Jérusalem, ou l’Intifada rampante
En reconnaissant Jérusalem comme capitale d’Israël, Donald Trump a offert une victoire diplomatique incontestable à Israël. Mais la décision du président américain n’est pas sans conséquences : elle alimente la colère de la rue palestinienne, et prépare peut-être une nouvelle Intifada.
Le 6 décembre 2017, Donald Trump tient sa promesse de campagne : il reconnaît Jérusalem comme capitale d’Israël, et annonce vouloir y établir une ambassade. À partir de mai 2018, le personnel diplomatique américain travaillant à Tel-Aviv doit être progressivement déplacé à Jérusalem. Avec cette décision, un double consensus historique s’est brisé. Il est d’abord américain. Certes, en 1995, le Congrès vote un Jerusalem Embassy Act, prévoyant de déplacer l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem dans un délai maximal de quatre ans. La loi comprend cependant une clause dérogatoire, permettant à la présidence de l’Union d’en suspendre l’application pour six mois. Même le très néo-conservateur George W. Bush, peu suspect de grandes sympathies à l’égard des Palestiniens, s’était, de 2001 à 2009, plié à l’exercice : deux fois par an, il ajournait la décision du Congrès. Bill Clinton, George W. Bush, Barack Obama : tous trois donnaient officiellement la priorité à un règlement négocié de la question de Jérusalem. En ce sens, la décision du président américain Donald Trump met explicitement fin à la séquence « Oslo » (1993), et enterre la perspective d’une souveraineté palestinienne sur la partie arabe de Jérusalem, minée par la colonisation : en janvier 2017, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a autorisé la construction de 566 nouveaux logements à l’est de la ville.
Le second consensus brisé est international. En novembre 1947, le plan de partage onusien de la Palestine, sous mandat britannique, met Jérusalem et Bethléem sous le régime du « corpus separatum » (corps séparé) : la résolution 181 veut en faire des enclaves sous juridiction internationale. En 1949, Israël considère pourtant Jérusalem-Ouest comme sa capitale. En juillet 1980, la Knesset vote une Loi fondamentale, faisant de la ville
sainte – y compris sa partie arabe occupée – la capitale éternelle et indivisible d’Israël. La décision est condamnée par les résolutions onusiennes 476 et 478 – cette dernière demande notamment aux États membres de l’ONU de retirer leurs ambassades de Jérusalem. La position de Donald Trump constitue donc un passage en force, à l’encontre du droit international. Elle enterre également l’attelage certes précaire du Quartet pour le Moyen-Orient, composé des États-Unis, de la Russie, de l’Union européenne et des Nations Unies : né en 2002, le Quartet était notamment opposé à l’annexion israélienne de Jérusalem et à la colonisation des Territoires occupés.
La nouvelle doctrine américaine concernant Jérusalem n’a rien d’un coup de folie présidentiel passager – un sésame explicatif souvent accolé à l’image de Donald Trump.
Convergence américano-israélienne
La nouvelle doctrine américaine concernant Jérusalem n’a rien d’un coup de folie présidentiel passager – un sésame explicatif souvent accolé à l’image de Donald Trump. Les Israéliens peuvent s’appuyer sur de solides relais au sein de l’administration présidentielle, qui ont une vision idéologique du conflit israélo-arabe. Le nouvel ambassadeur américain à Jérusalem, David Friedman – un ancien avocat du Président – est un fervent partisan de la colonisation. Jared Kushner – le gendre de Donald Trump et son envoyé spécial pour le Proche-Orient – est un proche de la famille de l’actuel Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou.
La décision américaine s’inscrit également dans une conjoncture spécifique : depuis l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis (novembre 2016), la convergence stratégique entre les États-Unis et Israël – notamment sur le dossier iranien – est totale. L’administration Obama était en froid avec Tel-Aviv : les autorités israéliennes reprochaient notamment au leadership démocrate d’être trop conciliant avec l’Iran et d’avoir cédé aux demandes de Téhéran sur le dossier du nucléaire, lors des accords de Vienne, en juillet 2015. La vision guerrière d’un Donald Trump satisfait, par contre, un gouvernement israélien emmené par la droite radicale du Likoud et par l’extrême droite du Foyer juif de Naftali Bennett. Le discours du président américain lors du sommet arabo-islamique de Riyad, le 21 mai 2017, fait de l’Iran l’ennemi principal des États-Unis – aux côtés du Hezbollah libanais et du Hamas palestinien.
