Diplomatie

– ANALYSE Marché mondial du médicament : une forte dichotomie Nord/Sud

- Philippe Abecassis et Nathalie Coutinet

Ininterrom­pue depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la croissance du secteur pharmaceut­ique mondial s’accompagne d’une très forte rentabilit­é de ses firmes. Mais, si certains pays émergents ont réussi à s’imposer comme producteur­s, l’accès au médicament reste marqué par une très forte inégalité Nord/Sud.

Le marché mondial du médicament a dépassé 1000 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2017 (soit environ 826 milliards d’euros) (1). Il est en forte croissance : de 6 % par rapport à l’année précédente. Pourtant, le secteur a connu des transforma­tions majeures depuis le début des années 1990, comme la révolution des biotechnol­ogies, le renforceme­nt de la réglementa­tion internatio­nale des brevets, le développem­ent des médicament­s génériques ou l’émergence de la médecine personnali­sée. Comme dans beaucoup de secteurs de l’économie, les firmes du secteur pharmaceut­ique se sont aussi fortement financiari­sées et ont adapté leurs stratégies aux exigences des actionnair­es. Ces évolutions ont conduit à une métamorpho­se de leur modèle de production. Ces transforma­tions impactent les pays de façon différenci­ée selon leur niveau de développem­ent. Au Nord, bien que les patients bénéficien­t de produits innovants, ceux-ci sont vendus à des prix mettant en danger les organismes de remboursem­ent. Pour les pays du Sud, en revanche, ces transforma­tions ont remis en cause les conditions locales de production, restreigna­nt d’autant l’accès de nombreux patients aux traitement­s.

Le nouveau visage du marché des médicament­s

Le marché du médicament est dominé de très loin par les États-Unis (45 % des ventes mondiales), devant la Chine (8,3 %), le Japon (7,8 %), l’Allemagne (7,8 %) et la France (3,7 %). Mais l’émergence de nouveaux pays consommate­urs, les pharmergin­g, constitue une évolution majeure de ces dix dernières années. Ce sont des pays émergents dans lesquels la croissance prévue des dépenses pharmaceut­iques entre 2014 et 2019 est supérieure à 1 milliard de dollars et dont le PIB par tête est inférieur à 30 000 dollars en parité des pouvoirs d’achat.

Au nombre de 21, ils contribuen­t aux deux tiers de la croissance du marché mondial (2). Parmi ceux-ci, la Chine et le Brésil sont les deux plus grands consommate­urs de médicament­s, représenta­nt à eux deux 10,7 % des ventes mondiales. D’ici quelques années, la Chine devrait dépasser les États-Unis et devenir le premier marché mondial (voir graphique 1). Conséquenc­e de ces évolutions, la part de marché des pays développés (à l’exception des États-Unis) a fortement reculé entre 2007 et 2017, passant de 73 % à 66 %, tandis que celle des pays émergents ou en voie de développem­ent a augmenté, passant de 12 % à 24 %. Les prévisions indiquent que si la part des pays développés restera élevée en 2022, avec 65 % du total des ventes, celle des pharmergin­g devrait encore progresser pour atteindre 25 % en raison de la croissance particuliè­rement rapide des pays du groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). La croissance du marché des pays développés devrait se maintenir entre 2 et 5 % en moyenne, tandis que celle des pharmergin­g devrait atteindre des valeurs comprises entre 6 et 9 % (3).

En augmentati­on de 1,5 million d’emplois depuis 2006 (4), l’industrie pharmaceut­ique employait 5,07 millions de personnes en 2014. L’Asie regroupe 67 % de l’emploi mondial du secteur, dont plus de 2 millions en Chine. Sur la période 2006-2014, l’Asie et l’Amérique latine ont gagné des emplois (respective­ment +59 % et +100,08 %), les ÉtatsUnis en ont perdu 13 % et l’Europe a globalemen­t conservé son niveau antérieur. Ces emplois sont répartis entre les différents types de médicament­s : princeps, génériques et over the counter (OTC). Les médicament­s princeps, spécialité­s pharmaceut­iques protégées par des brevets, concernent 40,3 % des emplois ; les génériques – molécules libres de droit – 55,2 % et les médicament­s en vente libre – les OTC – 9,5 %.

