Qui arme la guerre au Yémen ?
Alors que des violations majeures du droit international humanitaire par les belligérants au Yémen sont sans cesse dénoncées, les pays occidentaux poursuivent leurs ventes d’armes à la coalition menée par l’Arabie saoudite, au premier rang desquels les Ét
La guerre au Yémen est à l’origine de l’une des pires catastrophes humanitaires que le monde connaisse aujourd’hui. Des millions de Yéménites sont confrontés à la menace imminente d’une famine, et plus de 10 000 personnes (en janvier 2017) sont mortes au cours de ce conflit. Toutes les parties sont à l’origine de violations majeures du droit international humanitaire, y compris des attaques indiscriminées contre des civils et des infrastructures civiles. La guerre semble s’être enlisée et gagne en complexité. […]
Les États-Unis et le Royaume-Uni ont, à juste titre, attiré l’opprobre puisqu’ils sont les principaux fournisseurs en armement de l’Arabie saoudite. Leader de la coalition soutenant le président exilé Abd-Rabbu Mansour Hadi, celle-ci poursuit la guerre contre les rebelles houthistes et leurs alliés au sein de l’armée yéménite, qui contrôlent la capitale Sanaa. Toutefois, cette coalition, constituée d’autres pays ayant un rôle majeur, a de multiples fournisseurs d’armes.
Les Houthis et leurs alliés
D’un côté de la guerre, on trouve les Houthis contrôlant Sanaa et une grande partie du Nord et de l’Ouest du Yémen. De plus en plus d’éléments témoignent du fait que l’Iran fournit des armements aux Houthis, violant l’embargo imposé par les Nations Unies au groupe et à ses alliés. Le rapport le plus récent produit par le panel d’experts de l’ONU sur le Yémen (janvier 2018) attirait notamment l’attention sur le fait que les missiles et les drones employés par les Houthis présentaient
de fortes similitudes avec ceux produits par l’Iran. Le rapport ne mentionne aucun autre État fournisseur.
Jusqu’en novembre 2017, les Houthis étaient alliés aux forces loyales à l’ancien président Ali Abdullah Saleh. La rupture de cette alliance donna lieu à plusieurs jours de combats à Sanaa, dont le point culminant fut l’assassinat de Saleh par les Houthis le 4 décembre. Selon le rapport de l’ONU, les Houthis ont depuis écrasé ou coopté les dernières forces loyales à Saleh. Les Houthis bénéficient également du soutien de plusieurs unités de l’ancienne armée yéménite ayant rejoint le courant houthistes-Saleh après la prise de Sanaa en 2014. Ainsi, les Houthis ont pu acquérir de grandes quantités d’armements avec les stocks de l’armée yéménite, expliquant en grande partie leurs approvisionnements.
De plus en plus d’éléments témoignent du fait que l’Iran fournit des armements aux Houthis, violant l’embargo imposé par les Nations Unies au groupe et à ses alliés.
La coalition dirigée par les Saoudiens
De « l’autre côté » de la guerre – bien qu’il soit difficile de le considérer comme un seul côté, exception faite de son opposition aux Houthis –, l’Arabie saoudite dirige une coalition d’États militairement engagés au Yémen, théoriquement en soutien du gouvernement internationalement reconnu du président Hadi. Cependant, nombre des forces yéménites soutenues par la coalition ne sont que peu ou pas loyales au gouvernement Hadi (1). Aux éléments des forces armées yéménites conservant leur soutien à Hadi, s’ajoutent plusieurs milices tribales armées, formées et financées par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes Unis, des mercenaires étrangers et des forces loyales au Conseil de transition du Sud, soutenues par les Émirats arabes unis. Celles-ci, qui souhaitent un Yémen du Sud indépendant, ont récemment combattu les forces pro-Hadi dans la ville côtière d’Aden.
L’Arabie saoudite dirige la coalition et semble conduire la majorité des frappes aériennes et diriger le blocus naval au Yémen, principal facteur de la catastrophe humanitaire croissante. Toutefois, elle n’est engagée au sol que de manière limitée, bien qu’elle ait des effectifs à Aden. En mars 2015, au début de l’opération, le gouvernement saoudien a déclaré déployer dans ce conflit 100 aéronefs, mais aucun chiffre plus récent ne permet d’évaluer le volume en termes d’effectifs, d’aéronefs et de bâtiments engagés.
