– ANALYSE Après les élections anticipées du 24 juin 2018, la Turquie entre dans une nouvelle ère politique
Le 9 juillet 2018, à Ankara, la cérémonie de prestation de serment, qui a consacré la réélection de Recep Tayyip Erdogan à la présidence turque, marquait aussi un véritable changement de régime, dont les enjeux ne sont pas que politiques, mais aussi et surtout économiques et internationaux.
On disait Recep Tayyip Erdogan fatigué après plus de quinze ans d’exercice du pouvoir. On pensait aussi que ce rendez-vous électoral inédit, qui voyait se tenir le même jour des élections présidentielle et législatives, pouvait réserver des surprises. On redoutait enfin que des fraudes ne viennent entacher les scrutins. Pourtant, au soir du 24 juin 2018, le leader de l’AKP a remporté une nouvelle victoire, la treizième lors d’une consultation nationale depuis 2002, sans que la concomitance des deux scrutins ne parvienne à dérégler l’ordonnancement d’un scénario savamment orchestré depuis plusieurs mois. L’OSCE et le Conseil de l’Europe ont toutefois estimé que la campagne électorale n’avait pas été équitable, notamment parce que « [les médias], dont l’audiovisuel public, n’ont pas offert des informations équilibrées sur les différents candidats » (1). Des irrégularités importantes ont également été relevées, le jour du scrutin, mais il ne semble pas qu’elles soient susceptibles de remettre en cause la crédibilité des résultats.
Recep Tayyip Erdogan l’emporte, l’AKP marque le pas
Avec 52,5 % des suffrages exprimés, le président sortant devance largement son principal concurrent Muharrem Ince, le candidat du parti kémaliste CHP, crédité de 30,6 %. Parallèlement, « l’Alliance populaire » ( Cumhur Itittaki), une coalition rassemblant l’AKP et le parti nationaliste MHP, obtient 53,6 % des voix et 344 sièges au Parlement (sur 600), tandis que « l’Alliance de la Nation » ( Millet Itittaki), un regroupement d’une partie de l’opposition réunissant le CHP, le Bon Parti ( Iyi parti) et deux formations marginales (les islamistes du Parti de la Félicité et le Parti démocrate), n’atteint que 33,9 %, et ne pourra compter que sur 189 sièges dans l’hémicycle. Pour leur part, les Kurdes du HDP ont créé la surprise dans les deux scrutins, leur
L’alliance d’Erdogan avec l’extrême droite, déjà nécessaire lors du référendum de 2017 pour faire adopter la révision constitutionnelle présidentialisant la Turquie, a cette fois permis de faire face aux conséquences imprévisibles que pouvait avoir l’érosion du parti au pouvoir.
candidat, Selahattin Demirtas, terminant en troisième position à la présidentielle avec 8,4 %, et leur parti passant, lors des élections législatives, le seuil de 10 % exigé au niveau national pour avoir une représentation parlementaire, de sorte qu’avec 11,7 %, cette formation aura désormais 67 députés au Parlement. La première leçon qui peut être tirée de ce scrutin est que la victoire de l’AKP est autant tactique qu’électorale, car elle n’aurait pu être obtenue sans le soutien du MHP. En 2014, en effet, Recep Tayyip Erdogan, qui ne représentait que son parti à la présidentielle, avait atteint 51,4 %. En 2018, il parvient à peine à amplifier ce score, alors même qu’il disposait de l’appui des nationalistes, crédités au demeurant de 11,1 % aux législatives, où l’AKP n’a réalisé que 42,5 % (contre 49,5 % en novembre 2015). L’alliance d’Erdogan avec l’extrême droite, déjà nécessaire lors du référendum de 2017 pour faire adopter la révision constitutionnelle présidentialisant la Turquie, a cette fois permis de faire face aux conséquences imprévisibles que pouvait avoir l’érosion du parti au pouvoir, révélée par les élections législatives de juin 2015, à l’occasion desquelles l’AKP avait perdu sa majorité absolue au Parlement, et ne l’avait retrouvée qu’en novembre, grâce à des élections anticipées. Il y a donc là une des clés de lecture des dernières élections anticipées. Conscient de la menace, le Président s’est allié, dès le mois de janvier 2018, avec le MHP, avant de réformer la loi électorale (pour permettre à des alliances de se présenter aux législatives), puis d’accepter de provoquer des élections présidentielle et législatives réclamées initialement par le leader nationaliste Devlet Bahçeli, au mois d’avril. Seul écueil pour le Président dans ce dispositif : avec 295 députés, l’AKP n’aura pas la majorité absolue au sein du Parlement, et dépendra donc dans certains cas des voix d’appoint du MHP. Il est vrai toutefois que dans un régime présidentiel, où l’exécutif n’est pas responsable devant le Parlement, cette carence n’aura qu’une portée limitée.