Si l’équipe de Donald Trump cède beaucoup aux Israéliens, c’est qu’elle perçoit l’avenir proche de la région comme divisé en deux blocs antagonistes : aux intérêts stratégiques américains, israéliens et saoudiens s’opposeraient ceux de l’Iran et de ses partenaires – Syrie d’El-Assad, formations chiites irakiennes et libanaises, mouvements de résistance armée palestiniens, notamment dans la bande de Gaza. Dans cette configuration régionale, il n’est pas anodin que l’Arabie saoudite ait abandonné ses orientations historiques en matière de politique étrangère et de soutien aux revendications nationales palestiniennes : en mars 2002, Riyad soumettait à la Ligue arabe une Initiative de paix, fondée sur la reconnaissance d’Israël par les pays membres de la Ligue en échange d’un retrait israélien des Territoires occupés palestiniens. Depuis l’élection de Donald Trump, les priorités saoudiennes sont ailleurs, et le revirement est total : militairement enlisée au Yémen, opposée à l’Iran, ses alliés de l’opposition à Bachar el-Assad perdant du terrain en Syrie, l’Arabie saoudite ne fait plus du dossier palestinien une priorité. La direction de l’Autorité nationale palestinienne (ANP) n’a plus de soutien arabe de poids face aux Israéliens. Le prince héritier Mohammed Ben Salmane a cru bon, en décembre 2017, de faire pression sur le président palestinien Mahmoud Abbas pour accepter les conditions américaines d’un plan de paix favorable aux intérêts israéliens. Les visions américaines, israéliennes et saoudiennes des rapports de force régionaux convergent de manière significative : au nom de la lutte contre l’Iran, Riyad s’accommode désormais d’une politique américaine acceptant la logique du fait accompli colonial.
Les Israéliens pensent donc avoir trouvé avec Donald Trump leur honnête courtier : non seulement il soutient leurs revendications régionales – construire un vaste front contre l’Iran –, mais il applique aussi avec célérité leurs recommandations sur le dossier palestinien. Derrière la reconnaissance américaine de Jérusalem comme capitale d’Israël, c’est la perspective d’un État palestinien souverain qui est maintenant enterrée, tout comme celle d’une solution juste pour les centaines de milliers de réfugiés palestiniens des Territoires occupés et de la diaspora. La politique américaine est unilatérale, et s’accompagne de sanctions contre un acteur palestinien faible : en novembre 2017, l’administration américaine menace de fermer les bureaux de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Washington. En janvier 2018, les États-Unis annoncent réduire de moitié leur aide financière à l’UNRWA (United Nations Relief and Works Agency), l’agence des Nations Unies d’aide aux réfugiés palestiniens.
Une atmosphère insurrectionnelle
La doctrine de Donald Trump sur Jérusalem peut certes séduire une partie de l’opinion publique israélienne – radicalisée à droite. Elle est sûre d’elle-même, et pense être soutenue discrètement par l’Arabie saoudite. Mais elle fragilise considérablement la position américaine au Moyen-Orient, et expose Israël à un vent nouveau de contestation venu des Territoires occupés. Les soulèvements arabes de 2011, les chaos libyen et syrien, la montée de l’État islamique, avaient quelque peu éclipsé la question palestinienne de l’agenda régional. Mais la décision de Donald Trump de décembre 2017 a permis au monde arabe de renouer avec une tradition des années 2000 : de grandes manifestations se sont tenues dans plusieurs capitales arabes, en faveur des droits palestiniens sur Jérusalem. Au Maroc, en Tunisie – et même dans un Yémen en guerre –, des milliers de manifestants sont descendus dans les rues de leurs capitales respectives. Au Liban, le 10 décembre 2017, une manifestation à proximité de l’ambassade américaine s’est terminée en affrontements entre la police et les manifestants. Le lendemain, le Hezbollah libanais a réuni ses partisans dans la banlieue sud de Beyrouth en une véritable démonstration de force populaire. Les grandes chaînes télévisées panarabes, d’Al-Jazeera au Qatar à Al-Mayadeen au Liban, ont retransmis pendant plusieurs jours en direct les émeutes dans les Territoires occupés – éclipsant pour une fois la terrible actualité syrienne. En somme, Donald Trump a remis la question palestinienne au centre du jeu politique et médiatique arabe. Il l’a actualisée, et lui a donné une nouvelle visibilité.
