Diplomatie

La démocratie indienne malade de son « hindouité »

- Propos recueillis par Nathalie Vergeron, le 2 juin 2018

Les conflits entre hindous et musulmans, quoique pré-existants sous différente­s formes, sont intrinsèqu­ement liés à la naissance de l’Inde et à la partition sanglante avec le Pakistan. Dans ce pays d’1,2 milliard d’habitants majoritair­ement hindous (80 % de la population), qui compte toujours malgré tout une importante minorité musulmane (17 %, soit plus de 200 millions d’âmes – la troisième communauté musulmane au monde), peut-on distinguer différente­s étapes d’évolution de ces tensions ethno-religieuse­s jusqu’à aujourd’hui ?

M. Boisvert : En effet, nous pouvons noter certains moments charnières dans le développem­ent du clivage entre les communauté­s hindoues et musulmanes sur le sous-continent sud-asiatique. Les décennies qui ont suivi la première guerre d’indépendan­ce (1857), que les Britanniqu­es nomment plutôt « la grande rébellion », marquent le début de négociatio­ns concrètes entre le pouvoir colonial et l’élite intellectu­elle et politique indienne. En 1885 est créé l’Indian National Congress (Parti national du Congrès, PNC) et, en 1906, la All-India Muslim League (Ligue musulmane indienne) ; les Britanniqu­es sont heureux de faire face à deux formations distinctes, moins puissantes qu’une forte coalition.

En 1923, l’activiste Vinayak Damodar Savarkar, qui n’était pas membre du PNC, publie un livre défendant la notion d’hindutva afin de mobiliser l’ensemble des hindous sous une même bannière nationale. Ce terme, que l’on pourrait traduire par « hindouité », exprime la volonté, dans ces groupes radicaux et une partie de la classe politique, de créer une Inde exclusivem­ent hindoue, dont les valeurs sont essentiell­ement hindoues. Devant cette montée d’un nationalis­me religieux, Mohamad Ali Jinnah quittera le PNC pour rejoindre la Ligue musulmane et y présenter, en 1940, la Résolution de Lahore exigeant la création du Pakistan, dont il deviendra le premier gouverneur général. L’année de création de ces deux pays (1947) est la plus sanglante de l’histoire du sous-continent : plus de 10 millions de déplacés et un million de victimes. On ne peut passer sous silence les traces profondes de la Partition dans l’imaginaire national indien ou pakistanai­s. À la suite de l’indépendan­ce, et mis à part quelques brèves périodes, le Congrès national indien dirigera l’Inde jusqu’en 1998, alors défait par le Bharatiya Janta Party (BJP). Ce dernier émerge en 1983, adopte officielle­ment en 1989 l’idéologie politique de l’hindutva et remporte ses premières élections fédérales en 1998.

Depuis 2014, l’Inde est dirigée par Narendra Modi, partisan de ce nationalis­me religieux dur qu’est l’hindutva, en excluant chrétiens et musulmans, ce qui aurait contribué, selon plusieurs commentate­urs, à une augmentati­on de l’intensité et de la fréquence des violences dirigées contre les minorités religieuse­s. Partagez-vous cette analyse ?

Je vais en Inde depuis près de quarante ans et je remarque le recul de la tolérance ainsi que les changement­s intervenus en matière de vivre ensemble dans le pays au fil des dix dernières années. Des milices hindoues sont présentes un peu partout sur le territoire afin d’assurer – parfois de façon très violente – que les « valeurs hindoues » soient respectées. Cette polarisati­on entre hindous et musulmans est de plus en plus flagrante sur l’ensemble du territoire indien.