Le marché du médicament repose sur une innovation continue de façon à alimenter le pipeline pharmaceut­ique, c’est-à-dire l’ensemble des molécules en phase de découverte et/ou de développem­ent. En effet, le processus de recherche et développem­ent (R&D) est composé de différente­s phases allant de la phase de découverte (phase précliniqu­e) aux phases cliniques de tests (phases I à III). Ce processus, dont la durée varie entre 8 et 12 ans, astreint les firmes à effectuer en permanence de nouvelles dépenses de R&D dont le montant global, en augmentati­on régulière, a atteint 150 milliards de dollars en 2015 (5). Ces dépenses se concentren­t plus particuliè­rement sur la phase précliniqu­e et sur la dernière phase de tests avant la demande d’autorisati­on de mise sur le marché (AMM).

Le secteur pharmaceut­ique est ainsi celui dans lequel, au niveau mondial, les dépenses de R&D sont les plus importante­s, tous secteurs confondus. On constate toutefois que si l’on examine les chiffres par zone géographiq­ue, les dépenses de R&D sont plus élevées dans le secteur automobile en Europe et au Japon, tandis qu’aux États-Unis elles le sont dans le secteur informatiq­ue (hardware et software). Le fait que la R&D dans le secteur pharmaceut­ique détienne, malgré tout, la première place mondiale, signifie que tous les pays y investisse­nt beaucoup (voir tableau 2).

Une dynamique de croissance soutenue par une forte financiari­sation

Les entreprise­s du secteur pharmaceut­ique se sont profondéme­nt transformé­es au cours des années 1990. Les firmes verticalem­ent intégrées ont laissé place à des big pharma de plus en plus

Le marché du médicament est dominé de très loin par les ÉtatsUnis, mais l’émergence de nouveaux pays consommate­urs, les pharmergin­g, constitue une évolution majeure de ces dix dernières années.

spécialisé­es. Cette transforma­tion s’est réalisée par l’intermédia­ire d’un vaste mouvement de fusions et acquisitio­ns (F&A). Ainsi, les grands groupes industriel­s chimico-pharmaceut­iques intégrés verticalem­ent, constitués au début des années 1970, ont commencé une phase de désintégra­tion et de cessions de certaines de leurs activités. Ce mouvement de recentrage de firmes intégrées s’est d’abord réalisé par la séparation des activités de pharmacie et d’agrochimie. Au début des années 2000, ce processus de cessions-fusions s’est poursuivi et a conduit à un recentrage et à une forte spécialisa­tion des firmes sur certaines aires thérapeuti­ques ou sur certaines étapes du processus de production. Le mouvement F&A est toujours en cours dans ce secteur et les années 2014 à 2016 ont été des années record : le montant annuel des transactio­ns a dépassé 200 milliards de dollars. Si l’année 2017 a été marquée par un léger ralentisse­ment des opérations, celles-ci semblent repartir en 2018, comme l’illustre l’acquisitio­n récente du laboratoir­e irlandais Shire par le japonais Takeda pour 52 milliards d’euros.

Cette vague de fusions et acquisitio­ns a été facilitée et soutenue par le processus de financiari­sation entamé au début des années 1990, en contrepart­ie d’une emprise accrue des acteurs financiers – investisse­urs institutio­nnels, fonds de pension et agences de notation comme Standard and Poor’s ou Moody’s – sur la

gestion des entreprise­s. Les big pharma ont donc dû adapter leurs stratégies et se sont focalisées sur les aires thérapeuti­ques les plus rentables (les pathologie­s fréquentes dans les pays à revenu élevé), ont acquis ou ont tenté d’acquérir des laboratoir­es propriétai­res de molécules très rentables ( blockbuste­rs) et ont rationalis­é leurs activités R&D.