L’installation d’une ambassade américaine à Jérusalem a une autre conséquence : elle alimente la logique d’un embrasement progressif des Territoires occupés. Depuis 2015, Jérusalem mobilise de nouveau les Palestiniens, selon un cycle de contestation inédit depuis la fin de la seconde Intifada, au milieu des années 2000. La mort de Yasser Arafat en novembre 2004, l’élection de Mahmoud Abbas à la tête de l’Autorité nationale palestinienne en janvier 2005, mais également l’épuisement d’une population palestinienne soumise à de sévères sanctions militaires et économiques israéliennes, avaient mis fin à un soulèvement né en septembre 2000, à Jérusalem – le député du Likoud Ariel Sharon avait alors visité sous haute sécurité l’esplanade des Mosquées. De 2005 à 2015, les tensions entre Israéliens et Palestiniens s’étaient pour l’essentiel concentrées sur la bande de Gaza, soumise à un blocus militaire et humanitaire. En Cisjordanie et à Jérusalem, les services de sécurité israéliens semblaient contrôler la situation – avec l’aide notable d’une Autorité nationale palestinienne tout attachée à la coopération sécuritaire avec Israël. Seulement, depuis deux ans, une nouvelle dynamique contestatrice s’installe à Jérusalem et en Cisjordanie.
En septembre 2015, les activités des Murabituns (Sentinelles), composés de Palestiniennes et de Palestiniens surveillant l’esplanade des Mosquées à Jérusalem pour prévenir l’intrusion de colons, sont interdites par les autorités israéliennes. Une vague de protestations enflamme alors la Vieille Ville. Un mois plus tard, le soulèvement s’étend à l’ensemble de la Cisjordanie : il prend une tournure violente. Les médias internationaux parlent d’une « Intifada des couteaux » : nombre de soldats, de colons et de civils israéliens sont agressés à l’arme blanche par de jeunes Palestiniens n’appartenant pas à des partis politiques. En quatre semaines, une dizaine d’Israéliens sont tués, tandis qu’une cinquantaine de Palestiniens tombent sous les balles israéliennes. En juillet 2017, le gouvernement israélien décide d’installer des portiques de sécurité à l’entrée de l’esplanade des Mosquées : des manifestations populaires – massives – traversent la partie arabe de Jérusalem. Il faut attendre le 24 juillet pour que le cabinet israélien recule, et enlève ses portiques – après une intervention du roi de Jordanie qui demeure, en vertu du traité de paix israélo-jordanien de 1994, protecteur des lieux saints.
Une dynamique s’installe dans un temps long : depuis deux ans, sans qu’un mot d’ordre général appelant à un soulèvement militaire et populaire généralisé soit explicitement lancé par les partis politiques palestiniens, une forme d’Intifada rampante se développe. Elle a ses pics de mobilisation, puis ses phases d’essoufflement temporaire. Elle n’est pas forcément continue dans le temps. Mais elle a déjà ses héros et « martyrs », souvent jeunes. Ils n’appartiennent pas à la génération militante de la seconde Intifada, mais ils désirent en prendre le relais. Il en est ainsi de Bassel al-Araj, un activiste et intellectuel palestinien de 33 ans tué par l’armée israélienne le 6 mars 2017 : son portrait orne désormais les murs des camps
Les priorités saoudiennes sont ailleurs, et le revirement est total : militairement enlisée au Yémen, opposée à l’Iran, ses alliés de l’opposition à Bachar el-Assad perdant du terrain en Syrie, l’Arabie saoudite ne fait plus du dossier palestinien une priorité.