Les Émirats arabes unis (ÉAU) participent également à l’opération aérienne et jouent un rôle majeur au sol dans le Sud du Yémen, dans la lutte contre Al-Qaïda dans la péninsule Arabique (AQPA) et les Houthis. S’ils s’appuient notamment en cela sur les forces yéménites qu’ils financent, arment et forment, les ÉAU sont de plus en plus perçus localement comme une puissance colonisatrice [voir à ce sujet l’article de M. Lavergne sur la crise diplomatique au Qatar et la ruée vers les rives de la mer Rouge, p. 40] compte tenu de leur empreinte au sol grandissante. Les centres de détention mis en place par les ÉAU dans le Sud du Yémen ont été âprement critiqués pour des violations des droits de l’homme (détention arbitraire et torture notamment). Les ÉAU ont engagé 30 avions de guerre dans l’effort de la coalition en mars 2015.
Parmi l’ensemble des contributeurs de la coalition, le Soudan a la principale force au sol. Certaines sources estiment celle-ci à près de 8000 personnels. Les forces déployées font partie des forces de soutien rapide, forces contre-insurrectionnelles d’élite, accusées de violations systématiques des droits de l’homme lors de nombreuses campagnes de contreinsurrection menées au Soudan. Ces forces comprennent des éléments de la milice Janjawid, dont l’implication dans les atrocités au Darfour est notoire. Le Soudan a reçu 2,6 milliards de dollars de l’Arabie saoudite pour son engagement au Yémen et semble utiliser ce conflit pour s’éloigner de l’Iran, se rapprocher des États du Golfe et améliorer ses relations avec les États-Unis qui, en octobre 2017, ont levé plusieurs sanctions imposées depuis 1997 et reconsidèrent depuis la place de ce pays sur leur liste des « États parrainant le terrorisme ». L’Égypte a déployé, au début de l’intervention en mars 2015, quatre navires de guerre en appui du blocus naval saoudien au Yémen. Elle participe également à la campagne aérienne (initialement avec quatre avions) et a engagé, en septembre 2015, 800 personnels au sol.
Le Maroc s’est engagé, en décembre 2015, à fournir 1500 personnels au sol dans le cadre de ces opérations. Le pays participe également à la campagne aérienne, ayant initialement engagé six appareils. Un F-16 marocain s’était écrasé ou avait été abattu en 2015.
Bahreïn, le Koweït (15 avions chacun) et la Jordanie (6 avions) participent également aux opérations aériennes. Le Qatar a participé à la coalition jusqu’au mois de juin 2017, période à laquelle il s’en est retiré suite à la rupture des relations avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Des aéronefs de Bahreïn et de la Jordanie se sont également écrasés au Yémen, confirmant la participation de ces pays.
Qui arme ces pays ?
[…] Les États-Unis, les six principaux exportateurs d’armes européens, ainsi que la Russie et la Chine sont d’importants fournisseurs d’armements pour la coalition dirigée par l’Arabie saoudite. Le Soudan fait l’objet d’embargos sur les armes imposés par l’Union européenne et les États-Unis bien que ces derniers aient levé d’autres sanctions. Ce pays reçoit donc l’essentiel de ses approvisionnements limités en armes de Russie et de Chine. La Russie a fourni au Soudan des hélicoptères de combat et de transport en 2015-2016, dans le cadre d’accords conclus en 2013, mais elle n’a pas depuis signé de nouveaux contrats sur des armements majeurs. La Chine a fourni divers systèmes terrestres et des missiles sol-air et convenu de vendre au Soudan, en 2015, six avions d’entraînement et de combat FTC-2000 (2).
Sans surprise, les États-Unis sont le premier ou deuxième fournisseur pour l’ensemble de ces pays, bien que les acquisitions d’armes par Bahreïn soient assez limitées. Tous les pays exportateurs de l’Union européenne sont d’importants fournisseurs pour un ou plusieurs membres de la coalition.
Le Royaume-Uni est le deuxième fournisseur de l’Arabie saoudite, de loin son principal client. Les aéronefs britanniques Tornado et Typhoon sont une composante majeure de l’armée de l’air saoudienne, active au Yémen. Le Royaume-Uni a également accordé des licences d’exportation vers l’Égypte pour d’importantes quantités d’armes.