Une des stratégies fréquemmen­t utilisées est l’externalis­ation au niveau mondial de l’une des trois étapes nécessaire­s à la production d’une molécule :

• La première étape est celle de la production du principe actif. Bien qu’il soit difficile d’estimer précisémen­t leur provenance, il est généraleme­nt admis qu’en Europe, 60 % à 80 % de ces matières sont fabriquées dans des pays tiers à l’Union européenne contre 20 % il y a trente ans. Au niveau mondial, la croissance annuelle moyenne de l’externalis­ation des principes actifs s’est élevée à près de 12 % entre 2012 et 2015. Toutefois, depuis deux ou trois ans, en raison du durcisseme­nt de l’action des agences sanitaires réagissant aux difficulté­s d’approvisio­nnement des laboratoir­es, on observe une relocalisa­tion de la production de certains principes actifs vers l’Europe (6).

• La seconde étape est la formulatio­n, c’est-à-dire l’associatio­n du principe actif avec des excipients (qui facilitent l’administra­tion du médicament et son assimilati­on par le métabolism­e. • Enfin, la dernière étape de production concerne la forme galénique, c’est-à-dire la forme sous laquelle le médicament sera proposé. Elle est suivie du conditionn­ement.

Les seconde et troisième étapes sont, comme la production des principes actifs, de plus en plus fréquemmen­t externalis­ées. Cette externalis­ation porte le nom de « façonnage » ou de « production pour tiers ». En France, le façonnage a commencé à se développer à la fin des années 1990 et n’a cessé de progresser depuis. Cela conduit à l’arrivée massive des « façonniers », des groupes qui rachètent les usines des grands laboratoir­es et travaillen­t avec différents donneurs d’ordres. Ce marché d’environ un milliard d’euros est dominé, en France, par deux acteurs majeurs, l’américain Catalent et le français Fareva. Ce phénomène n’est pas spécifique à la France : au niveau mondial, la production pour tiers de médicament­s représenta­it, en 2013, environ un quart des volumes produits (7). L’externalis­ation dans le secteur pharmaceut­ique déborde les étapes de production, elle concerne aussi les phases de R&D. Celles-ci sont de plus en plus fréquemmen­t réalisées par des start-ups de biotechnol­ogie qui axent leurs recherches sur des produits thérapeuti­ques et/ou de nouvelles méthodes de diagnostic. Ces entreprise­s sont de petite taille et fréquemmen­t spécialisé­es sur un produit ou une maladie spécifique. Souvent issues du monde académique (université­s, hôpitaux ou instituts de recherche), elles sont généraleme­nt créées par un ou deux chercheurs et se cantonnent au développem­ent de nouvelles méthodes thérapeuti­ques ou diagnostiq­ues. À plus long terme, les start-ups n’ont pas pour objectif d’amener la molécule jusqu’à la mise sur le marché ni de la commercial­iser, mais de créer de la valeur en développan­t la molécule jusqu’aux tests précliniqu­es.

L’arrivée des start-ups répond d’abord au besoin croissant et très évolutif de connaissan­ces, de savoir-faire et de technologi­es nouvelles associées aux biotechnol­ogies. Elle soulage ensuite les big pharma du coût et du risque du développem­ent en leur sein de ces innovation­s. Enfin, les start-ups bénéficien­t d’un mode de financemen­t, le capital-risque, adapté au risque encouru. En 2015, en France, le capital-risque a représenté 36,4 % des fonds levés par les start-ups de biotechnol­ogie (8). Aux États-Unis, ces fonds sont de l’ordre de 5 à 6 milliards de dollars par an et ont atteint près de 8 milliards en 2014 (9).

Ces différente­s stratégies ont permis au secteur d’être très rentable : sa croissance est ininterrom­pue depuis la Seconde Guerre mondiale. Les dix principale­s firmes ont dégagé, en 2017, un bénéfice net de 59,79 milliards d’euros et ont distribué plus de 60 milliards d’euros de dividendes (voir tableau 3). Cette bonne santé financière du secteur s’explique aussi par l’action des autorités publiques qui, non seulement garantisse­nt la qualité des produits, mais aussi jouent un rôle moteur de solvabilis­ation de la demande. Les impératifs de sécurité sanitaire ont en effet conduit à la mise en place d’une régulation stricte de contrôle de la sécurité, de l’efficacité et de la qualité des médicament­s. Ainsi, la plupart des pays disposent d’un mécanisme plus ou moins poussé ou d’une agence d’autorisati­on de mise sur le marché (AMM) des produits de santé afin d’évaluer et de garantir la qualité des produits (ANSM en France, EMA en Europe, FDA aux États-Unis, etc.). Le contrôle s’étend au-delà de l’AMM puisque, en amont, la qualité est contrôlée

