Sunnites et chiites : rivalités et convergences
Dès l’origine de la scission entre sunnites et chiites, le religieux et le politique ont été intimement liés, dans une relation complexe où, contrairement à ce que pourrait suggérer une lecture trop rapide de l’histoire, c’est essentiellement le second, fait de rivalités dynastiques, de querelles de pouvoir et de clivages sociaux, qui fait évoluer le premier.
Le conflit entre sunnites et chiites porte au départ sur la nature du pouvoir légitime en islam. Loin d’être toujours virulentes, ces controverses ont été activées ou désactivées au cours de l’histoire en fonction du contexte politique.
La dimension doctrinale
Au coeur du conflit doctrinal entre sunnites et chiites se trouve la question de l’imamat. Pour les sunnites, la forme idéale du pouvoir musulman est incarnée par le califat, en particulier celui des quatre premiers successeurs de Mahomet appelés les « bien guidés ». Ces derniers ont été désignés dans le cadre d’un processus de consultation des compagnons du Prophète. Après eux, nous dit tout un pan de la tradition, le califat s’est transformé en simple pouvoir dynastique, s’éloignant toujours plus de la pureté des origines. Pour autant, le califat, même dévoyé, a continué à incarner aux yeux des sunnites un pouvoir musulman légitime. Son abolition en 1924 par Mustafa Kemal Atatürk, le fondateur de la Turquie moderne, a constitué un vrai traumatisme.
Pour les chiites, ce califat bien guidé n’existe pas. Les trois premiers califes sont des usurpateurs qui ont ignoré la volonté clairement exprimée par Mahomet d’avoir pour successeur son cousin et gendre, Ali bin Abi Talib. Après lui, affirment les chiites, qui sont littéralement « les partisans d’Ali » ( shiat Ali), ce sont ses descendants issus de son mariage avec la fille du Prophète Fatima qui prendront sa suite. Ces derniers sont appelés les « Imams ». Si le chiisme s’apparente à un mouvement