de réfugiés de Cisjordanie, mais aussi de Gaza et du Liban. La jeune Ahed Tamimi, âgée de 17 ans, condamnée le 21 mars 2018 à huit mois de prison par le parquet militaire israélien, est devenue elle aussi une icône, dont l’image est déjà médiatisée et globalisée. Moins qu’une insurrection, l’Intifada rampante actuelle crée une atmosphère insurrectionnelle dans les Territoires occupés. En termes de cycle de mobilisations, la Cisjordanie est reconnectée sur la bande de Gaza : les manifestations d’avril 2018 de Palestiniens pour le « droit au retour » des réfugiés – violemment réprimées par l’armée israélienne – s’inscrivent dans cette insurrection larvée. Force est de constater que la politique américaine en multiplie les effets : en ce sens, Donald Trump est le meilleur agent de la contestation de la politique israélienne. Cette Intifada rampante rappelle enfin les années de tension qui ont précédé le soulèvement palestinien de décembre 1987 : de 1984 à 1987, des grèves, des manifestations sporadiques, des actions armées – comme celle menée le 15 octobre 1986 par un groupe du Fatah contre des soldats israéliens, en blessant
Derrière la reconnaissance américaine de Jérusalem comme capitale d’Israël, c’est la perspective d’un État palestinien souverain qui est maintenant enterrée, tout comme celle d’une solution juste pour les centaines de milliers de réfugiés palestiniens des Territoires occupés et de la diaspora.
une soixantaine, non loin du mur des Lamentations – ont lentement préparé le terrain de la première Intifada, qui allait durer jusqu’au début des années 1990. Enfin, cette actuelle Intifada rampante, portée par une nouvelle génération politique, est fortement liée à la symbolique de Jérusalem dans l’imaginaire national palestinien. Cette symbolique n’est certes pas nouvelle : en décembre 1931, le Congrès musulman de Jérusalem réunit, autour du mufti palestinien Hajj Amin al-Husseini (1895-1974), de nombreuses personnalités politiques et religieuses du monde arabe et musulman afin de défendre le caractère arabe de la Palestine mandataire. Le fondateur du Parti populaire algérien (PPA), Messali Hadj (1898-1974), ainsi que l’un des pères du nationalisme tunisien, fondateur du parti Destour, Abdel Aziz Thaalbi (1876-1944), participent à ce congrès. Le Dôme du rocher, qui surplombe le troisième lieu saint de l’Islam, a depuis longtemps intégré l’iconographie nationaliste palestinienne. L’ancien président palestinien, Yasser Arafat, se donnait des origines jérusalémites, et souhaitait se faire enterrer à Jérusalem – les Israéliens s’y sont opposés. Enfin, depuis les accords d’Oslo, la symbolique de Jérusalem est d’autant plus importante dans l’imaginaire national palestinien que la colonisation de sa partie arabe s’est accrue. En septembre 1996, les Israéliens percent un tunnel non loin des lieux saints musulmans : pour la première fois, en Cisjordanie, des policiers palestiniens affrontent les forces armées israéliennes. La visite d’Ariel Sharon sur l’esplanade des Mosquées en septembre 2000, l’interdiction des Sentinelles en septembre 2015, l’installation de portiques de sécurité à l’été 2017, la récente décision de Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël : Jérusalem est devenue l’épicentre des soulèvements palestiniens depuis trois décennies.
L’indécision de la direction palestinienne
La convergence stratégique et idéologique américano-israélienne, la rupture d’un consensus international autour
du statut de Jérusalem, la logique de soulèvement progressif des Territoires, l’Intifada rampante : dans cette équation, il reste une inconnue. C’est celle de la direction politique palestinienne, que ce soit celle de Mahmoud Abbas et de son Autorité nationale, aux pouvoirs de plus en plus fantomatiques, ou celle du Hamas. Pour que l’Intifada actuelle passe de son statut rampant à un soulèvement durablement inscrit dans le temps – et organisé –, il faudrait que les deux partis palestiniens s’unissent, et qu’ils décident de se lancer dans une confrontation majeure avec Israël. En décembre 1987, la première Intifada fut vite relayée et organisée par les principales formations politiques palestiniennes. En septembre 2000, le passage à une seconde Intifada fut soutenu par le président Yasser Arafat. En 2018, l’Intifada rampante attend son heure pour se transformer en Intifada ouverte : mais le Fatah hésite, tout autant que le Hamas.