La France est le principal fournisseur d’armements de l’Égypte, les livraisons s’élevant à 2,8 milliards de dollars en 2015-2016, pour, entre autres, une frégate, deux porte-hélicoptères Mistral et 24 avions de combat Rafale. La France est également un fournisseur majeur de l’Arabie saoudite, les livraisons dépassant les 2 milliards de dollars (véhicules blindés, systèmes de défense aérienne et sous-systèmes pour avions). Elle a également reçu des commandes et/ou effectué des livraisons au Koweït, au Maroc (autre acheteur à petite échelle au profit duquel la France a effectué des livraisons à haute valeur) et aux Émirats arabes unis. Si l’Allemagne joue un rôle moindre, elle a effectué d’importantes livraisons (selon les données du SIPRI) à l’Égypte (véhicules blindés et sous-marins) et accordé des licences d’exportation pour d’importantes quantités d’équipement militaire vers l’Arabie saoudite (y compris des navires de patrouille maritime), les Émirats arabes unis et le Koweït. En 2016, l’Italie a conclu un accord pour vendre 28 aéronefs Eurofighter Typhoon au Koweït pour un montant de 7,8 milliards d’euros. Le pays effectue également d’importantes livraisons à l’Arabie saoudite et aux ÉAU.
L’importante licence d’exportation vers les ÉAU accordée par la Suède fait suite à un accord à hauteur de 1,3 milliard de dollars conclu en 2016 sur deux systèmes de détection et de commandement aéroporté Erieye, pouvant jouer un rôle majeur dans une opération aérienne.
L’Espagne rejoint le peloton pour ses marchés avec l’Arabie saoudite, l’Égypte (dont elle est un fournisseur majeur) et (toutes proportions gardées) le Maroc. Les principales exportations effectuées par l’Espagne vers l’Égypte et l’Arabie saoudite portent sur des avions de transport. Nous pourrions observer que l’ensemble des exportateurs occidentaux sont d’importants fournisseurs de l’Arabie saoudite (à l’exception de la Suède) et des Émirats arabes unis (à l’exception de l’Allemagne et de l’Espagne). La Jordanie est le seul membre de la coalition dont le principal fournisseur – les Pays Bas – n’est pas inclus dans le graphique supra. Le pays reçoit également une grande partie de ses armements d’Israël et des ÉAU. Les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l’Italie ont tous accordé des licences d’exportations et/ou livré des avions de combat à des membres de la coalition, alors que la Suède a fourni d’importants sous-systèmes aériens et l’Allemagne des navires militaires, en mesure de jouer un rôle dans le blocus.
Débats autour des ventes d’armements
Les exportations d’armements vers l’Arabie saoudite en particulier sont très controversées dans nombre de pays exportateurs, à la fois du fait du passif du Royaume en matière d’atteintes flagrantes aux droits de l’homme et de son rôle en tant que principal belligérant extérieur dans la guerre au Yémen, responsable de nombreuses violations du droit international humanitaire et du blocus dévastateur qui a conduit à la famine. Si les approvisionnements vers d’autres pays de la coalition sont également controversés dans certains cas (ventes
Le Soudan a reçu
2,6 milliards de dollars de l’Arabie saoudite pour son engagement au Yémen et semble utiliser ce conflit pour s’éloigner de l’Iran, se rapprocher des États du Golfe et améliorer ses relations avec les États-Unis.
à l’Égypte, compte tenu en particulier du caractère brutal du régime actuel), dans d’autres, ils « passent les radars » du fait de leur moindre rôle dans la guerre.
Au sein de l’Union européenne
Le Parlement européen a adopté une résolution non contraignante appelant en février 2016 à un embargo sur les armes à destination d’Arabie saoudite, appel renouvelé avec un fort soutien en novembre 2017. Toutefois à ce jour, seul un État membre de l’Union européenne a répondu à cet appel, le parlement néerlandais votant un tel embargo en mars 2016. Il est possible que l’Allemagne suive, puisque l’accord de coalition entre les chrétiens démocrates de la chancelière Angela Merkel et les socio-démocrates prévoit qu’un terme soit mis aux ventes d’armements à des pays impliqués dans la guerre au
La France est le principal fournisseur d’armements de l’Égypte, les livraisons s’élevant à 2,8 milliards de dollars en 2015-2016. La France est également un fournisseur majeur de l’Arabie saoudite, les livraisons dépassant les 2 milliards de dollars.