Résilience du MHP et du HDP, nouvel échec des partis d’opposition traditionnels
Les deux autres enseignements majeurs de ces élections concernent l’extrême droite et les Kurdes.
Après la création du Bon Parti par Meral Aksener, on avait cru le MHP de Devlet Bahçeli moribond, car promis à une marginalisation certaine du fait de son alliance avec l’AKP. Ce déclin annoncé semblait devoir laisser le champ libre au développement d’un nationalisme de centre droit plus modéré, partenaire acceptable pour le CHP, au sein de l’opposition. Force est de constater que c’est le scénario inverse qui est survenu. Au parlement, le MHP a réussi à préserver son influence électorale en augmentant même son nombre de sièges, tandis que le Bon Parti peinait à franchir le seuil lui permettant d’avoir une représentation parlementaire, et que Meral Aksener, un temps présentée comme l’étoile montante de la politique turque, terminait quatrième de la présidentielle avec 7,2 %. Cette résilience du MHP indique que l’électorat nationaliste, séduit probablement par la politique kurde répressive d’Erdogan, à l’intérieur (fin du processus de paix) comme à l’extérieur des frontières (intervention militaire à Afrine contre les YPG), a préféré une convergence avec le parti au pouvoir à une alliance incertaine avec le CHP. Mais le bon score du parti nationaliste tient aussi probablement au fait qu’il a réussi à capter une partie significative des électeurs qui se sont détournés de l’AKP (2). En votant pour le MHP au sein de « L’Alliance populaire », ces derniers ont eu la faculté d’exprimer leur mécontentement à l’égard du parti au pouvoir, sans pour autant basculer dans l’opposition.
Le dernier constat des résultats du 24 juin concerne le bon score du parti kurde. Dans un climat particulièrement défavorable et alors même que le gouvernement pariait sur sa marginalisation, le HDP a confirmé la réalité de son ancrage politique dans le pays, préservant son influence électorale dans le SudEst, voire dans de nombreuses métropoles, renforçant son groupe au Parlement, et adressant un nouveau pied de nez au régime en plaçant son candidat à la présidentielle à la troisième place, comme lors de la présidentielle précédente. Ce résultat montre que l’AKP, malgré sa gestion résolument sécuritaire de la question kurde, ne parvient pas à se défaire de ce phénomène politique kurde qui perdure donc dans son propre système, en dépit de l’abandon du processus de paix depuis 2015. Politiquement, la Turquie est ainsi divisée en trois blocs. Le premier d’entre eux (50 à 55 %) rassemble les populations néourbaines et rurales qui continuent à faire confiance à l’AKP pour améliorer leur niveau de vie dans le respect des valeurs traditionnelles, en fermant les yeux sur la montée de l’autoritarisme. Le second bloc (30 à 35 %) exprime les inquiétudes des élites et des secteurs les plus sécularisés de la société, en ce qui concerne notamment les atteintes aux libertés publiques et le devenir de la démocratie. Le troisième bloc (10 à 15 %), qui incarne d’abord le fait politique kurde (et 60 % de l’électorat kurde), a réussi aussi à séduire, notamment dans les grandes villes, un électorat turc de gauche, déçu par l’opposition traditionnelle. Cette dernière est d’ailleurs plus que jamais en crise à l’issue de sa défaite (3). Le Bon Parti a annoncé qu’il quittait « l’Alliance de la Nation », en expliquant que cette structure n’avait été que temporaire. Quant au CHP, il est actuellement confronté à des conflits intérieurs majeurs, Muharrem Ince ayant appelé son président Kemal Kiliçdaroglu à démissionner pour favoriser un renouveau du parti.