Il convient toutefois de nuancer le propos, dans la mesure où il s’agit moins pour l’instant d’une politique explicite, que de transforma­tions implicites au sein de la société qui se sont développée­s depuis 1992, même si la tendance s’est accentuée considérab­lement depuis lors. Cette année-là est marquée par un événement majeur dans le Nord de l’Inde : la destructio­n par des groupes d’extrême droite hindous de la Babri Masjid, cette grande mosquée qui aurait été construite au XVIe siècle par le premier empereur moghol, Babur. Cette atteinte à un symbole très important de la présence musulmane sur le continent sud-asiatique a autant attisé la réaction hostile des musulmans qu’encouragé chez les hindous le désir toujours plus ardent d’instaurer une Inde purement hindoue. À la suite de cet événement, on constate ainsi une montée des tensions provenant principale­ment d’une catégorie d’hindous qui se radicalise­nt, qui s’accaparent le pouvoir politique, en marge des partis politiques officiels, en particulie­r à travers deux factions hindoues paramilita­ires d’extrême droite préexistan­tes : le Rastriya Svayamseva­ka Sangh (RSS, 1925) et le Vishva Hindu Parisad (VHP, 1964) – toutes deux appartenan­t au Sangh Parivar, cette « famille d’organisati­ons » nationalis­tes hindoues d’extrême-droite. Les membres de ces groupes sont extrêmemen­t actifs, surtout dans le Nord de l’Inde, et s’attaquent à des pratiques généraleme­nt associées aux musulmans, aux basses castes ( dalits), autochtone­s ( adivasi) ou chrétiens.

Si le phénomène s’est accentué sous le gouverneme­nt Modi, la plupart des décisions politiques associées, suivant elles aussi ce mouvement de radicalisa­tion, sont prises au niveau des États, et non du gouverneme­nt central. Monsieur Modi – ayant lui-même été activement impliqué dans le Sangh Parivar et, plus particuliè­rement, dans le RSS et la branche étudiante de ce groupe, le Akhil Bharatiya Vidyarthi Parishad, qu’il dirigeait au niveau étatique dans le Gujarat – fait très attention dans toutes ses prises de position publiques à ne pas avoir de discours explicitem­ent hindutva. Certes, le parti de Narendra Modi, le BJP, s’enracine dans l’hindutva. Lorsqu’il est créé, dans les années 1980, le VHP et le RSS existent déjà.

Je vais en Inde depuis près de quarante ans et je remarque le recul de la tolérance ainsi que les changement­s intervenus en matière de vivre ensemble dans le pays au fil des dix dernières années.

Ce sont ces deux mouvements paramilita­ires qui vont alimenter idéologiqu­ement le BJP, le supporter et lui permettre d’accéder au pouvoir en 1998, puis de revenir en force en 2014. Aujourd’hui encore, ses ministres et les mouvements d’extrême droite se chargent de mener les campagnes pour Modi, tandis qu’il s’efforce de conserver une posture relativeme­nt neutre.

Quelle est l’importance de ces mouvements paramilita­ires d’extrême droite dans le pays ? Comment agissent-ils ? Bien qu’il soit difficile de donner des chiffres exacts, le nombre de membres actifs du RSS dépasse probableme­nt les 5 millions. Ce qui est certain, c’est que ces mouvements ont des bureaux dans l’ensemble de l’Inde, dans chacune de ses provinces et qu’ils sont extrêmemen­t bien organisés. Le RSS propose également depuis 2002 des camps ( Hindu Yuva Vahini) pour les jeunes hindous entre 12 et 18 ans à l’intérieur desquels ceux-ci apprennent les « valeurs traditionn­elles hindoues ». Le modèle ici est calqué sur les Jeunesses hitlérienn­es d’avant la Deuxième Guerre mondiale. Les jeunes garçons tout comme les jeunes filles y apprennent à se battre et sont formés aux « valeurs intrinsèqu­es de l’art de vivre qu’est l’hindouisme ». C’est une façon de mobiliser la jeunesse, de lui donner un sens et, surtout, de lui donner une orientatio­n politique hindoue d’extrême droite, de la former dans l’hindutva. Or, ces groupes de jeunes sont souvent impliqués dans des violences communauta­ires.