Yémen. Il n’est toutefois pas clair si cela s’appliquera uniquement à de nouvelles licences d’exportation ou également à celles précédemment autorisées mais non encore effectuées.
Aux États-Unis
Les États-Unis ont longtemps été le principal fournisseur d’armements de l’Arabie saoudite, qu’ils considèrent comme un allié majeur et une force de stabilité dans le Golfe. Les grandes ventes d’armements ont été une pratique régulière des administrations, quelle que soit l’étiquette politique, bien que les objections soulevées par le lobby israélien aient mis un terme à plusieurs ventes importantes dans les années 1980 – ce qui ne constitue plus un problème, compte tenu du rapprochement entre l’Arabie saoudite et Israël au cours des dernières décennies. L’administration Obama n’a pas fait exception, mais, en réponse aux préoccupations relatives à l’emploi indiscriminé d’armements américains au Yémen, elle a suspendu l’exportation prévue de certaines munitions guidées de précision. Le président Trump a levé cette suspension en 2017, suscitant un vote rare au Congrès, qui tentait de bloquer la vente. Cette tentative a été mise en échec au Sénat par 53 voix contre 47, mais un vote aussi massif contre la vente d’armements — de la plupart des démocrates mais également de plusieurs républicains — est extrêmement inhabituel. En règle générale, les ventes d’armements par les États-Unis à l’Arabie saoudite ont bénéficié d’un fort soutien bipartite et le Congrès a manifesté une opposition bien moindre envers la plupart des ventes d’armements au profit du Royaume (bien que l’opposition de la société civile soit considérable).
L’administration Obama a également gelé plusieurs aides militaires et ventes d’armes à destination de l’Égypte en 2013, à la suite du coup militaire, mais les a rétablies en mars 2015 – peu après le début de la guerre au Yémen –, invoquant la nécessité de combattre l’État islamique. La guerre au Yémen ne semble pas avoir été prise en compte dans les décisions relatives aux ventes d’armements par les États-Unis à l’Égypte ou à d’autres membres de la coalition.
Au Royaume-Uni
Les ventes du Royaume-Uni à l’Arabie saoudite sont un pilier de l’industrie britannique d’armement et, comme aux ÉtatsUnis, ont généralement bénéficié d’un fort soutien bipartite, en dépit des importantes controverses au sein de la société civile et dans les médias et d’une certaine opposition politique de la gauche. Cet engagement gouvernemental absolu sur le maintien des ventes d’armements à l’Arabie saoudite n’apparaît nulle part avec plus d’évidence que dans l’annulation de l’enquête du Serious Fraud Office au sujet des ventes d’armes d’Al Yamamah (3), en 2006. En 2016, le rôle de l’Arabie saoudite au Yémen a conduit à une contestation judiciaire de la part de la Campagne contre le commerce des armes ( Campaign Against Arms Trade, CAAT) contre les ventes du Royaume-Uni à ce pays. La contestation portait sur le fait que les propres critères d’autorisation d’exportations du Royaume-Uni, interdisant la vente d’armements susceptibles d’être employées pour des violations du droit international humanitaire, n’avaient pas été respectés. La CAAT a été autorisée à demander un examen judiciaire mais la High Court (4) britannique a statué, en juillet 2017, en faveur du gouvernement. Un appel est aujourd’hui en cours.
Le soutien bipartite pour les ventes d’armements à l’Arabie saoudite a toutefois cessé lorsque Jeremy Corbyn, leader du parti travailliste, d’opposition, a pris position contre. Le programme du parti travailliste pour les élections générales de 2017 s’engageait à suspendre ces ventes aux acteurs engagés dans le conflit yéménite jusqu’à ce qu’une enquête indépendante soit conduite par l’ONU sur les violations présumées du droit international humanitaire dans le pays. Toutefois, si les travaillistes accédaient au pouvoir, la mise en oeuvre de cet engagement serait sans doute retardée par la grande
majorité de la communauté ministérielle, militaire, industrielle et intellectuelle des affaires étrangères et de la défense.
