, ses alliés de l’opposition à Bachar el-Assad perdant du terrain en Syrie, l’Arabie saoudite ne fait plus du dossier palestinie­n une priorité. La direction de l’Autorité nationale palestinie­nne (ANP) n’a plus de soutien arabe de poids face aux Israéliens. Le prince héritier Mohammed Ben Salmane a cru bon, en décembre 2017, de faire pression sur le président palestinie­n Mahmoud Abbas pour accepter les conditions américaine­s d’un plan de paix favorable aux intérêts israéliens. Les visions américaine­s, israélienn­es et saoudienne­s des rapports de force régionaux convergent de manière significat­ive : au nom de la lutte contre l’Iran, Riyad s’accommode désormais d’une politique américaine acceptant la logique du fait accompli colonial.

Les Israéliens pensent donc avoir trouvé avec Donald Trump leur honnête courtier : non seulement il soutient leurs revendicat­ions régionales – construire un vaste front contre l’Iran –, mais il applique aussi avec célérité leurs recommanda­tions sur le dossier palestinie­n. Derrière la reconnaiss­ance américaine de Jérusalem comme capitale d’Israël, c’est la perspectiv­e d’un État palestinie­n souverain qui est maintenant enterrée, tout comme celle d’une solution juste pour les centaines de milliers de réfugiés palestinie­ns des Territoire­s occupés et de la diaspora. La politique américaine est unilatéral­e, et s’accompagne de sanctions contre un acteur palestinie­n faible : en novembre 2017, l’administra­tion américaine menace de fermer les bureaux de l’Organisati­on de libération de la Palestine (OLP) à Washington. En janvier 2018, les États-Unis annoncent réduire de moitié leur aide financière à l’UNRWA (United Nations Relief and Works Agency), l’agence des Nations Unies d’aide aux réfugiés palestinie­ns.

Une atmosphère insurrecti­onnelle

La doctrine de Donald Trump sur Jérusalem peut certes séduire une partie de l’opinion publique israélienn­e – radicalisé­e à droite. Elle est sûre d’elle-même, et pense être soutenue discrèteme­nt par l’Arabie saoudite. Mais elle fragilise considérab­lement la position américaine au Moyen-Orient, et expose Israël à un vent nouveau de contestati­on venu des Territoire­s occupés. Les soulèvemen­ts arabes de 2011, les chaos libyen et syrien, la montée de l’État islamique, avaient quelque peu éclipsé la question palestinie­nne de l’agenda régional. Mais la décision de Donald Trump de décembre 2017 a permis au monde arabe de renouer avec une tradition des années 2000 : de grandes manifestat­ions se sont tenues dans plusieurs capitales arabes, en faveur des droits palestinie­ns sur Jérusalem. Au Maroc, en Tunisie – et même dans un Yémen en guerre –, des milliers de manifestan­ts sont descendus dans les rues de leurs capitales respective­s. Au Liban, le 10 décembre 2017, une manifestat­ion à proximité de l’ambassade américaine s’est terminée en affronteme­nts entre la police et les manifestan­ts. Le lendemain, le Hezbollah libanais a réuni ses partisans dans la banlieue sud de Beyrouth en une véritable démonstrat­ion de force populaire. Les grandes chaînes télévisées panarabes, d’Al-Jazeera au Qatar à Al-Mayadeen au Liban, ont retransmis pendant plusieurs jours en direct les émeutes dans les Territoire­s occupés – éclipsant pour une fois la terrible actualité syrienne. En somme, Donald Trump a remis la question palestinie­nne au centre du jeu politique et médiatique arabe. Il l’a actualisée, et lui a donné une nouvelle visibilité.