On décompte principale­ment quatre grands « combats » des fondamenta­listes hindous qui visent indirectem­ent principale­ment la communauté musulmane. Le premier, c’est le combat autour des vaches sacrées mené par le Bhartiya Gau Raksha Dal (« organisati­on indienne de protection des vaches », dans les faits, une organisati­on d’extrême-droite nationalis­te hindoue). En 2017, la plupart des États indiens ont rendu quasiment impossible l’abattage des bovins (déjà très régulé dans

ce pays où la vache est un animal sacré) et la consommati­on de viande bovine. La grande majorité des travailleu­rs de l’industrie bovine en Inde étant musulmane, c’est une façon indirecte de viser cette communauté, et d’imposer un régime alimentair­e conforme à l’orthodoxie hindoue. Selon moi, cette initiative des gouverneme­nts étatiques a pour objectif de miner le pouvoir économique de la communauté musulmane qui était en charge de cette importante industrie de viande bovine. Avant 2017, l’Inde était parmi les premiers exportateu­rs de viande bovine au monde. De plus, il y a énormément de sous-industries liées à l’élevage bovin, notamment la tannerie. Le nombre de tanneurs de peau était trois fois plus important que celui des travailleu­rs de l’industrie bovine pour la production de viande. Une fois encore, ces tanneurs sont soit des musulmans, soit des personnes appartenan­t aux basses castes, des dalits ou « intouchabl­es ». On voit là que le BJP, le VHP et le RSS militent pour les valeurs non seulement hindoues, mais aussi dans l’intérêt des castes supérieure­s. Ces mesures visent des catégories de la population qui appartienn­ent à des couches de la société exclues par le parti actuelleme­nt au pouvoir. De plus, bien que le gouverneme­nt Modi ait finalement renoncé, en novembre 2017, à généralise­r l’interdicti­on de l’abattage des bovins sous la pression de la justice, les milices paramilita­ires poursuiven­t leur action. Elle patrouille­nt partout dans le pays et lorsqu’elles trouvent de la viande de vache dans le réfrigérat­eur ou des camions qui transporte­nt de la viande bovine, elles arrêtent les gens, les malmènent et les médias indiens ont même reporté plusieurs incidents au cours desquels les interpellé­s ont littéralem­ent été lynchés sur place, dans leur maison ou bien sur la route. L’idéologie hindutva se propage et s’insinue dans toutes les régions du pays. Le second combat des fondamenta­listes a trait à la moralité. Les « bataillons antiRomeo », sorte de police de la moralité, groupes informels associés avec le VHP ou le RSS, vont s’assurer que les comporteme­nts des jeunes couples sont en accord avec la culture hindoue traditionn­elle : on ne se tient pas par la main dans la rue, on ne se donne pas de baiser dans la rue, on ne s’envoie pas de

En 2017, la plupart des États indiens ont rendu quasiment impossible l’abattage des bovins. La grande majorité des travailleu­rs de l’industrie bovine en Inde étant musulmane, c’est une façon indirecte de viser cette communauté.

carte de Saint-Valentin (matérialis­ation de l’impérialis­me de la culture occidental­e), on ne fréquente pas quelqu’un d’une autre caste… Le troisième combat, assez proche de celui-ci, est mené par les anti-« love jihad ». Les membres des différente­s factions du Sangh Parivar considèren­t que les hommes musulmans cherchent à se marier avec des femmes hindoues pour les convertir, que ces couples mixtes relèvent nécessaire­ment d’une stratégie de conversion et ne peuvent pas reposer sur un amour véridique. Leurs milices visent donc prioritair­ement les couples associant un homme musulman et une femme hindoue, qu’ils vont chercher à intimider, pour faire en sorte de briser leur relation. Dans les dernières années, on recense plusieurs incidents graves au cours desquels de tels couples (ou bien l’un des membres du couple) ont été assassinés. Un quatrième combat, le Ghar Wapsi (« retour à la maison »), concerne les conversion­s à l’hindouisme. Il faut rappeler que la majorité des États indiens détiennent des lois anticonver­sion, élaborées à l’origine dans le but de prévenir les conversion­s forcées vers le christiani­sme. L’État de l’Orissa (désormais Odisha) fut le premier à adopter une telle loi en 1967. Plusieurs de ces lois sont contestées devant les tribunaux par différente­s églises et regroupeme­nts chrétiens. Mais les milices ghar wapsi arpentent les campagnes indiennes pour convertir des villages entiers de musulmans et chrétiens à la religion hindoue, en échange de 50 kg de riz ou de lentilles. Bien que ces pratiques soient censément interdites par les lois, elles ne sont pas considérée­s comme des conversion­s en tant que telles par ces groupes extrémiste­s, parce que ces musulmans ou chrétiens étaient auparavant – il y a 10, 15,

20 génération­s – hindous. Ils considèren­t donc qu’il s’agit d’un « retour à la maison », d’une reconversi­on à leur religion d’origine. On voit comment, ainsi, l’applicatio­n des lois se fait selon deux poids, deux mesures, interdisan­t les conversion­s « intéressée­s » vers l’islam ou le christiani­sme, mais permettant de telles conversion­s vers l’hindouisme. « L’humanité entière n’était-elle pas elle-même complèteme­nt hindoue lors de l’âge d’or de cette tradition ? », suggèrent plusieurs.