Une nouvelle ère politique annoncée
Moins facile qu’il n’y paraît à première vue, le succès électoral de Recep Tayyip Erdogan ouvre néanmoins une nouvelle ère politique en Turquie ; une sorte de « Seconde République », estime même un éditorialiste Cette mutation se traduit d’abord par une accélération des transformations politiques auxquelles on a assisté, au cours des deux dernières années. En reprenant le leadership du parti et en accroissant sa pression sur le pouvoir judiciaire, le Reis avait commencé à appliquer la révision constitutionnelle adoptée par référendum en 2017, il passe désormais à la mise en oeuvre du noyau dur de cette réforme, en entrant dans la présidentialisation ultime du système. La disparition du Premier ministre (une fonction qui existait depuis l’Empire ottoman) et d’un gouvernement responsable devant le Parlement entraîne en effet un remaniement profond de la fonction exécutive, qui place le chef de l’État au centre des institutions politiques et de l’appareil d’État. Esquissé depuis l’an passé avec le rattachement à la présidence d’instances qui dépendaient traditionnellement du chef de gouvernement (direction des affaires religieuses, services de renseignement, secrétariat des industries de l’armement…), le processus a été systématisé avec une restructuration des administrations centrales et une réduction du nombre des ministères à seize, qui a fait disparaître notamment le ministère des Affaires européennes. Au lendemain des élections, l’exécutif a pris d’importants décrets qui organisent cette présidentialisation du système. Cela a permis de sortir de l’état d’urgence prorogé à sept reprises depuis l’échec de la tentative de coup d’État de juillet 2016, non sans que l’administration publique ait été domestiquée par ces réagencements et une série de purges sans précédent, qui ont concerné au moins 150 000 personnes. Dans le sillage de sa cérémonie d’intronisation du 9 juillet (5), Erdogan a pu ainsi dévoiler la liste des ministres qui vont constituer à ses côtés l’armature du nouvel exécutif présidentiel : Mevlüt Çavusoglu, Abdülhamit Gül et surtout Süleyman Soylu sont significativement maintenus aux Affaires étrangères, à la Justice et à l’Intérieur, tandis que Berat Albayrak, le gendre du Président, devient ministre des Finances et que l’ex-chef d’état-major Hulusi Akar, resté fidèle à Erdogan lors du coup d’État de 2016, obtient le ministère de la Défense. Un décret a d’ailleurs simultanément confirmé la mise de l’armée sous la tutelle de ce ministère. Il est probable que des remaniements affecteront aussi le parti lui-même, qu’Erdogan n’a cessé d’épurer depuis qu’il a été élu à la présidence en 2014 (6). La refondation de l’État devrait être suivie par une poursuite de la reprise en main de l’administration des villes, notamment des
L’AKP, malgré sa gestion résolument sécuritaire de la question kurde, ne parvient pas à se défaire de ce phénomène politique kurde qui perdure dans son propre système, en dépit de l’abandon du processus de paix depuis 2015.
métropoles, commencée à l’automne dernier avec la démission forcée des maires d’Ankara et d’Istanbul. Au lendemain des élections du 24 juin, Recep Tayyip Erdogan a d’ailleurs regretté que l’AKP ait enregistré un score de 7 points inférieur à son score des législatives de 2015. Déjà en campagne pour les prochaines élections locales qui doivent se tenir en mars 2019, il a appelé les cadres de son parti à retrouver la confiance du public et annoncé de nouvelles réformes internes.