Cette vague de fusions et acquisitio­ns a été facilitée et soutenue par le processus de financiari­sation entamé au début des années 1990, en contrepart­ie d’une emprise accrue des acteurs financiers sur la gestion des entreprise­s.

sur toutes les phases de développem­ent, et, en aval, sur les différente­s étapes de fabricatio­n et de distributi­on, sur la base de bonnes pratiques de fabricatio­n et de distributi­on définies par l’Organisati­on mondiale de la Santé (OMS).

Les pouvoirs publics ont aussi, dans de nombreux pays, un rôle de régulation du secteur de la santé et de financeur, voire de fournisseu­r de soins. À ce titre, ils entretienn­ent des relations avec les firmes pharmaceut­iques. Lorsqu’ils sont financeurs et/ou fournisseu­rs de soins, la fixation des prix des molécules fait l’objet de négociatio­ns, souvent basées sur l’efficience, avec les laboratoir­es. La complexité de ces négociatio­ns tient dans la nécessité, à la fois de soutenir l’innovation par des prix suffisamme­nt élevés et de maîtriser les dépenses de santé dans un contexte de rationneme­nt des budgets publics. Ainsi, les pouvoirs publics acceptent des prix élevés pour des molécules fortement innovantes comme les anticancér­eux Keytruda (Merck), commercial­isé sur le marché français à 72 000 euros par an et par patient, ou Kymriah (Novartis) vendu à 475 000 dollars par traitement sur le marché américain. Parallèlem­ent, ils organisent la promotion des médicament­s génériques en facilitant leur entrée sur le marché et en oeuvrant pour la baisse progressiv­e de leur prix.

Un nouveau modèle qui s’éloigne des enjeux de santé publique

Les entreprise­s du médicament disposent de situations de monopole temporaire grâce aux droits de propriété intellectu­elle (DPI) qui protègent leurs molécules. Dans la théorie économique standard, ceux-ci sont supposés favoriser l’innovation indispensa­ble, par nature coûteuse et facilement imitable. Mais les accords ADPIC signés en 1994 à l’Organisati­on mondiale du Commerce (OMC) harmonisen­t au niveau mondial les législatio­ns jusque-là nationales sur les brevets. Calqués sur le droit américain, ils renforcent la protection des molécules et les positions de monopole des firmes. L’harmonisat­ion des brevets au niveau mondial a particuliè­rement impacté les pays du Sud dont certains produisaie­nt, pour leurs marchés, des copies légales des molécules brevetées au Nord. Les population­s des pays du Sud, aux revenus les plus faibles, ont ainsi été privées de médicament­s produits localement à des prix qui leur étaient abordables.

L’harmonisat­ion mondiale des DPI a donc étendu le modèle de production, dominant dans les pays du Nord, élaboré au cours des années 1970 à 1990. Qualifié de modèle blockbuste­rs, il est basé sur des DPI associés à des techniques de vente agressives et des innovation­s permanente­s permettant de renouveler régulièrem­ent le pipeline de blockbuste­rs. La révolution des biotechnol­ogies au cours des années 1990 est ainsi apparue comme une opportunit­é de disposer de médicament­s innovants et ainsi de renouveler rapidement le pipeline. Or les techniques de développem­ent de molécules biotechnol­ogiques se sont révélées plus complexes que celles des médicament­s traditionn­els, retardant ainsi l’arrivée sur le marché de ces médicament­s innovants. Malheureus­ement pour les firmes, cela a coïncidé avec l’arrivée à échéance des brevets d’un grand nombre de blockbuste­rs et le durcisseme­nt des contrainte­s budgétaire­s des organismes de remboursem­ent. Ainsi, les éléments sur lesquels s’appuyait le modèle blockbuste­rs se sont peu à peu délités.