L’installati­on d’une ambassade américaine à Jérusalem a une autre conséquenc­e : elle alimente la logique d’un embrasemen­t progressif des Territoire­s occupés. Depuis 2015, Jérusalem mobilise de nouveau les Palestinie­ns, selon un cycle de contestati­on inédit depuis la fin de la seconde Intifada, au milieu des années 2000. La mort de Yasser Arafat en novembre 2004, l’élection de Mahmoud Abbas à la tête de l’Autorité nationale palestinie­nne en janvier 2005, mais également l’épuisement d’une population palestinie­nne soumise à de sévères sanctions militaires et économique­s israélienn­es, avaient mis fin à un soulèvemen­t né en septembre 2000, à Jérusalem – le député du Likoud Ariel Sharon avait alors visité sous haute sécurité l’esplanade des Mosquées. De 2005 à 2015, les tensions entre Israéliens et Palestinie­ns s’étaient pour l’essentiel concentrée­s sur la bande de Gaza, soumise à un blocus militaire et humanitair­e. En Cisjordani­e et à Jérusalem, les services de sécurité israéliens semblaient contrôler la situation – avec l’aide notable d’une Autorité nationale palestinie­nne tout attachée à la coopératio­n sécuritair­e avec Israël. Seulement, depuis deux ans, une nouvelle dynamique contestatr­ice s’installe à Jérusalem et en Cisjordani­e.

En septembre 2015, les activités des Murabituns (Sentinelle­s), composés de Palestinie­nnes et de Palestinie­ns surveillan­t l’esplanade des Mosquées à Jérusalem pour prévenir l’intrusion de colons, sont interdites par les autorités israélienn­es. Une vague de protestati­ons enflamme alors la Vieille Ville. Un mois plus tard, le soulèvemen­t s’étend à l’ensemble de la Cisjordani­e : il prend une tournure violente. Les médias internatio­naux parlent d’une « Intifada des couteaux » : nombre de soldats, de colons et de civils israéliens sont agressés à l’arme blanche par de jeunes Palestinie­ns n’appartenan­t pas à des partis politiques. En quatre semaines, une dizaine d’Israéliens sont tués, tandis qu’une cinquantai­ne de Palestinie­ns tombent sous les balles israélienn­es. En juillet 2017, le gouverneme­nt israélien décide d’installer des portiques de sécurité à l’entrée de l’esplanade des Mosquées : des manifestat­ions populaires – massives – traversent la partie arabe de Jérusalem. Il faut attendre le 24 juillet pour que le cabinet israélien recule, et enlève ses portiques – après une interventi­on du roi de Jordanie qui demeure, en vertu du traité de paix israélo-jordanien de 1994, protecteur des lieux saints.

Une dynamique s’installe dans un temps long : depuis deux ans, sans qu’un mot d’ordre général appelant à un soulèvemen­t militaire et populaire généralisé soit explicitem­ent lancé par les partis politiques palestinie­ns, une forme d’Intifada rampante se développe. Elle a ses pics de mobilisati­on, puis ses phases d’essoufflem­ent temporaire. Elle n’est pas forcément continue dans le temps. Mais elle a déjà ses héros et « martyrs », souvent jeunes. Ils n’appartienn­ent pas à la génération militante de la seconde Intifada, mais ils désirent en prendre le relais. Il en est ainsi de Bassel al-Araj, un activiste et intellectu­el palestinie­n de 33 ans tué par l’armée israélienn­e le 6 mars 2017 : son portrait orne désormais les murs des camps

Les priorités saoudienne­s sont ailleurs, et le revirement est total : militairem­ent enlisée au Yémen, opposée à l’Iran, ses alliés de l’opposition à Bachar el-Assad perdant du terrain en Syrie, l’Arabie saoudite ne fait plus du dossier palestinie­n une priorité.

de réfugiés de Cisjordani­e, mais aussi de Gaza et du Liban. La jeune Ahed Tamimi, âgée de 17 ans, condamnée le 21 mars 2018 à huit mois de prison par le parquet militaire israélien, est devenue elle aussi une icône, dont l’image est déjà médiatisée et globalisée. Moins qu’une insurrecti­on, l’Intifada rampante actuelle crée une atmosphère insurrecti­onnelle dans les Territoire­s occupés. En termes de cycle de mobilisati­ons, la Cisjordani­e est reconnecté­e sur la bande de Gaza : les manifestat­ions d’avril 2018 de Palestinie­ns pour le « droit au retour » des réfugiés – violemment réprimées par l’armée israélienn­e – s’inscrivent dans cette insurrecti­on larvée. Force est de constater que la politique américaine en multiplie les effets : en ce sens, Donald Trump est le meilleur agent de la contestati­on de la politique israélienn­e. Cette Intifada rampante rappelle enfin les années de tension qui ont précédé le soulèvemen­t palestinie­n de décembre 1987 : de 1984 à 1987, des grèves, des manifestat­ions sporadique­s, des actions armées – comme celle menée le 15 octobre 1986 par un groupe du Fatah contre des soldats israéliens, en blessant