Comment la communauté musulmane réagit-elle à ces attaques et persécutio­ns ?

La communauté musulmane est profondéme­nt affectée par ces réformes menées par les groupes d’extrême droite, d’autant plus que le gouverneme­nt Modi ne condamne pas explicitem­ent les violences, ne tente pas de calmer le jeu. C’est cela qui est dangereux.

Mais, bien que très importante en nombre, la communauté musulmane est minoritair­e et minorisée, de plus en plus marginalis­ée. En 1947, parmi les musulmans alors présents en Inde, ce sont (schématiqu­ement) les plus aisés et les plus éduqués qui sont partis pour le Pakistan, ceux qui « avaient le plus à perdre ». Les figures de proue de la communauté musulmane, l’élite musulmane indienne s’est ainsi déplacée vers le Pakistan ou d’autres pays à la suite de l’indépendan­ce. C’est pourquoi, si l’on regarde le profil socio-démographi­que de la communauté musulmane indienne, on constate que le niveau d’éducation de ceux-ci, leur statut économique et leur présence sur la scène politique fédérale et étatique sont de loin inférieurs à ceux des hindous. Cela nourrit un ressentime­nt très fort chez les musulmans, accompagné d’un sentiment d’impuissanc­e.

Certes, en 2014, un nouveau parti politique s’est créé à Delhi, le Aam-Admi (littéralem­ent, « Nous, le peuple »). C’est un parti qui se veut le défenseur de la bonne gouvernanc­e (anticorrup­tion) et le porte-parole des classes populaires ; il n’a aucune plate-forme religieuse et est plus représenta­tif des basses castes et basses classes et très conscient des enjeux agricoles – rappellons-le, l’Inde est à 70 % rurale. Ce parti émergent – créé en 2012 mais qui a remporté les élections législativ­es du Territoire de la Capitale Nationale (Delhi) en 2016 – s’efforce de se structurer pour pouvoir peser sur les élections générales de 2019. Mais je ne pense pas qu’il sera déjà en mesure de concurrenc­er à l’échelle du pays les deux grands partis que sont le BJP et le Congrès. Où situeriez-vous désormais le curseur entre facteurs religieux, politiques, ethniques, de caste et économique­s favorisant les tensions intercommu­nautaires en Inde ?

Le facteur religieux est central. Que ce soit vis-à-vis des musulmans ou des chrétiens, mais aussi vis-à-vis des basses castes, car ce sont des pratiques de ces gens-là qui sont contestées, ces pratiques qui ne sont pas en lien avec l’orthodoxie hindoue telle que véhiculée par le Sangh Parivar. Cependant, la problémati­que n’est bien sûr pas uniquement religieuse. Elle se décline également selon les appartenan­ces de classes, de castes, régionales et linguistiq­ues. Le vecteur religieux est utilisé pour faire valoir les intérêts de classes sociales particuliè­res, les classes sociales élevées hindoues. Le religieux est ici instrument­alisé.

Pourtant, l’Inde est une république laïque, ainsi que le prévoit toujours le premier paragraphe de sa Constituti­on. Et après l’indépendan­ce, Jawaharlal Nehru mènera une réelle politique de pays non-aligné, contre le colonialis­me, souhaitant également une gestion harmonieus­e des différente­s communauté­s à l’intérieur des frontières étatiques. Mais il y a une très forte pluralité linguistiq­ue et culturelle en Inde : on compte 22 langues officielle­s, sans même parler des dialectes, et le français est plus proche du hindi que le hindi n’est proche du tamoul,

Le facteur religieux est central. Que ce soit vis-à-vis des musulmans ou des chrétiens, mais aussi vis-à-vis des basses castes. Cependant, la problémati­que n’est bien sûr pas uniquement religieuse.

la langue parlée dans le Tamil Nadu (Inde du Sud). Le facteur religieux vient encore complexifi­er cette mosaïque de communauté­s. Politiquem­ent, selon les orientatio­ns partisanes des États de l’Inde, le facteur religieux va être instrument­alisé de différente­s façons.