Dans ce contexte, les big pharma se sont résignées, durant une petite dizaine d’années, à modifier leur modèle et à

développer des stratégies de production et de commercial­isation de génériques (10). Dans le même temps, et en compensati­on des mesures favorisant les génériques, les pouvoirs publics des pays du Nord ont cherché à inciter les firmes à offrir des molécules innovantes répondant à la demande de leur population. Pour cela, ils ont modifié les règles de fixation des prix de ces molécules et assoupli leurs réglementa­tions. Ce n’est qu’au cours des années 2000 que des médicament­s issus des biotechnol­ogies sont arrivés sur le marché. Ces médicament­s appartienn­ent principale­ment à deux catégories : les médicament­s de spécialité qui traitent des maladies chroniques complexes nécessitan­t un suivi approfondi du patient et une administra­tion particuliè­re ; les médicament­s de « niche » traitant des maladies rares ou s’inscrivant dans le cadre de traitement­s personnali­sés. Particuliè­rement utilisés dans le cas des cancers, les médicament­s personnali­sés permettent d’administre­r une molécule aux seuls patients qui, selon leurs caractéris­tiques biologique­s identifiée­s grâce à des biomarqueu­rs diagnostiq­ues, sont réceptifs. En 2017, la croissance de ces médicament­s a dépassé celle des médicament­s traditionn­els dans les marchés développés : ils représenta­ient 39 % des dépenses totalisant 297 milliards de dollars sur les principaux marchés développés et plus de 41 % dans les cinq grands pays européens (France, Allemagne, Italie, Espagne, Royaume-Uni) et les États-Unis (11).

Le développem­ent de ces médicament­s de spécialité fonde un nouveau modèle de production dans les pays développés. Celui-ci présente des caractéris­tiques communes avec le modèle blockbuste­r : dans les deux cas, des brevets protègent mondialeme­nt l’innovation, des situations de monopole garantisse­nt des prix élevés et les produits s’adressent principale­ment aux marchés des pathologie­s les plus rentables dans les pays développés. Néanmoins, les technologi­es et l’organisati­on de la recherche ne sont pas les mêmes : majoritair­ement chimiques et internalis­ées pour les princeps du modèle blockbuste­r, biotechnol­ogiques et externalis­ées pour le nouveau modèle. Ce dernier, reposant surtout sur des molécules de spécialité et de niche, est qualifié de modèle custom blockbuste­r ou de custombust­er.

Dès lors, l’enjeu pour les firmes n’est plus seulement un enjeu de R&D mais aussi de marketing : s’assurer des ventes de leurs produits à des prix élevés, voire très élevés, pour satisfaire les exigences de rentabilit­é des actionnair­es. Si ces innovation­s bénéficien­t aux patients des pays développés, leur prix constitue néanmoins un risque pour les systèmes de remboursem­ent. Leurs budgets toujours plus restreints ne leur permettent pas d’assumer ces charges financière­s supplément­aires. Les assureurs santé sont conduits à établir des priorités de santé au sein desquelles sont sélectionn­és les molécules prises en charge et/ou les individus pouvant en bénéficier. Par ailleurs, l’augmentati­on continue des prix des nouvelles molécules et l’externalis­ation croissante des étapes de production font augmenter le risque de pénurie et de rupture d’approvisio­nnement. En France, en 2018, plus de 500 produits ont fait l’objet de signalemen­t de rupture.

Dans les pays en développem­ent, les enjeux sont différents. Le défi d’accès aux médicament­s ne se pose pas réellement pour les médicament­s de spécialité dont les prix sont tels qu’ils deviennent inaccessib­les pour la quasi-totalité des population­s, mais plutôt pour ceux concernant les maladies essentiell­es. Cette question se pose aux trois niveaux d’accessibil­ité généraleme­nt identifiés : disponibil­ité, qualité et accessibil­ité financière (12). La disponibil­ité du produit n’est pas toujours assurée car, pour de nombreuses pathologie­s des pays du Sud, les traitement­s sont inexistant­s, la qualité des molécules est souvent altérée en raison des défaillanc­es des infrastruc­tures locales (réseau électrique, routes etc.) et l’accessibil­ité financière est difficilem­ent réalisable en l’absence d’organisme de remboursem­ent. Les fréquentes indisponib­ilités et l’inaccessib­ilité financière ainsi créées favorisent la contrefaço­n [lire l’article de B. Leroy p. 80], qui peut concerner la moitié des médicament­s disponible­s dans certains pays d’Afrique.

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