Le parti du président Mahmoud Abbas est en effet pris entre deux feux. Le Fatah est organiquement lié aux institutions de l’Organisation de libération de la Palestine, ainsi qu’à l’Autorité nationale palestinienne. Or, cette dernière repose sur deux piliers : la coopération sécuritaire avec Israël, et l’aide internationale. Les récentes sanctions financières américaines contre l’UNRWA n’ont qu’un but : faire accepter aux Palestiniens un accord minimal avec Israël – à ses conditions. Or, si Mahmoud Abbas se plie aux demandes américaines, il perd tout crédit auprès des Palestiniens. Il verra aussi dans ce cas les organisations qui lui sont opposées se renforcer : le Hamas notamment, mais également le Mouvement du Jihad islamique en Palestine (MJIP), ou, dans une moindre mesure, les gauches des Fronts populaires et démocratiques pour la libération de la Palestine (FPLP et FDLP), toujours membres de l’OLP. Mais si Mahmoud Abbas soutient une nouvelle Intifada – comme avait pu le faire en son temps Yasser Arafat –, il met fin de facto à une Autorité nationale palestinienne déjà moribonde. Pour le moment, la direction du Fatah est dans un entre-deux. Elle ne se lance pas dans une Intifada ouverte contre les Israéliens : Yasser Arafat incarnait la figure du combattant, Mahmoud Abbas celle du technocrate. La direction de l’OLP, quant à elle, jongle entre radicalité et pragmatisme de court terme. En janvier 2018, son Conseil central a demandé au Comité exécutif – plus haute instance de la centrale palestinienne – de suspendre la reconnaissance d’Israël. Les caciques du Fatah évoquent une autre option : celle de renforcer les liens avec la Russie. Ces dernières années, celle-ci a savamment cultivé ses liens avec l’ensemble des formations palestiniennes – sans prendre pour autant la place des États-Unis dans le conflit israélo-arabe.
Le Hamas, pour sa part, est naturellement favorable à une nouvelle Intifada : il a toujours critiqué les négociations israélo-palestiniennes. Seulement, il a ses priorités : elles sont gazaouites. La bande de Gaza, que le Hamas gouverne de facto, demeure sous un siège militaire et israélien implacable. En conséquence, le Hamas demeure prudent : pour le moment, il craint une nouvelle guerre avec Israël, et préfère négocier les conditions de sa survie avec l’Égypte. La réconciliation annoncée il y a quelques mois entre le Hamas et le Fatah, quant à elle, patine.
Un Fatah pris entre deux feux, un Hamas faisant de Gaza sa priorité : pour le moment, les deux principales formations palestiniennes ne veulent pas se jeter à corps perdu dans une nouvelle Intifada. Les options palestiniennes des prochains mois ne sont pas nombreuses : elles se réduisent à trois. Soit la dynamique de l’Intifada rampante gagne, s’appuyant sur la colère de la rue palestinienne, et sur l’émergence d’une nouvelle génération des Territoires occupés poussant les partis palestiniens dans les feux – au sens littéral – d’une Intifada ouverte avec Israël. La condition sine qua non en serait une réconciliation entre le Hamas et le Fatah, et une rupture définitive de la direction du Fatah avec la logique de négociation issue des accords d’Oslo. Dans le grand jeu régional autour de la question palestinienne, cette option a les faveurs de l’Iran, de la Syrie d’Assad, mais également du Hezbollah libanais, qui promettent de les soutenir. Soit les Palestiniens trouvent une alternative internationale, en s’appuyant sur des diplomaties opposées aux options états-uniennes. Mais, pour l’instant, ni les Français, ni même les Russes, ne veulent clairement faire contrepoids aux décisions américaines. La troisième option est celle du fait accompli : dans un contexte de colonisation extensive, l’Autorité nationale palestinienne continue à exister, soutenue financièrement à bout de bras par une partie de la communauté internationale, mais sans aucune perspective de souveraineté sur les Territoires occupés, ni sur Jérusalem. Mais cette option prépare des brasiers ultérieurs. En tous les cas, il y a une ruse de l’histoire, dont Donald Trump est l’agent malgré lui : par sa décision de transférer l’ambassade américaine à Jérusalem, il alimente paradoxalement un imaginaire nationaliste palestinien attaché à la ville sainte.
Donald Trump a remis la question palestinienne au centre du jeu politique et médiatique arabe. Il l’a actualisée, et lui a donné une nouvelle visibilité.