En Suède
Le commerce des armements est également très controversé en Suède. Après de nombreuses années de débats et une enquête parlementaire, le parlement suédois a proposé, le 28 février 2018, une nouvelle série de critères, plus stricts, sur le contrôle des exportations – qui seront presque certainement adoptés compte tenu du soutien bipartite dont bénéficie cette mesure. Parmi ceux-ci, un « critère de démocratie », selon lequel le caractère démocratique ou non d’un État sera un facteur majeur dans l’évaluation des potentielles ventes d’armements, plutôt que l’emploi probable des équipements destinés à l’exportation. Toutefois, cela n’impliquerait pas une interdiction totale des exportations d’armements à des États non démocratiques. Les exportations de la Suède vers l’Arabie saoudite sont très limitées, mais existent et il est probable que ces ventes très limitées soient une cible facile des nouvelles règlementations. Cependant, ni le projet du gouvernement visant à introduire de nouvelles règlementations, ni ses préoccupations relatives à la guerre au Yémen, n’ont empêché son soutien aux importantes ventes aux Émirats arabes unis, dont en particulier le système Erieye précédemment évoqué. De plus, Saab, le fabricant d’Erieye, attend clairement une relation à long terme avec les ÉAU, où la société a ouvert, en décembre 2017, un centre de développement et de production. Théoriquement, les nouvelles règles pourraient susciter un questionnement plus poussé autour des ventes aux Émirats arabes unis et à d’autres membres de la coalition – qui, clairement, ne sont pas des démocraties –, mais la perspective de perdre un client si important pourrait continuer à l’emporter sur les préoccupations démocratiques et d’une autre nature.
En France
Le commerce des armements en France fait régulièrement l’objet de controverses à la suite de scandales de corruption. En général, comme dans d’autres pays, les partis de gauche et de droite ont largement soutenu les efforts de ventes d’armements français. Toutefois, la guerre au Yémen a intensifié les critiques sur les ventes à l’Égypte et à l’Arabie saoudite, de la part de certains médias et d’organisations de la société civile, comme Amnesty International et SumOfUs. Cette pression, ainsi que l’appel à un embargo sur les armes imposé à l’Arabie saoudite par le Parlement européen, auraient pris de l’ampleur, suscitant, semble-t-il, des désaccords au sein de l’actuel gouvernement : le ministère des Affaires étrangères se serait opposé à certaines ventes envisagées, alors que le ministère de la Défense les aurait soutenues, ce dernier obtenant in fine l’appui de la présidence et du Premier ministre. Aucun des principaux candidats à l’élection présidentielle de 2017 n’a exprimé son opposition à ce que la France poursuive ces ventes à l’Arabie saoudite et à d’autres membres de la coalition yéménite. […]
Tous les principaux exportateurs d’armements fournissent au moins quelques-unes des parties au conflit yéménite et les conséquences terrifiantes de la guerre n’ont, jusqu’à présent, que très peu atteint l’enthousiasme des États-Unis et des exportateurs européens à vendre sur le lucratif marché des armements dans le Golfe. L’Arabie saoudite, en particulier, 4e pays en termes de dépenses militaires au niveau mondial, dépend presque entièrement des armes importées, que les producteurs occidentaux ont été très heureux de fournir. Toutefois, la guerre au Yémen a certainement contribué à aiguiser le débat sur ces ventes, atteignant dans certains cas le niveau d’une forte opposition parlementaire et brisant ce qui a souvent été un consensus pluripartite en faveur des ventes d’armements dans certains pays. Les Pays-Bas ont été les premiers en Europe à interdire les ventes à l’Arabie saoudite, bien que, comme le souligna à l’époque un journaliste néerlandais, cela n’a que peu d’importance puisque, dans tous les cas, les Pays-Bas ne vendaient presque pas à l’Arabie saoudite. Plus importante est la décision du gouvernement allemand de mettre un terme aux ventes d’armements vers tous les pays impliqués dans la guerre, conformément au nouvel accord de coalition. Toutefois, l’Allemagne ne compte pas parmi leurs principaux fournisseurs et les trois fournisseurs occidentaux les plus importants – les États-Unis, le Royaume-Uni et la France – ne donnent aucun signe de changement de politique, bien que la contestation politique soit croissante.