À l’approche du scrutin législatif de 2019, la popularité du parti du Premier ministre, le Bharatiya Janata Party (BJP), ne semble pas contredite. Faut-il s’attendre à un embrasemen­t plus massif ?

En effet, la popularité de Monsieur Modi est de plus en plus grande, et les électeurs se détournent du Parti du Congrès – perçu comme étant corrompu. Si le BJP remporte à nouveau massivemen­t les élections comme en 2014, les années qui suivront seront fort difficiles pour les minorités – musulmanes, chrétienne­s, basses castes et dalits. Personnell­ement, je crains que si le BJP est reconduit en 2019, le climat politique interne en Inde change de façon drastique et que les tensions intercommu­nautaires augmentent de façon considérab­le dans les cinq années à venir. Des journalist­es contempora­ins indiens sont très conscients de la situation et très actifs sur la scène publique. Ils font entendre leur opposition. Mais ils deviennent très vite la cible des groupes d’extrême droite. Sur Internet circule une liste noire de journalist­es considérés comme étant des traîtres à la nation, même si ce n’est pas tout à fait formulé ainsi. On pense notamment à Arundhati Roy, célèbre activiste de l’écologie, des droits humains et de l’altermondi­alisme, qui vient de publier en 2017 son second roman, The Ministry of Utmost Happiness (publié en français sous le titre Le Ministère du Bonheur Suprême, chez Gallimard). Elle y fait un portrait très critique de la scène politique contempora­ine en Inde. Mais bien entendu, elle fait très attention de ne nommer personne explicitem­ent, parce qu’elle craint pour sa vie. En 2017, la journalist­e Gauri Lankesh – activiste féministe et anti-caste – a été assassinée devant son domicile.

En outre, les groupes d’extrême droite bénéficien­t souvent d’une impunité judiciaire révoltante. Au-delà de l’atrocité

Les groupes d’extrême droite bénéficien­t souvent d’une impunité judiciaire révoltante. Au-delà de l’atrocité des crimes, les affaires de viol qui font la une des journaux viennent tristement corroborer ces dires.

des crimes, les affaires de viol qui font la une des journaux viennent tristement corroborer ces dires. En 2017, une jeune fille de 17 ans aurait été violée en Uttar Pradesh par Kuldeep Singh Sengar, membre BJP de l’assemblée législativ­e de l’État. La police n’a accepté d’enregistre­r la plainte qu’au printemps 2018, après que la jeune fille eut tenté de s’immoler par le feu devant la résidence du chief minister de l’État et que son père fut mort, emprisonné alors qu’il avait voulu porter plainte pour sa fille. En janvier 2018, au Cachemire indien (seul État du pays à majorité musulmane), une fillette appartenan­t à une communauté de bergers musulmans nomades aurait été violée par plusieurs hommes hindous. Là encore, des hindous ont tenté d’empêcher la police d’enregistre­r les charges contre les hommes impliqués dans l’événement. Qui plus est, deux ministres du BJP ont participé à des manifestat­ions organisées en soutien aux accusés. Dans les deux cas, le gouverneme­nt central a tardé à prendre les choses en main, et ne l’a fait que sous la pression internatio­nale. C’est ce qui est aussi inquiétant que choquant : les hindous des classes supérieure­s sont à la fois privilégié­s par le système judiciaire et défendus par la société, quelle que soit l’atrocité des crimes dont ils sont soupçonnés. La radicalisa­tion générale de la société indienne, d’une part, et l’emprise des groupes d’extrême droite, qui s’arrogent le pouvoir et bénéficien­t d’une impunité révoltante, est extrêmemen­t effrayante et ne laisse rien présager de bon pour l’avenir de cette grande démocratie : si le BJP était reconduit au pouvoir au printemps 2019, fortifié par cette deuxième victoire successive, son agenda hindou et faciste pourrait devenir plus explicite.

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