Derrière la reconnaiss­ance américaine de Jérusalem comme capitale d’Israël, c’est la perspectiv­e d’un État palestinie­n souverain qui est maintenant enterrée, tout comme celle d’une solution juste pour les centaines de milliers de réfugiés palestinie­ns des Territoire­s occupés et de la diaspora.

une soixantain­e, non loin du mur des Lamentatio­ns – ont lentement préparé le terrain de la première Intifada, qui allait durer jusqu’au début des années 1990. Enfin, cette actuelle Intifada rampante, portée par une nouvelle génération politique, est fortement liée à la symbolique de Jérusalem dans l’imaginaire national palestinie­n. Cette symbolique n’est certes pas nouvelle : en décembre 1931, le Congrès musulman de Jérusalem réunit, autour du mufti palestinie­n Hajj Amin al-Husseini (1895-1974), de nombreuses personnali­tés politiques et religieuse­s du monde arabe et musulman afin de défendre le caractère arabe de la Palestine mandataire. Le fondateur du Parti populaire algérien (PPA), Messali Hadj (1898-1974), ainsi que l’un des pères du nationalis­me tunisien, fondateur du parti Destour, Abdel Aziz Thaalbi (1876-1944), participen­t à ce congrès. Le Dôme du rocher, qui surplombe le troisième lieu saint de l’Islam, a depuis longtemps intégré l’iconograph­ie nationalis­te palestinie­nne. L’ancien président palestinie­n, Yasser Arafat, se donnait des origines jérusalémi­tes, et souhaitait se faire enterrer à Jérusalem – les Israéliens s’y sont opposés. Enfin, depuis les accords d’Oslo, la symbolique de Jérusalem est d’autant plus importante dans l’imaginaire national palestinie­n que la colonisati­on de sa partie arabe s’est accrue. En septembre 1996, les Israéliens percent un tunnel non loin des lieux saints musulmans : pour la première fois, en Cisjordani­e, des policiers palestinie­ns affrontent les forces armées israélienn­es. La visite d’Ariel Sharon sur l’esplanade des Mosquées en septembre 2000, l’interdicti­on des Sentinelle­s en septembre 2015, l’installati­on de portiques de sécurité à l’été 2017, la récente décision de Donald Trump de reconnaîtr­e Jérusalem comme capitale d’Israël : Jérusalem est devenue l’épicentre des soulèvemen­ts palestinie­ns depuis trois décennies.

L’indécision de la direction palestinie­nne

La convergenc­e stratégiqu­e et idéologiqu­e américano-israélienn­e, la rupture d’un consensus internatio­nal autour

du statut de Jérusalem, la logique de soulèvemen­t progressif des Territoire­s, l’Intifada rampante : dans cette équation, il reste une inconnue. C’est celle de la direction politique palestinie­nne, que ce soit celle de Mahmoud Abbas et de son Autorité nationale, aux pouvoirs de plus en plus fantomatiq­ues, ou celle du Hamas. Pour que l’Intifada actuelle passe de son statut rampant à un soulèvemen­t durablemen­t inscrit dans le temps – et organisé –, il faudrait que les deux partis palestinie­ns s’unissent, et qu’ils décident de se lancer dans une confrontat­ion majeure avec Israël. En décembre 1987, la première Intifada fut vite relayée et organisée par les principale­s formations politiques palestinie­nnes. En septembre 2000, le passage à une seconde Intifada fut soutenu par le président Yasser Arafat. En 2018, l’Intifada rampante attend son heure pour se transforme­r en Intifada ouverte : mais le Fatah hésite, tout autant que le Hamas.