La fin du paradigme de la transition démocratique en Turquie
Ces transformations politiques devraient par ailleurs s’accompagner d’un changement de décor, avec la poursuite des grands travaux destinés à donner corps aux rêves de grandeur du régime. La grande mosquée de Çamlica, construite au sommet de l’une des plus hautes collines d’Istanbul sur le modèle de celle de Sultanahmet, et le nouvel aéroport d’Istanbul, qui ambitionne de devenir l’un des plus grands hubs aériens du monde, devraient entrer en service avant la fin de l’année 2018. Alors même que la Turquie n’est jamais parvenue à organiser un grand événement sportif international, Recep Tayyip Erdogan se voit déjà accueillir les championnats d’Europe de football en 2024 ou les Jeux olympiques d’hiver en 2026. Toutefois, cette politique de prestige, qui a dopé artificiellement la croissance, pourrait être remise en cause par la dégradation de la situation économique, qui sera aussi l’un des défis majeurs de la nouvelle ère qui s’ouvre. Alors que l’inflation a franchi la barre symbolique de 15 % en juin 2018 et que la livre turque a perdu près de 65 % de sa valeur depuis 2014, le rétablissement d’une discipline financière, impliquant le maintien de taux d’intérêt élevés et la réduction du déficit budgétaire, risque de conduire le nouvel exécutif à reconsidérer un certain nombre de grands projets, tels que le doublement du Bosphore par le creusement d’un canal ou la poursuite du programme nucléaire civil (7).
Il reste à faire le bilan de ce qui constitue une réorientation complète du projet politique de l’AKP. En 2002, lors de son arrivée au pouvoir, cette formation issue de la mouvance islamiste avait paru souscrire au paradigme de la transition démocratique, en s’attachant à approfondir l’État de droit et à pérenniser un parlementarisme régulièrement interrompu par des interventions militaires. Au tournant de la décennie 2010, l’enlisement de la candidature de la Turquie à l’Union européenne (UE) a vu ce pays s’éloigner progressivement de ces objectifs vertueux, en portant des atteintes de plus en plus graves aux libertés, et en s’engageant dans une présidentialisation résolue du système.
Dix ans après les changements politiques consécutifs à la fin du monde bipolaire, observant des régimes en transition qui, sans avoir basculé dans la dictature, affichaient des déficiences majeures en matière de démocratie, Thomas Carothers les voyait entrer dans une zone grise (8). Or, pour la Turquie d’Erdogan, l’échec du processus de transition semble être moins le résultat de négligences ou d’incapacités endémiques à promouvoir une démocratie plus accomplie, que celui d’une réelle volonté politique des dirigeants turcs de se démarquer de leurs projets initiaux inspirés par les standards occidentaux. Depuis le coup d’État de 2016, le président turc a plusieurs fois défié les valeurs européennes, envisageant un rétablissement de la peine de mort ou regrettant que son pays, pour se conformer aux exigences de Bruxelles, ait accepté de supprimer de son code criminel la pénalisation de l’adultère. Dans le même temps, saisissant toutes les opportunités (crise des réfugiés, actes xénophobes contre des immigrés musulmans, interdiction aux dirigeants de l’AKP de faire campagne dans certains pays de l’UE), il n’a cessé de mettre les dirigeants européens devant leurs contradictions, tout en dénonçant l’usure de leurs institutions et l’essoufflement du projet de construction européenne. Cette posture s’est inscrite de surcroît dans un contexte porteur qui a vu les succès dans plusieurs États occidentaux de dirigeants ou de phénomènes populistes à l’égard desquels le chef de l’État turc n’a, le plus souvent, pas caché sa sympathie, estimant qu’un peu comme en Turquie, ils reflétaient la revanche du peuple sur des élites.