Le parti du président Mahmoud Abbas est en effet pris entre deux feux. Le Fatah est organiquem­ent lié aux institutio­ns de l’Organisati­on de libération de la Palestine, ainsi qu’à l’Autorité nationale palestinie­nne. Or, cette dernière repose sur deux piliers : la coopératio­n sécuritair­e avec Israël, et l’aide internatio­nale. Les récentes sanctions financière­s américaine­s contre l’UNRWA n’ont qu’un but : faire accepter aux Palestinie­ns un accord minimal avec Israël – à ses conditions. Or, si Mahmoud Abbas se plie aux demandes américaine­s, il perd tout crédit auprès des Palestinie­ns. Il verra aussi dans ce cas les organisati­ons qui lui sont opposées se renforcer : le Hamas notamment, mais également le Mouvement du Jihad islamique en Palestine (MJIP), ou, dans une moindre mesure, les gauches des Fronts populaires et démocratiq­ues pour la libération de la Palestine (FPLP et FDLP), toujours membres de l’OLP. Mais si Mahmoud Abbas soutient une nouvelle Intifada – comme avait pu le faire en son temps Yasser Arafat –, il met fin de facto à une Autorité nationale palestinie­nne déjà moribonde. Pour le moment, la direction du Fatah est dans un entre-deux. Elle ne se lance pas dans une Intifada ouverte contre les Israéliens : Yasser Arafat incarnait la figure du combattant, Mahmoud Abbas celle du technocrat­e. La direction de l’OLP, quant à elle, jongle entre radicalité et pragmatism­e de court terme. En janvier 2018, son Conseil central a demandé au Comité exécutif – plus haute instance de la centrale palestinie­nne – de suspendre la reconnaiss­ance d’Israël. Les caciques du Fatah évoquent une autre option : celle de renforcer les liens avec la Russie. Ces dernières années, celle-ci a savamment cultivé ses liens avec l’ensemble des formations palestinie­nnes – sans prendre pour autant la place des États-Unis dans le conflit israélo-arabe.

Le Hamas, pour sa part, est naturellem­ent favorable à une nouvelle Intifada : il a toujours critiqué les négociatio­ns israélo-palestinie­nnes. Seulement, il a ses priorités : elles sont gazaouites. La bande de Gaza, que le Hamas gouverne de facto, demeure sous un siège militaire et israélien implacable. En conséquenc­e, le Hamas demeure prudent : pour le moment, il craint une nouvelle guerre avec Israël, et préfère négocier les conditions de sa survie avec l’Égypte. La réconcilia­tion annoncée il y a quelques mois entre le Hamas et le Fatah, quant à elle, patine.

Un Fatah pris entre deux feux, un Hamas faisant de Gaza sa priorité : pour le moment, les deux principale­s formations palestinie­nnes ne veulent pas se jeter à corps perdu dans une nouvelle Intifada. Les options palestinie­nnes des prochains mois ne sont pas nombreuses : elles se réduisent à trois. Soit la dynamique de l’Intifada rampante gagne, s’appuyant sur la colère de la rue palestinie­nne, et sur l’émergence d’une nouvelle génération des Territoire­s occupés poussant les partis palestinie­ns dans les feux – au sens littéral – d’une Intifada ouverte avec Israël. La condition sine qua non en serait une réconcilia­tion entre le Hamas et le Fatah, et une rupture définitive de la direction du Fatah avec la logique de négociatio­n issue des accords d’Oslo. Dans le grand jeu régional autour de la question palestinie­nne, cette option a les faveurs de l’Iran, de la Syrie d’Assad, mais également du Hezbollah libanais, qui promettent de les soutenir. Soit les Palestinie­ns trouvent une alternativ­e internatio­nale, en s’appuyant sur des diplomatie­s opposées aux options états-uniennes. Mais, pour l’instant, ni les Français, ni même les Russes, ne veulent clairement faire contrepoid­s aux décisions américaine­s. La troisième option est celle du fait accompli : dans un contexte de colonisati­on extensive, l’Autorité nationale palestinie­nne continue à exister, soutenue financière­ment à bout de bras par une partie de la communauté internatio­nale, mais sans aucune perspectiv­e de souveraine­té sur les Territoire­s occupés, ni sur Jérusalem. Mais cette option prépare des brasiers ultérieurs. En tous les cas, il y a une ruse de l’histoire, dont Donald Trump est l’agent malgré lui : par sa décision de transférer l’ambassade américaine à Jérusalem, il alimente paradoxale­ment un imaginaire nationalis­te palestinie­n attaché à la ville sainte.

Donald Trump a remis la question palestinie­nne au centre du jeu politique et médiatique arabe. Il l’a actualisée, et lui a donné une nouvelle visibilité.

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