La poursuite probable de l’activisme diplomatique et militaire amorcé depuis 2016
Dans la mesure où ses accents nationalistes ont contribué à la victoire électorale du 24 juin, la politique étrangère suivie par Recep Tayyip Erdogan, depuis 2016, après l’échec de « la politique du zéro problème avec nos voisins », est appelée à se poursuivre. Au niveau régional, en particulier dans le conflit syrien, elle repose sur une convergence de circonstance avec la Russie et l’Iran, au travers du processus d’Astana, inauguré en janvier 2017. À l’issue de deux interventions militaires (« Bouclier de l’Euphrate » en 2016 et « Rameau d’olivier » en 2018), cette tactique a porté un coup d’arrêt à la montée en force des milices kurdes YPG et abouti à la constitution d’une véritable aire turque dans le Nord de la Syrie, sur la rive occidentale de l’Euphrate. Cette influence est appelée à s’étendre à la zone de Manbij, à la suite d’un accord intervenu en juin 2018 avec Washington, qui prévoit la mise de ce territoire sous tutelle turco-américaine et le retrait des YPG. Parallèlement, des troupes turques sont entrées en Irak du Nord avec l’objectif
(ambitieux) de déloger le PKK de ses bases arrières. Cet activisme diplomatique et militaire d’Ankara sur sa frontière méridionale indispose ses partenaires régionaux russe et iranien, comme d’ailleurs les acteurs irakiens directement concernés (gouvernement fédéral de Bagdad, gouvernement régional kurde d’Erbil), qui tolèrent cette présence turque, plus qu’ils ne la soutiennent. Il reste que cet axe régional formé avec Moscou et Téhéran est parvenu à marginaliser les pays arabes sunnites conservateurs et les Occidentaux dans le règlement des crises syrienne et irakienne.
En effet les rapports turco-arabes, qui avaient vécu des moments idylliques avant et au moment des printemps arabes, sont redevenus particulièrement difficiles, hypothéqués, depuis 2013, par le gel durable des relations turco-égyptiennes, et victimes, depuis 2016, de l’embargo décrété par l’Arabie saoudite et ses alliés contre le Qatar, où la Turquie dispose d’une base militaire.
Quoi qu’il en soit, la reprise du dialogue avec Riyad est compromise par l’état morose des relations turco-américaines, même si l’accord sur Manbij a stoppé la spirale d’une détérioration nourrie d’abord par le soutien de Washington aux YPG. Toutefois, outre les affaires judiciaires toujours pendantes dans les deux pays (entre autres : extradition de Fethullah Gülen, détention en Turquie du pasteur américain Andrew Brunson et aux États-Unis de l’ancien dirigeant d’une banque publique turque…), un certain nombre de dossiers délicats restent également en suspens. Washington, notamment, n’a pas apprécié qu’Ankara se dote de rampes de missiles de défense russes S-400 et pourrait bloquer (ou tout au moins retarder) l’acquisition par l’armée turque du nouvel avion furtif F-35 (9).
Alors même que le processus d’adhésion à l’UE est enlisé depuis plusieurs années et que la présidence tournante de l’organisation vient d’échoir à un pays (l’Autriche) qui est particulièrement hostile à la candidature de la Turquie, à court terme, c’est la question des migrations qui risque d’être l’objet central des relations entre Ankara et Bruxelles. En juin 2018, à l’invitation de l’Allemagne, l’UE a décidé de verser à Ankara la deuxième tranche de crédits de 3 milliards d’euros destinés à soutenir l’accueil des réfugiés syriens. Mais il n’est pas sûr que la poursuite de la mise en oeuvre du « pacte migratoire » turco-européen aboutisse à la levée des visas pour les citoyens turcs qui se rendent dans l’espace Schengen. Traversant une situation économique délicate, la Turquie pourra toutefois difficilement se payer le luxe de nouvelles brouilles avec les Européens, ces derniers restant de loin les premiers investisseurs dans ce pays et lui permettant également d’accéder à un marché essentiel pour ses exportations.
Nul doute qu’Ankara poursuivra ses efforts pour diversifier ses débouchés économiques et son positionnement stratégique, notamment en Chine, dans le Sud-Est asiatique, en Amérique latine et surtout en Afrique, où elle dispose d’atouts certains, et où Recep Tayyip Erdogan se rend désormais en tournée chaque année. Il reste qu’alors que la crise syrienne n’est pas réglée, que le conflit israélo-palestinien semble se raviver et que se profilent les effets dommageables d’un nouvel embargo américain sur l’Iran, c’est sans doute encore dans le Vieux Monde, en Europe orientale et au Moyen-Orient que la Turquie devra relever ses prochains défis les plus importants pour sa sécurité et son développement.
L’axe régional formé avec Moscou et Téhéran est parvenu à marginaliser les pays arabes sunnites conservateurs et les Occidentaux dans le règlement des crises syrienne et irakienne.